Qui peut être contre un plan de développement pour son pays ? Qui peut s’opposer à la croissance et au désir du bien-être des citoyens d’un pays ? Aucun citoyen responsable.
Cependant, pour ce qui est du PND, sommes-nous en face d’un plan national de développement comme semble le dire le sigle PND ou plutôt en présence d’un plan privé de développement à l’avantage d’une minorité? En effet, si le plan avait réellement pour bénéficiaires les populations pouvait-il se construire sans un large débat public antérieur sur les besoins et les priorités de notre pays ? Peut-il y avoir une portée nationale sans la collecte d’avis contradictoires des corps intermédiaires, des chercheurs, des universitaires, des personnes ressources des différents domaines en matière de développement dans l’espace public ?
Dans l’émission «D12» du dimanche 7 avril 2019 de Radio Pyramide, un ancien Premier ministre avait déjà insinué ce manque de concertation sur ce qui est présenté comme Plan National de Développement. Ou, finalement correspond-il encore à une des habitudes de la maison de négliger le débat public sur ce qui concerne toute la nation et de le confier à une minorité qui impose son opinion? Comment peut-on alors s’approprier d’un plan qui, malgré son urgence, apparaît plus comme l’outil d’un parti dans un espace politique au moment où l’on revendique en même temps la démocratie en vue d’un mieux-vivre ensemble ? Sommes-nous en face d’un folklore organisé par un tour PND en vue d’avoir l’onction qui manque, ce qui indique déjà un sort identique à celui des précédents plans ?
Par ailleurs, quelle confiance accorder à un plan qui n’a même occasionné aucun bilan des plans antérieurs ? En effet, qu’est ce qui n’avait pas été dit dans le passé sur le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) ? Quel était le bilan à propos de la réduction de la pauvreté ? Quelle analyse critique sur un document qui se voulait complet et surtout comme stratégique, alors que la pauvreté non seulement n’a pas été réduite mais a augmenté de façon plus visible ? Au DSRP a succédé un autre document vanté comme moyen d’améliorer la croissance en vue d’être parmi les pays émergents. On nous a ainsi présenté avec une grande messe la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE). Où se trouvent la croissance accélérée et la promotion de l’emploi dans notre pays où le chômage a augmenté et où la misère est devenue, même dans la ville de Lomé, l’étoffe de la réalité quotidienne ?
Comment peut-on avoir des raisons d’espérer pour un plan qui emprunte les mêmes voies que les précédents et se parent des habits, fussent-ils de haute couture, dont les mesures sont identiques à ceux déjà vus ? Ont-ils le même styliste ou aurait-on communiqué les dimensions de l’un à un autre ? S’agit-il d’une profusion de sigles avec de beaux noms qui ne recherchent pas l’effectivité de ce qui est annoncé et par conséquent conduit de façon inéluctable à l’absence de résultats ?
Ce qui est encore plus remarquable et certainement plus inquiétant c’est l’oubli même du contexte dans lequel on nous propose tout cela comme si nous étions tous amnésiques. Car que pouvait-on attendre du DSRP, de la SCAPE et aujourd’hui du PND alors que ceux qui vantent les mérites de tous ces plans, simples habillages pour avoir des fonds, ont été les mêmes hérauts du PPTE ? Comment l’option politique d’être un Pays Pauvre et Très Endetté peut-elle aller de pair avec tous ces projets qui misent sur la croissance et le développement ? Comment peut-on souscrire à cette idéologie (PPTE) et l’avoir présentée solennellement comme nouvel eldorado pour les pays africains et simultanément venir nous présenter tous ces plans dont les premiers ont été des échecs ? On peut bien se demander de façon légitime s’il existe même une réelle vision de développement pour notre pays ? Sinon comment peut-on être crédible et surtout sérieux si on est un bon économiste ou un simple bon citoyen réfléchi et se prêter au jeu d’être des thuriféraires du présent PND ? Le PND ne rappellerait-il pas un certain NEPAD dont on ne parle même plus?
Comment croire à l’efficacité d’un plan présenté comme messianique, créateur d’emplois et ambitieux quand les bases sont faussées, quand on est incapable d’assainir la vie publique ? Comment croire au discours de lutte contre la corruption pour le développement quand on a jamais rendu compte des sommes détournées, entre autres, sur le projet de route de Lomé-Vogan, sur la CAN problématique des Eperviers ? Comment croire à l’efficacité d’un plan national de développement quand il y a absence de déclarations des biens des dirigeants comme le stipule notre Constitution alors qu’ils sont en même temps les décideurs politiques et économiques ? N’y a-t-il pas de fort risque de conflits d’intérêts ? Ne peut-on pas dès lors se demander s’il s’agit vraiment d’un Plan National pour le Développement ou d’un plan privé pour le développement de certains ? Quel lien avec non seulement le DSRP, la SCAPE mais aussi avec la fameuse Vision Togo 2030 portée par un ministre qui n’est plus en poste ? Quel est le lien avec le FNFI et tout le reste? Notre pays manque-t-il de gens capables de nous proposer une vision après de vrais débats publics organisés sur tout le territoire ?
Quel crédit accorder au contenu même du PND qui parfois révèle un déficit d’études sérieuses ou se révèle comme un instrument à autre visée? Sinon comment comprendre que l’on nous vante la construction d’un Hôpital de référence Sr Pellegrin sur un site hydro-morphe, c’est-à-dire un sol qui garde l’eau et se montre aux dires des scientifiques comme un ancien dépotoir avec plein de sachets qui vont difficilement laisser passer l’eau pour éviter les risques d’inondations ? Les géologues, d’autres scientifiques et enseignants-chercheurs de notre nation ont-ils été associés à tout ce processus qui a conduit à un tel plan à travers des études préalables? Où sont ces études et sont-elles publiées ? Il ne s’agit pas ici d’un réquisitoire contre le PND mais il s’agit de questionner une pratique qui ne peut plus convenir si on veut vraiment être un pays émergent et surtout si on veut faire de la politique autrement pour le bien de tous les citoyens.
Car si les plans poussent comme des champignons sans de réels résultats, ils ne font qu’augmenter le nombre de pauvres dans notre pays pour faire accroître l’étendue des biens de la minorité ; celle-ci, par contre ne cesse de s’enrichir par faute de garde-fous limitant les pillages, la corruption et les détournements de fonds.
Un PND dont l’efficacité et la pertinence ne sont réduites qu’à la force de ceux qui l’ont confectionné, a très peu de chance de se voir approprié par tout un peuple car celui-ci n’est pas la somme des incultes et des ignorants. En effet, si le bon sens est la chose la mieux partagée même quand la science dans sa profondeur n’est pas accessible à tous et au même niveau, tous les citoyens sont capables de comprendre un plan auquel ils ont été associés comme des concepteurs. Ils pourront en être après des acteurs de réalisation. Plusieurs enquêtes et études de sociologie du développement, d’anthropologie et de philosophie du développement ont déjà montré la véracité d’une telle démarche. Alors pourquoi les ignorer ou ne pas les mettre en pratique ?
Si le tour du PND doit obéir à la logique de mettre les citoyens au centre et de leur donner la parole alors ce tour doit redevenir non pas celui de l’appropriation dudit PND mais celui de la collecte des avis pour proposer autre chose de façon plus constructive et plus inclusive. A moins que le PND ne cache le plan déguisé d’un parti qui lance sa campagne. On serait alors obligé de bien nommer les choses afin d’éviter toute confusion, car tout parti politique a le droit d’avoir son programme et de le proposer aux citoyens, mais en le disant clairement.
Si la politique est ce qu’y a de plus noble, car elle concerne l’organisation du vivre ensemble et que aucun être humain n’existe en dehors d’une communauté, alors faire la politique autrement doit être le souci de nous tous car la politique, loin d’être réduite à de simples jeux de pouvoirs, doit être redécouverte comme un service qui humanise aussi bien celui qui la fait que les bénéficiaires. La politique a besoin d’une vision partagée.
Source : L’Alternative No.791 du 12 Avril 2019
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