Chronique politique de Firmin Teko-Agbo : Le CHU Kara saigne, Monsieur le Président au secours !

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Ça saigne ! Les conditions de travail deviennent de plus en plus pénibles pour le personnel. Emotion, soucis, doute, pitié, répondent tous à l’appel. « On aimerait bien soigner nos patients, les mettre bien à l’aise, mais hélas ! Les conditions loin de nous le permettre » , déplore à voix pleureuse un employé de l’hôpital universitaire de Kara. Apparemment, ce Centre Hospitalier Universitaire n’aurait rien d’un CHU. La Cour bien poussiéreuse, les murs du bâtiment bien sales, la morgue non opérationnelle, des infrastructures insuffisantes ou du siècle passé. Une population pauvre dans la désolation. Le Président de la République et son Gouvernement riches tout heureux. Monsieur le Président, à Kara, ça saigne. Au secours !

Mi-2016 ! Kara, ville située à plus de 500 Km de Lomé, Capitale Togolaise. Olivier fait une crise. Sa famille parle d’AVC. Accident Cardio-vasculaire. Remue-ménage dans la maison. Cris, pleurs dans la famille. On est déboussolé. Ces choses ne doivent pas arriver aux familles pauvres. La famille Olivier tout comme de millions de Togolais vit avec moins d’un dollars par jour. On devient anxieux. Avec les moyens disponibles, on peut quand-même se trouver un taxi et se diriger vers l’un des hôpitaux publics de la ville. Le CHU Kara. Taxi loué et Olivier évacué. Après quelques formalités. La décision est prise. Olivier doit passer par le scanner. Le scanner est en panne. Les Radiologues le constatent. Aucune alternative pour Olivier et sa famille dans ledit Centre. Le Scanner est en panne. Cette situation dure des mois. Le scanner du CHU Kara est en panne depuis près d’un an. Plusieurs personnes se retrouvent dans la situation Olivier. Et quelques patients devant passer par le scanner sont quelques fois envoyés au Nord du Benin par taxi. Non par ambulance. Les risques sont bien énormes. L’on peut bien imaginer les difficultés du trajet et ce qui arrive quelques fois. La mort s’y invite.

Le CHU Kara saigne, au secours, Monsieur le Président !

Ce n’est pas le seul appareil en panne. La radio de l’hôpital est également en panne. La situation dure près de 12 mois. Un médecin s’en plaint : « cette situation devient insupportable vous imaginez, en réalité, tous ceux qui sont victimes d’accident de circulation doivent nécessairement passer par la radio. Les patients qui souffrent d’infection pulmonaire également. Des gens viennent avec ces cas, mais nous sommes impuissants. ».

Le CHU Kara saigne, au secours, Monsieur le Président !

Une petite visite à l’intérieur. Les murs des salles d’hospitalisation bien sales. Bâtiments non adaptés à un CHU selon un spécialiste. Moins de lits. Le nombre de malades dépassent les places disponibles. Coupure incessantes de courant. Coupure d’eau régulière. Le labo ne réalise plus les analyses biochimiques. Cabines très insuffisantes. Dans les salles d’opération, c’est la catastrophe quelques fois. Les scialytiques tombent souvent en panne et les chirurgiens obligés d’opérer dans des conditions très insupportables et non éthiques. On peut faire appel aux torches en pleine opération. Afrique mon Afrique !

Le CHU Kara saigne, au secours Monsieur le Président !

Les patients souffrant de maladies infectueuses ne sont nullement séparés de ceux souffrant de maladies transmissibles. Une situation gravissime. On peut facilement se passer quelques microbes.
Le CHU Kara dispose de certains spécialistes. Mais ces spécialistes manquent d’infrastructures adéquates pour travailler. La situation du gastro entérologue en est une parfaite illustration. Les infrastructures gastro ou neurologiques manquent.

Le CHU Kara saigne, au secours Monsieur le Président !

La morgue de l’hôpital ne fonctionne plus. Elle est également en panne depuis près d’un an. La morgue du CHR est la seule alternative. Mais elleétouffe déjà. Seule dans la région. Elle est pleine et déborde.. Les morts sont quelques fois acheminés vers la morgue de Sokodé. Les familles bien pauvres s’adonnent à la morgue traditionnelle. On fait la morgue chez soi. Le CHU Kara saigne. Poussière dans la cour, les véhicules la soulèvent régulièrement. Les malades repartent sans nul doute avec d’autres maladies.

« Regardez l’entrée de l’hôpital, est-ce que ça a l’air d’un CHU ? » s’interroge un étudiant de la ville qui vient d’amener sa maman à l’hôpital. Il se fâche« Vous allez à l’intérieur, tout est sale. Je me demande si notre Région ou notre localité a des cadres. Et je réponds par l’affirmative étant donné que nous avons plusieurs députés qui viennent de cette localité, ils ne pensent pas à nous. Même notre président. » Pour le Président et son gouvernement on dirait. Puisque tout porte à croire que la situation de l’hôpital ne leur dit pratiquement rien. Un hôpital, un CHU dont la morgue a cessé de fonctionner depuis près d’un an, un CHU dont le scanner est en panne depuis près d’un an. Un hôpital dont la radio a cessé de fonctionner depuis près d’un an, un hôpital dont le laboratoire n’est plus productif. Un hôpital public dans lequel on utilise quelques fois des torches en pleine opération. La vie humaine en danger ! Alors que le pays a un Ministre de la Santé, un Premier Ministre et un Président de la République. Que dirions-nous si ce n’est « les Autorités publiques prennent à la légère la vie de cette population ». Manque de considération de la part des pouvoirs publics à l’égard du peuple.

Monsieur le Président, dites-nous que vous n’avez aucune information relative à l’état de cet hôpital. Dites-nous que vous ne savez pas que pour faire le scanner, on envoie les patients dans un autre pays, au Nord du Benin. Dites-nous que votre Ministre de la santé ne vous en a jamais parlé. Le saviez-vous ? Ou vous découvrez toutes ces infos à travers cette chronique ?

Le CHU karasaigne, au secours Monsieur le Président !

L’étudiant et d’autres employés s’étonnent : « on ne comprend rien. Comment le Directeur Général, le Directeur adjoint financier, le Directeur des ressources humaines, l’Econome et le Chef du personnel qui sont tous de notre localité, c’est-à-dire qui sont tous kabyè ne peuvent-ils pas avoir pitié de leurs frères kabyè. Ils trouvent juste leur pain et laissent ce centre dans un état de délabrement avancé. Au lieu de rendre des comptes fidèles au Ministre ou au Président ».

Monsieur le Président, pour atteindre l’émergence, l’on a nécessairement besoin d’une population, car c’est elle qui travaillera pour la croissance. Mais elle doit être en bonne santé pour y parvenir. Vous parlez de Togo Vision 2030, vous rêvez de l’émergence pour votre cher pays. Mais ceux qui doivent travailler à cette émergence et que vous avez juré défendre et protéger ont du mal à se nourrir, à se soigner, à se vêtir. D’aucuns meurent pour faute de moyens. D’autres passent des années à l’hôpital pour faute de moyens.

Monsieur le Président, vous avez prêté serment. Ne trahissez pas votre serment !

Firmin Teko-Agbo, Journaliste-chroniqueur politique

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