Par Kodjo Epou, Washington DC, USA
Togocom est donc vendu. Les acheteurs ne sont pas, peut-être, d’Antananarivo mais de Didjolé, non loin de chez la vendeuse Cina, une Lawson. Ministre 4G, membre tout feu tout flamme de la coterie. Un matin, les Togolais vont se réveiller sans leur pays. Faure is « doing business ». Déjà, on se demande ce qui en reste des propriétés de l’Etat. La réponse abonde dans la presse locale qui nous décrit une réalité plutôt glaçante. Pour Anani Sossou, un confrère proche des dossiers du bradage tous azimuts, plus grand-chose ne reste du patrimoine national. Hormis, ironise-t-il, le tchouk, le sodabi (boissons locales), les viandes de chien, de chat et de varan et bien sûr … la prostitution à gogo. Le Togo – tous les témoins s’accordent – est cédé à des tiers. Par ordonnances. Même pas aux plus offrants. Ce qu’on déclare au peuple cache un juteux business en toile d’araignée, complexe. Derrière les apparats princiers, une ruine abyssale, une nation abîmée jusque dans ses murs porteurs.
Les Malgaches (?) ont pris possession de l’entièreté du réseau de télécommunication du Togo, pourtant élément stratégique de tout pays, c’est ce que rapporte sur son mur le confrère Anani Sossou. L’ensemble de la presse locale abonde dans le même sens. Et le journaliste Anani d’égrener un long chapelet de biens publics livrés à un bradage systématique, à l’appétit gourmand du pouvoir: « Le port de Lomé est franco-chinois, le stade de Kégué est exclusivement chinois, le phosphate israélien, la BIA est marocaine, les parcs à centenaires et de dépôts de vente de voitures d’occasion sont libanais de même que les grandes surfaces et les supermarchés, les bâtiments commerciaux et le commerce au grand marché relèvent de l’exclusivité des pays sahéliens notamment Nigériens, Maliens, Burkinabé, la brasserie est du ressort des Français, la BTCI et l’UTB seront dans quelques jours des sociétés privées détenues par les étrangers etc… »
La liste d’Anani n’est pas exhaustive, si l’on sait aussi que la plage et son sable marin, les hôtels, les carrières de clinker cimentier et, bientôt, la mine de manganèse de Nayega etc … sont concédés, derrière portes closes, à des étrangers, malgré les cris de colère des citoyens éclairés. Quel est finalement l’objectif de ce régime qui ne prend jamais en compte l’opinion publique? Gnassingbé nous renvoie l’image d’un président par défaut qui ne sait pas pourquoi il occupe son poste ou, juste pour s’enrichir. Visiblement, l’homme a une idée très limitée de l’État. C’est la seule explication plausible qu’on peut donner à cette gouvernance tordue qu’il pratique, sans jamais faire preuve d’une attention particulière aux questions d’intérêt national, même les plus brûlantes. Comment dire la chose autrement lorsque les spectaculaires accusations de bradage des biens du pays qui remplissent les journaux n’émeuvent guère notre président? Les Togolais auraient-ils carrément à faire à un système de voyous barricadés?
On voit, en tout état de cause, un conglomérat de figures vicieuses, sans distinction de sexe, repues d’argent du pillage, perverses et infectes, tous reconnaissables par le train de vie plutôt insultant. Les visages du pillage ont, eux, de la chair quand, à quelques pieds en bas, errent des squelettes vivants. En matière de dégâts, un éléphant dans un magasin de porcelaine ne ferait pas mieux. C’est le pays entier, que le singulier aphone de président et son clan est en train de saccager avec inouï acharnement. Conséquence, les Togolais, pour s’alimenter, se loger et se soigner, payent le prix du siècle prochain avec des salaires et revenus du siècle dernier. Voila l’image. Simplement hallucinant.
La bande, panse pleine, poche profonde, a tout d’une caste co-optée et c’est Faure Gnassingbé, « himself » qui est chargé de la barre du siphonnage, faisant de la corruption un mal endémique, un véritable sport national. L’esprit régnant, au sommet de l’Etat, fait tomber à la renverse? « Le peuple a beau gémir de sa misère, notre caravane passe ». Le tout dans un silence ostracisant et enrageant qui cache à peine une chape de plomb ambiante, dans un pays exsangue, d’une pâleur avancée, totalement livré aux étrangers.
Mais, ce président s’en rend-il seulement compte? Certainement, mais n’en a cure. Car, il croit dur comme fer que la culture de la peur que son système a installée dans le pays à définitivement pris le dessus, que l’opinion publique ne peut influencer en rien ses choix et actions et qu’il reste le seul maître à bord. Personne à la tête de l’État pour parler aux Togolais en des termes portant l’empreinte de la conciliation, du respect et de la solidarité. Aussi le chef de l’État ne sent-il nul besoin de rendre compte ni le devoir de s’expliquer, même sur les scandales les plus effarants qui, ailleurs sur le continent, auraient menacé son fauteuil et obligé ses services à monter au créneau pour au moins calmer les esprits.
Il faut éviter de se cacher la face et reconnaître que le peuple Togolais est encore un peuple faible. Plus de joyeux poltrons que d’impétueux braves. Pour le moment, le Togolais, très appauvri, tire le diable par la queue s’il ne danse pas devant son buffet. C’est, possiblement, la raison de sa faiblesse. Mais viendra le jour où il va devoir mettre fin au piétinement sourd de son destin. Autrement, le vrai danger qui mine le régime de Faure et qui va forcement provoquer son effondrement, c’est cet étonnant mépris qu’il a du PEUPLE, ignorant que le peuple peut faire montre de volt-face subites, qui peut conspuer le soir après avoir acclamer le matin. Ce peuple qui, en dehors des origines de l’univers, est la plus complexe et insaisissable des réalités qui existent. Ceci étant, Faure et ses sbires, dans leur fuite en avant, se savent condamnés. Forcement. Car, un jour, ils rencontreront ce peuple souverain sur les pentes savonneuses de leur politique de la terre brûlée.
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