Chronique de Kodjo Epou : Notre marche dos à la route

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Les Togolais marchent, dos à la route

Et le temps s’écoule, peinard. Comme du jus qui suinte d’un sac poubelle. Le pays pourrit lentement, s’écroule par endroits. Comme s’il est sous l’emprise d’un karma cruel, intolérant, qui le putréfie. Rien de joyeux à regarder; rien à montrer de glorieux si ce n’est, à la TVT, la transe débile de « Da-Vodou » qui promet une autoroute Lomé-Cinkassé et 25 000 salles de classe en cinq ans. Toujours le même couplet, truffé des mêmes promesses d’ivrogne. La majorité n’a pas le choix; elle subit, bâille et dort le ventre creux. Les plus désespérés, des jeunes, continuent de finir leur vie au bout d’une corde. Tête de cuvée Laurent-Perrier pour le clan et ses alliés, la corde du suicide pour les misérables. C’est le multiple standard qui remporte l’avantage, la justice étant aliénée, hostile à la population: le Togo est un pays qui marche, dos à la route. C’est ça la vision du chef de l’Etat! Un recul constant. Les malfaiteurs fleurissent, se couchent en chantant Alléluia et se réveillent plus dominateurs, priant pour que perdure la tyrannie. Ils débarquent partout. Les terres de nos campagnes leur appartiennent. « Au nom du parti », communautés entières sont soumises à la peur puis, spoliées au quart de tour. Le Togo est un état raté, un territoire de non-droit, en cruel déficit de guide, de repère, indifférent de son rôle, de ses obligations, ses citoyens rançonnés avec inouïe violence. En réalité, une poudrière à ciel ouvert.

Par Kodjo Epou

Face à une population désemparée qui se bouche le nez, une palanquée de juges, de ministres, de députés et de hauts fonctionnaires, en privé, font la mine compassée d’être inquiets pour l’avenir de la République. Mais une fois en public, ils résonnent comme si tout va bien au pays et qu’ils sont en charge de l’intérêt général. Exemple: ces trucs que Da-Vodou a fait signer aux membres de son équipe pléthorique. Pour quel résultat dans ce complexe système galactique d’intouchables militants, système régi par la grande corruption, sous la supervision de « juges milégo »?

L’hypocrisie est décidément togolaise ! S’accrochant à la branche dont on fait les plus solides langues de bois, ils abondent dans les verbiages gesticulateurs d’où est ressorti récemment un scoop selon lequel nous sommes, paraît-il, autosuffisants, mieux nourris parmi les pays de la région Ouest-Africaine – ça c’est Charles Agba tout craché, dans toute ses laideurs – A en croire notre marchand de moustiquaires, les Togolais doivent prolonger, rallonger, reconduire, embaumer, momifier voire enduire au carbone quatorze les mêmes souillures, les mêmes vieux croûtons du RPT/UNIR qui en sont, chaque jour, à transformer allègrement la patrie en balayures.

Tout ce qui pouvait être dit sur ce régime impassible a été dit, vomi, régurgité, dégurgité. Le stock d’indignations gonfle et se dégonfle. Donc, qu’est-ce qu’on attend ? Pas en tout cas une révolution. Elle n’aura pas lieu. Pas de sitôt en tout cas! Le peuple est fatigué, déplumé, déprimé, l’opposition ayant lamentablement échoué de canaliser ses ardeurs et ses colères. Un peuple togolais qui est même devenu fatigant. Au point que plus personne en Afrique, moins encore en occident, ne s’indigne de son sort puant. Pourtant tout le monde en a marre. Marre d’un gouvernement aux bras prédateurs, d’un parlement atrophié dirigé par une néophyte louangeuse du vice, bref des institutions rabougries qui ne servent à rien sinon qu’arrondir les angles à une démocratie factice, à un état totalement fondu dans le patronyme Gnassingbé.

Les voyez-vous souvent, nos ministres qui passent leur temps entre les lumières de Paris et les poussières de Lomé? A leur retour des belles capitales occidentales, ils n’éprouvent aucune gêne, aucun remords, à faire construire routes et ponts, à coup de milliards empruntés auprès du même occident, par des bricoleurs, des racoleurs sans scrupule. Au Togo, le menuisier du quartier est vite devenu un ingénieur ponts et chaussées et peut construire des routes. Tout se passe en famille et/ou entre camarades de parti, par le biais de contrats frauduleux consentis de gré à gré, en dessous de tables et à la faveur de la nuit profonde.

Allez voir la communication dans ce bled. Elle est, sur le continent, la plus défectueuse. Paradoxalement, la plus chère. Communiquer par téléphone ou via internet au pays est source de tous les soucis, un parcours du combattant. Problème de réseau et de connexion, ne cessent de se plaindre les usagers, impuissants, qui sont littéralement écumés de leurs maigres ressources. Et quand, face au ras le bol, de pauvres hères de la presse nationale osent jouer leur rôle de simple dénonciation, c’est dare-dare la prison. Sans transition. Les juges, tous véreux ou presque, sont prompts à se mettre en activité, tels de misérables vaguemestres sans aucun pouvoir, en faveur du prince auto-intronisé et de son clan. Ensuite, on s’empresse de faire voter par l’Assemblée moutonnante, des lois liberticides à faire sauter d’indignation au plafond. Pendant que l’assemblée nommée est arrimée à l’exécutif, sans le moindre pouvoir de contrôle, le litre de carburant à la pompe coûte deux fois plus cher qu’aux États-Unis. L’avidité des Adjakli et la multitude de réseaux qui les jouxtent est passée par-là, gonflant la pompe, écrasant le consommateur.

Entre les petites bouffées d’optimisme et les grosses lampées de pessimisme, la situation générale du Togo se résume ainsi : une avancée en arrière du pas en avant dans le recul du progrès de toute perspective d’avenir radieux pour le pays. Néanmoins, il ne faut pas baisser les bras. Il y a d’innombrables batailles à gagner parce que la lutte a faibli, alors que la désespérance sociale, elle, grandit.

Qui de l’opposition pour reprendre le baton du pèlerin à l’image de Jacques de Zébédée, apôtre de Jésus Christ? Vouloir faire cavalier seul est une laide duperie. Qui pour reconstituer, par la remobilisation, la mémoire éteinte de nos différents pèlerinages ou randonnées? Repartir en croisade contre l’obscurantisme ne sera pas tâche facile après que la poudrière rallumée en Août 2017 s’est assoupie? Pour y arriver, les Togolais doivent nécessairement faire le triple pardon: le PARDON au ciel pour la Vie Grandiose sur le sang des autres, le PARDON à nos âmes pour ne les avoir pas écoutées, le PARDON à l’âme des êtres que nous avons livrés à la maltraitance du diable contre de l’argent. Chacun doit nettoyer son karma, à commencer par le chef de l’état et ses adorateurs car, ce sont eux qui portent les plus lourds karmas qui plombent notre pays.

Kodjo Epou
Washington DC
USA

Source : 27Avril.com