Par Kodjo Epou, Washington DC, USA
A cause du refus obstiné d’un viel homme sans sagesse de tenir parole, de respecter l’engagement pris devant ses concitoyens il y a neuf ans à Conakry, une main sur le coeur, l’autre sur la constitution; à cause du refus d’un Alpha aux innombrables rides de remplir dignement, dans les limites reglémentaires, les devoirs de sa fonction, de pauvres hères vont être mutilés, plusieurs Guinéens vont être mortellement fauchés. Inutilement. Simplement parce que le serment de fidélité de Condé est en passe de devenir, grâce à un référendum mensonger, un serment d’ivrogne et/ou de joueur. La Guinée-Conakry se rue dans de violentes turbulences. Le fléau endémique des troisième mandats aura eu le dessus. Un phénomène qui fournit des arguments aux détracteurs de l’Afrique et étaye la façon dont nous sommes vus et jugés au-delà de nos frontières. Il se dit de nous que “l’Africain n’est pas un homme de parole; les serments, pour lui, ne sont que des mots, et les mots que du vent”. Ce n’est pas seulement un cliché! Car, qui peut dire que les maux dont souffre le continent, ce n’est pas d’abord la faute aux Africains eux-mêmes?
En décembre 2010, un sexagénaire, presque vieil homme, laborieusement, était sorti des urnes à Conakry. Dix ans après, il n’est plus, aux yeux de beaucoup d’Africains, qu’un vulgaire assoiffé de pouvoir aux penchants autocratiques. Un troisième mandat pour en faire quoi? Ou, à quoi sert-il d’accéder au pouvoir par voie démocratique(?) si on ne peut pas, dans le délai constitutionnel convenu, passer le témoin, par souci de prémunir son peuple du chaos ? L’image que le « vieux Alpha» et ses semblables renvoient au monde dégrade le continent: la pratique de manipuler les constitutions, de s’accrocher au pouvoir envers et contre tout étant très vive dans cette partie de la planète où l’on compte les plus barbares autocraties. Pourtant, selon nos traditions africaines, c’est le vieux qui donne l’exemple. Il se pose en modèle que les plus jeunes consultent. Mais, avec un Condé qui s’amuse, toute honte bue, avec le destin de son peuple, c’est l’une des valeurs les plus sacrées de la sagesse de chez nous qui est malmenée, prise en chasse : le respect de la parole donnée. La valeur d’un homme ne se mesure t-elle pas à l’aune de sa parole et de l’exécution de ses promesses?
Nombreux sont les Africains à se demander ce que valent vraiment leurs représentants suprêmes, gardiens des constitutions, si ces derniers, sur le plan de l’intégrité morale, doivent, du militaire putschiste à peine instruit à l’intellectuel avec titre de professeur, être aussi minables les uns que les autres, rivalisant d’ardeur dans les vaines promesses qui n’engagent finalement que les pauvres citoyens qui y croient.
Le continent serait un être humain qu’il se tordrait de douleurs et se plaindrait d’avoir mal partout. A cause de ses intellectuels. Kérékou les peignait de “tarés”. C’est à cause de cette intelligentsia viciée, de la faiblesse des institutions qu’elle contribue à asseoir sur le continent et puis du manque criard d’intégrité, que tout énergumène se croit fondé, une fois aux affaires, de manipuler les règles qui régissent la magistrature suprême. L’on comprend pourquoi, même les plus cancres et les plus fainéants, une fois parvenu au poste, veulent rester avec l’idée à peine voilée de se transformer en présidents à vie, bien que n’ayant pas l’expertise et l’expérience qui sont les fondamentaux de la plus haute fonction de l’Etat. Tellement, le poste le plus exigeant de la République, en Afrique, est banalisé! Ainsi, le continent risque t-il de s’exposer pour des siècles encore aux assauts des moins-disants de ses entrailles si la judicieuse proclamation, à Niamey, des anciens chefs d’Etat contre ces vicieux troisième mandats ne se transforme pas rapidement, à Addis Abéba, en une mesure contraignante consignée noir sur blanc dans la charte de l’UA.
En attendant que l’Afrique voit émerger un nombre important de figures emblématiques de la trempe de Nelson Mandela ou de l’intelligence de Mahamadou Issoufou, la candidature de Condé pour un troisième mandat, à 81 ans d’âge, est un coup de massue sur la tête de la jeunesse combattante africaine. L’attitude de celui qui se dit sorti des Sciences Po de la Sorbonne est mortifère. Le fictif référendum annoncé et la campagne de prosélytisme qui l’accompagne sont une haute trahison qui, en tant que tel, mérite, au bas mot, une ferme condamnation et le premier responsable du désordre, Condé, pendu haut et court. A son âge, on attendait de lui d’être un Salomon, gorgé de sagessse; mais Alpha, à cause d’un appétit du pouvoir que rien ne justifie, nous montre Lucifer qui vit en lui. Voilà l’image. Et, lorsqu’on a passé dix ans à la tête de son pays et que le désire de succéder à soi-même suscite un mécontentement général, le bon sens recommande une attitude autre que celle de procéder par la chasse aux opposants et d’engager un bras de fer avec son peuple ?
Pendant que le vieux de Boké, par sa guérilla constitutionnelle ubuesque, divise et cogne les Guinéens les uns contre les autres et que notre célèbre Union Africaine reste si muette, les esprits malfaisants s’échauffent, se frayent du chemin et, petit à petit, iront s’installer dans les failles. Les vendeurs de fusils ne demandent que pareil climat. Ainsi s’allument, en Afrique, les conflits armés. Souvenons-nous, Alpha, une fois, alors qu’il était dans l’opposition, trouvait “malsain et diabolique de marcher sur des cadavres pour accéder au palais présidentiel”; veut-il maintenant en sortir, au crépuscule de sa vie, en traversant à la nage, une rivière de sang humain en crue ? De gré ou de force le vieil homme partira, de sa belle mort ou emporté par une bousculade. Tant pis pour lui car, ce sera une drôle de façon de terminer sa carrière politique !
Le cadeau le plus précieux qu’on peut offrir aux Guineéns, dans leur situation actuelle, c’est de leur souhaiter les meilleurs vœux de paix afin que le président octogénaire, en 2020, finisse par trouver, dans la langue Kankan, l’équivalent, le sens et les raisons de « Prendre sa Retraite ». Du coup, cela conduit à deux phénomènes dont on ne parle pas assez: Pourquoi Djene Kaba Condé (l’épouse) ne raisonnerait-elle pas son mari? A quoi servent ces Premières Dames en Afrique? Que disent elles à leurs potentats d’époux, les nuits, lorsqu’elles s’allongent à côté d’eux, dans le même lit?
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