Le sacramentum, en politique, est une promesse solennelle de fidélité, un acte de dévouement; c’est un lien unissant un dépositaire des suffrages du peuple et ce peuple qui l’a élu. Le serment instaure, sinon scelle la confiance et le respect entre le président de la république et ses compatriotes. Après son serment, ce dernier a le devoir absolu de protéger leur droit à la vie.
C’est un ciment revêtu de caractère sacré intransgressible. Prêter serment et, dès le lendemain, utiliser les lois et les juges assermentés pour combattre tant une partie de son peuple que ses adversaires politiques, c’est rompre sa parole donnée; c’est briser, par un abus du pouvoir, l’engagement sacré qui lie l’âme du prestataire à Dieu et à ses concitoyens.
Si l’on fait les comptes, les serments de Faure ne sont que des mots, et ses mots que du vent. Autrement, des serments d’ivrogne, de joueur, qui pèsent le néant. Ce n’est pas Tomdè, à Kara, qui va démentir le parjure. Allons-y voir!
Lorsqu’on a tout pris à un peuple, il faut lui aménager au moins un hôpital qui sauve les vies et où il peut aller se faire soigner, soit pour guérir, soit pour y rendre l’âme dignement. Mais, pendant ces quinze dernières années, l’hôpital est devenu lui-même malade, faute d’équipements, de médicaments, de rénovation et d’un plan de motivation pour son personnel.
Il s’est transformé, l’hôpital de chez nous, en un lieu de transit forcé, sans retour, vers le cimetière. Pour n’avoir, dans le domaine de la santé, rien à montrer du doigt comme motif de fierté nationale, les Togolais se demandent à quoi au juste servent ces serments que prête Faure Gnassingbé tous les cinq ans, jurant sur la bible de protéger ses compatriotes contre la maladie et la mort. Nous en sommes au quatrième du genre ce 3 Mai 2020.
Un douloureux exemple parmi tant d’autres de l’inexistence d’une politique de santé au Togo, c’est l’hôpital chinois de Kara. Ce joyau en souffrance par manque d’entretien et de bonne gestion est envahi de mauvaises herbes, laissé dans un état piteux. Il est symbolique des crimes multiples du régime. C’est à Tomdè. Un centre construit en 1995 par Eyadéma, pour être le fleuron de la médecine de pointe, fruit de la coopération entre Beijing et Lomé. Il est à l’abandon, ce CHR. Pourtant, on est en pays kabyè, le fief inconditionnel des Gnassingbé. Certains autochtones vont se faire soigner dans le Bénin.
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Tout comme beaucoup d’habitants de Lomé qui vont suivre leurs traitements dans les hôpitaux secondaires du Ghana. Depuis 15 ans, le CHR de Tomdè n’a connu aucune innovation, aucune rénovation. Paradoxe: les nouveaux riches, la plupart des milliardaires du Togo, de nos jours, sont natifs de la Kozah. La réalité est plus qu’ahurissante: les Togolais, toutes ethnies confondues – l’épidémie du COVID-19 a mis en exergue cette triste réalité – sont des laissés-pour-compte et doivent faire face à la crise sanitaire, seuls, avec des moyens dérisoires et ont, pour certains, à choisir entre se nourrir et aller à l’hôpital quand ils sont malades.
Où est-il le leadership du président, ce louange que ses ministres nous chantent sans cesse à longueur de discours ? C’est à croire que le leadership en question ne s’applique pas au domaine de la santé. Passer 15 bonnes années à la tête d’un pays, trois mandats pleins, sans construire un seul hôpital ! Quel sens peut-on finalement donner aux prestations de serment et aux mandats qui s’en suivent? Pendant toutes ces années, a t-il concrètement mené des actions qui soient de nature à protéger les vies humaines à Kara et environs lorsqu’il a privé le CHR de Tomdè d’équipements et de moyens qui soignent et guérissent les malades, qui donnent des espoirs de vieaux populations de la région?
Pourtant, ce ne sont point les fonds qui ont manqué. Ils se comptent par dizaines, les centres de santé à travers tout le pays qui, à l’instar de l’hôpital Chinois de Tomdè, ont subi les conséquences dévastatrices de l’absence totale et notablement délibérée de l’Etat togolais, lequel, à ce titre, est devenu un état homicide qu’incarne Faure Gnassingbé, parce que laissant les Togolais mourir, si ce n’est par balles, de maladies bénignes, et même, parfois, de simples morsures de serpents. Le président qui ajoute un 4ème serment, a t-il respecté les prescriptions des 3 précédents lui enjoignant de protéger les fils et filles de son pays?
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C’est raté. Vraiment raté les trois quinquennats que Faure a volé aux Togolais. L’homme de 2005 a rigoureusement raté ce que ses compatriotes attendaient, idéalement, d’un président parvenu aux affaires dans des conditions troubles qu’on connaît. Le peuple l’aurait voulu, par son travail acharné, non pas le gendarme qui fait peur, mais le thermomètre de sa vitalité, de sa prospérité, le régulateur de ses institutions, le garant de son équilibre, aussi relatif soit-il.
De lui, on attendait le triomphe d’une nation affranchie de ses années de plomb. On aurait tant envie de ne retenir du président débarqueur qu’une gouvernance, sûrement pas lisse, mais à tout le moins très apaisante dans la forme et dans le fond ; qu’une rage personnelle à donner à tous les Togolais les mêmes droits, les mêmes libertés, les mêmes devoirs ; qu’une incarnation du bien et d’une résurrection nationale profitable à tous, aujourd’hui et demain, après tant d’années de grandes souffrances. Il a failli. C’est pourquoi ses compatriotes veulent changer d’air, d’ère. Tout sondage rigoureux mené hors des chapelles militantes d’UNIR le révèlera.
Comment Faure a-t-il fait pour n’avoir pas pu, en quinze ans, réaliser un seul chantier social de grande envergure qui fasse date dans l’histoire de notre pays et soit attachée à son propre nom ? La rénovation d’une morgue attelée à un hôpital en total délabrement est un nonsense. L’aurait-on trompé, ce président, pour qu’en outre il privilégie l’acquisition d’hélicoptères militaires et la construction de prisons en lieu et place de centres de santé et de lycées modernes bien équipés? Comment a-t-il fait ? Son éducation ? Son ADN? Des pesanteurs quelconques? L’histoire sait déjà ce qu’elle retiendra de Faure Gnassingbé.
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Un président vide et absent dont les serments sont une obscène succession de duperies. Résultat : le Togo est un pays triste, déprimé, amère. Et pour survivre, la plupart des gens font la manche, se prostituent. Les familles sont plus dépendante des proches de l’extérieur que du travail introuvable à l’intérieur.
Les effets sont légion, les ravages étendus. Alors, messieurs les juges, vous qui vous y connaissez : à quoi servent les serments ? Il nous est asséné, à tout casser, « Allons-y seulement ». Mais, aller où ? Tous les observateurs sérieux se le demandent et, schématiquement, s’interrogent: Où amène-t-on tous ces Togolais dont pas un seul ne sourit, ne rit?
Kodjo Epou
Source : Togoweb.net