Une nation est en péril dès qu’elle n’est pas guidée par son élite. Or depuis, l’élite togolaise, si elle ne s’expatrie pas, s’acoquine avec le vice ou alors, se terre, malheureuse, dans un silence peureux. Elle est ainsi privée de sa part dans l’État. Le Togo qui est capable de faire des miracles n’a pas pu le faire, errant tout seul, sans feuille de route. Il a fallu, le 31 juillet, que la CEDEAO en impose une. Elle est boiteuse. Mais peut, utilisée à bon escient, sortir le pays de la voie de perdition.Y aura t-il, pour une fois, la bonne foi?
Le danger ne finit pas de roder. C’est pour conjurer l’irréparable, que la CEDEAO a tendu sa feuille, un échéancier électoral à la clé. Mais, on attend de voir, au-delà des paroles, des actions fortes, concrètes et sincères de leadership du Chef de l’État. Des actions qui montrent véritablement qu’il y a, enfin, un capitaine à bord du navire ivre battant pavillon togolais. Cette feuille de route est bien en-deça des attentes. Néanmoins, au regard de la situation de notre pays, c’est une perche utile que chacun des protagonistes doit saisir, sans faux-fuyant.
Par elle, l’Organisation que dirige Jean-Claude Brou entend que le Togo doit cesser d’être ce pays de « Far-West » au plein cœur de l’Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi – la lettre et l’esprit des recommandations l’indiquent – il ne peut plus être question que le président Faure Gnassingbé et son parti continuent de faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. La ruse et la terreur sont proscrites. Ce qui suppose que le chef de l’État doit recadrer ses hommes, civiles ou militaires, et discipliner son parti, UNIR, caractérisé par la « langue de chêne » comme au temps des Tsars russes.
Le temps est arrivé où le Togo a besoin d’un changement qui ne peut plus être remis à demain. L’aspiration générale vers ce profond changement traverse la nation entière. Bien que matée, brutalisée, tournée en dérision, sa détermination n’est ni entamée ni près de fléchir. Isolé, le régime l’est déjà. De son propre choix. Et pour cause, en son sein, trop de personnes imbues de fausse puissance, caractérielles et indisciplinées, à la limite de la paranoïa, qui manquent d’élégance et de rondeur. Le tristement célèbre et irrévérencieux Gilbert Bawara ne l’illustre que trop. Farouche adepte des passe-droits, il représente le tapis bariolé qui saille la brutalité d’un régime grossier et décrépit.
Tout cela s’entend. Avec un Chef de l’État mou, irrégulier dans sa conception du nouveau monde, paresseux à l’ouvrage et infidèle à ses promesses, qui laisse délibérément son influence se fondre dans les extravagances de quelques surexcités, l’urgence d’une ère nouvelle a pris forme dans tous les esprits. C’est réel, jusqu’à l’intérieur du système. Corruption, impunité, sectarisme, violence gratuite, incompétence rivalisent d’ardeur: la seule politique ayant cours est désormais celle du moindre mal. Quand la gestion du pays devient tributaire des crimes, quand entre deux maux les citoyens, confondus, sont en peine de s’entendre sur le moindre, il devient clair que la victoire finale de la discipline sur l’anarchie, de la pensée moderne sur l’obscurantisme doit enfin advenir.
Car, l’État des lieux inspire de la pitié : gouvernement haï, Assemblée déprimée, ordre moral dissolu, plaies sociales élargies, puissantes complicités sous-jacentes. Il faudra, en connaissance de cause, que la C14 mette les bouchées doubles, dès maintenant, pour tirer meilleur profit de la feuille de route, ultime opportunité pour elle de mettre un terme au grand banditisme d’État. Quant à la CEDEAO, l’exercice pour elle va surtout consister à surveiller de près la CENI recomposée, comme du lait sur le feu.
Dans la foulée, l’opposition doit proposer un premier ministre, de préférence une personnalité hors de la C14, pourquoi pas de la Diaspora. Elle devra rester très agressive sur la mise en œuvre des différents points de la feuille de route. Bien entendu, en n’ayant à l’esprit rien que la veuve, l’orphelin et le peuple martyrisé. Traîner des pieds derrière de petits calculs partisans ne peut être une option. Car, en cas d’échec de la pressente feuille de route, sauf une révolution populaire soudaine, la chape de plomb va survivre à 2020, au grand dam d’une population qui a tant soif de changement et, le chantier de la démocratie, au Togo, attendra encore 107 ans.
Kodjo Epou
Washington DC
USA
27Avril.com