Deux ambulances flambant neuves pour VO, la principale cité minière du Togo. Lorsqu’on regarde ces trottinettes à trois roues offertes par le gouvernement à VO pour servir de transport d’urgence, on se dit – et l’image n’est pas outrancière – notre pays a touché le fond. Le Togo gît dans le passé et ses agrégats socio-économiques dans l’informel. Ces ambulances sont pénibles à regarder et donnent l’envie à tout Togolais digne de se couvrir le visage pour ne pas voir l’ampleur des ravages causés au pays.
De ce même Togo, notre président, dans Jeune Afrique, clame à qui veut l’entendre que son pays « est partie prenante d’une Afrique nouvelle ». Ah bon? Lequel Togo? Le pays que décrit VO, celui où la misère est le pain quotidien et le citoyen du gibier qu’on chasse à tour de bras?
Pour humer l’air de cette pauvreté violente que son parti a répandu partout, il suffit de visiter la localité de VO, bénéficiaire des deux fameuses ambulances destinées aux besoins de 10 cantons, 755 km2, 250 000 habitants, en plus à une préfecture minière pas si loin de la capitale. C’est dans cette région que le pouvoir RPT a extrait et vendu, pendant 50 ans, les phosphates, entre temps poumon de l’économie nationale. Les habitants, en échange de la manne minière que leur sol a offerte au pays, n’ont reçu que la paupérisation. Leurs conditions de vie (l’agriculture) et de survie ( l’environnement ) en sont paradoxalement détruites.
A Vogan, l’hôpital ressemble à une vieille chaumière décrépie, le lycée, à une bicoque de métayers perdue au fond d’une ferme agricole. Les rues de la ville, très souvent coupées en petits tronçons à peine praticables en saison de pluies, sont assimilables à des pistes rurales trouées. Rien d’une ville minière. Le pouvoir RPT qui a été incapable d’offrir aux autochtones de ce territoire minier les moindres infrastructures de base, en est venu à l’insulte extrême que représentent ces tricycles comparables aux taxi « Rickshaws » indiens d’il y a deux cents ans.
Aujourd’hui, au Togo, l’industrie phosphatière a fait faillite. D’abord appelée OTP, ensuite IFG et puis SNPT, elle a été pillée, saignée à blanc. Peu importait l’appellation. Selon une anecdote bien répandue dans VO, les villageois se demandent, “comment peut-on vendre du sable et faire faillite?”, une façon pour eux de moquer le gouvernement et de demander où est passé l’argent des phosphates? Ils ont la réponse: l’argent de l’exploitation s’est évaporé. Dilapidé dans l’entretien du train de vie du régime dont les barons, anormalement riches, ne connaissent pas les chemins de la sobriété. Quant aux pauvres villageois spoliés, ils se contentent de génération en génération à de fausses promesses sans cesse renouvelées, de faire face, en plus des dégâts écologiques immenses, aux effets pervers de l’expropriation de leurs terres. “VO” est le symbole très voyant de la catastrophe nationale provoquée par ce régime cinquantenaire. La préfecture voisine des Lacs n’est pas mieux lotie, de même que Yoto. Le calcaire de cette dernière contrée a subi la même filouterie organisée.
Sous la bannière du RPT, l’état est déréglé. Dramatiquement. Pour le plus grand bonheur des nouveaux riches et leur sarabande de zélateurs qu’on voit, toute honte bue, parader en 4×4 dans nos villes, bravant les nids-de-poule, arborant sans gêne leur opulence indue. La source qui les enrichit, lorsqu’on remonte les fils, conduit droit dans les caisses de l’état ou au centre de réseaux illicites.
Si la chefferie traditionnelle avait encore une valeur chez nous comme ailleurs, le chef de Vogan aurait fait venir la richissime ministre Victoire Dogbé, une native du milieu, pour lui retourner les clés de ces engins avec pour consigne souveraine: retour à l’envoyeur.
Kodjo Epou
27Avril.com