CFA : deux réalités

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Le maître mot en Afrique pour accélérer son développement passe par plus d’intégration économique. L’Union africaine a initié le grand projet de marché commun du continent – la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlec) -, officiellement lancé le 8 juillet et l’Afrique de l’Ouest ambitionne de créer, dès l’an prochain, une nouvelle monnaie unique, l’eco.

La même année, le franc CFA fêtera ses 75 ans, cette devise sous parapluie français utilisée par quatorze pays dans cette même région, sur un périmètre plus restreint que le future eco, qui en particulier ne couvre pas le grand Nigeria.

Dans une étude, l’assureur-crédit Euler Hermes pointe les divergences commerciales et financières qui existent entre les deux zones franc, en Afrique de l’Ouest et centrale.

Pour qu’une zone monétaire commune fonctionne, souligne l’un des auteurs, Stéphane Colliac, au Figaro jeudi, « il faut une ouverture commerciale plus forte, des politiques budgétaires plus alignées, une stabilité des devises pendant un temps donné et également moins d’inflation ».

Le franc CFA est par définition une monnaie stable car arrimée à l’euro et il sert de bouclier anti-inflation. La hausse des prix reste très modérée, inférieure à 3 %, comparée aux autres pays africains, notamment les voisins nigérian (11 %) et ghanéen (9 %). La difficulté, note l’économiste, est liée à la valeur du CFA : « Il est surévalué pour les pays producteurs de pétrole d’Afrique centrale, qui ont souffert de la chute des prix après 2014. »

Ce qui a provoqué une baisse des réserves extérieures et une hausse de la dette publique. Plusieurs États ont dû faire appel à l’aide du FMI. « Cela pose aussi un problème de compétitivité vis-à-vis des pays limitrophes », complète-t-il. Ils subissent en particulier la concurrence du Nigeria ou de la République démocratique du Congo, où le naira et le franc congolais se sont fortement dépréciés. Ce déficit de compétitivité, outre le maintien d’une dépendance à la France, suscite des critiques récurrentes sur le franc CFA.

Euler Hermes souligne le manque d’échanges commerciaux entre pays de la zone franc centrale.

Les auteurs partent d’une valeur théorique de ce que devraient être les flux compte tenu de la proximité territoriale, linguistique et monétaire. « C’est clairement une faiblesse en Afrique centrale, qui a très peu d’intégration commerciale. Les pays exportent surtout hors du continent », explique Stéphane Colliac, qui évalue le manque annuel pour les six pays de la Cemac à 218 millions de dollars sur un potentiel d’échanges estimé à 837 millions. Tous les pays sont perdants sauf le Cameroun, qui fait office de hub régional.

La situation est différente, plus positive côté Afrique de l’Ouest : les flux dépassent le potentiel – 2,8 milliards de dollars contre 1,5 milliard – grâce à la Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo, « qui tirent bénéfice du franc CFA », précise l’économiste d’Euler ­Hermes.

« Globalement la valeur du franc ne pose pas problème. » Si ce n’est pour le Burkina Faso, exposé à la concurrence du Ghana, qui bénéficie d’un accès à la mer, ou du Bénin, plus tourné vers le Nigeria. Ce n’est pas un hasard si ce petit pays a signé le même jour que le Nigeria l’entrée dans la Zlec.

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