Le monde a les yeux rivés sur le Togo. Pas pour la bonne image que dégagerait le pays, mais pour sa particularité à être un ilot de dictature au milieu d’un océan de démocratie. Ce regain d’intérêt de la communauté internationale à l’égard de cette bande de terre qui ne fait que 56.600 Km2, est dû depuis quelque temps aux mouvements de contestation du pouvoir en place. Mais aux réclamations d’alternance exprimées par le peuple, des conseillers de Faure Gnassingbé répondent par des propos belliqueux.
Au RPT/UNIR, il y a ceux qui ont la charge de maintenir les consciences faibles dans leur misère en leur distribuant une obole de 2000 FCFA ou de 5000 FCFA lors des manifestations. Il y a aussi ceux qui tiennent certains pasteurs ou leaders religieux par la bourse en les obligeant à tenir leurs fidèles sous le joug de la dictature du clan au pouvoir. Il y a surtout un groupe de précepteurs qui gravite autour du Prince. Ceux-là, sont des conseillers (un ensemble hétéroclite composé d’anciens ministres, des fils des barons, etc.) parmi lesquels certains, plus obscurs que d’autres, par ces temps qui courent, montent au créneau et inondent des médias de déclarations incendiaires.
Des conseillers va-t-en- guerre
« Il faut sauver le soldat Ryan », c’est le titre d’un film du réalisateur américain Steven Spielberg. Et il apparaît quec’est la mission que se livre l’entourage de Faure Gnassingbé terré dans un silence de cimetière depuis que le peuple réclame son départ. Mais la mission s’avère impossible au regard du mauvais casting par rapport à la myriade de conseillers budgétivores qui gravitent autour de Faure Gnassingbé. « Si vous êtes capable, prenez (vous aussi) les armes pour accéder au pouvoir ». Ces propos sont de Christian Trimua, conseiller du chef de l’Etat. Il intervenait la semaine dernière sur la chaîne Africa 24 et s’adressait à l’opposition togolaise.
Christian Trimua, c’est le juriste qui a retourné sa veste pour soutenir un pouvoir dynastique. Avant de regagner le Togo qu’il revendique comme étant son pays d’origine, il passait son temps parmi ses camarades de l’Université de Poitiers en France à pourfendre les tenants du pouvoir de Lomé. Il n’hésitait à critiquer le RPT qui s’est recyclé en l’UNIR. Mais à mesure qu’il cédait aux sirènes de la dictature et que les espèces sonnantes et trébuchantes commençaient à prendre le dessus sur le bon sens, il a ravalé son vomi en prenant la défense des Gnassingbé. Sa volte-face spectaculaire a étonné plus d’un de ses camarades étudiants qui ont pris leur distance de lui. Revenu au pays en 2006 et s’employant à justifier les massacres de 2005, il tombera quelques temps après en disgrâce vis-à-vis du régime. Son nom apparaîtra dans le dossier horrible des découvertes macabres des corps de jeunes filles en 2012.
Inculpé pour groupement de malfaiteurs dans le cadre des tueries de la dizaine de jeunes filles découvertes à Agoè, banlieue nord de Lomé, cela n’a pas pourtant amené Trimua à faire profil bas. Au contraire, il s’attaque aux opposants à chaque fois que l’occasion lui est offerte. Plus tard pour services rendus, le régime l’a « réhabilité » en lui confiant un portefeuille vierge de Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice chargé des Relations avec les Institutions de la République. Sorti de sa réclusion ministérielle, le pouvoir lui a trouvé un autre poste. Il est Secrétaire exécutif permanent du sommet maritime. Une fonction fabriquée de toutes pièces dont le siège se trouve à Yaoundé au Cameroun. Et c’est depuis le Cameroun où il réside actuellement que Trimua s’est invité sur la télévision Africa 24 et a laissé planer la menace des armes.
Bien avant Christian Trimua,c’est Christophe Tchao, le président du groupe parlementaire UNIR qui s’est aussi fendu d’une déclaration pareille. « Si ce Togo-là brûle, nous brûlerons tous ». Cette phrase est une déclaration de guerre venant d’un zélé du pouvoir qui multiplie les bourdes sur les médias. Tantôt l’ancien ministre des Sports prône le dialogue, tantôt, il dit niet. Mais cette inconstance traduit en réalité la position de l’aile dure du régime (qu’il incarne) qui ne jure que par les armes. Elle ne compte pas céder le pouvoir. Et si cela devrait arriver, ce sera un bain de sang. Et c’est pour cela qu’elle agite le spectre de la guerre civile.
Si les Evêques du Togo en ont pris pour leur grade de la part de certains militants du parti au pouvoir, ils en ont également pris de la part de l’économiste Koffi Sodokin. Conseiller économique de Faure Gnassingbé, il a traité d’opposants les hommes de Dieu dans un Tweet. Répondant à son interlocuteur, le fameux économique qui ferme les yeux sur les nombreux scandales économiques au Togo a répondu ceci : « La C. 1992 (NDRL, la Constitution de 1992) est le bébé des évêques. L’Assemblée de la transaction était pilotée en effet par l’un de ces évêques. Ils sont OPPO (NDRL, ils sont opposants) ». Sa réaction est lamentable. Mais au Togo, on se connaît. Les postes ministériels se gagnent ainsi. Et Koffi Sodokin est dans ce rôle, comme la plupart des conseillers qui pullulent à la Présidence et attendent que le Prince leur confie d’autres portefeuilles.
Des déclarations isolées ?
Acculé par les manifestations de l’opposition, le pouvoir peine à tenir un langage de paix, contredisant les initiatives pacifiques que lui-même organise à travers tout le pays. Le régime envenime la situation par les sorties de ses mousquetaires à l’image de Christian Trimua, Christophe Tchao, Koffi Sodokin et bien d’autres. Les déclarations belliqueuses de ces conseillers traduisent en réalité ce que pense le régime tout bas : le langage des armes. Et on est bien fondé de dire que ce ne sont pas des discours isolés.
En effet, depuis le début des manifestations de l’opposition, des milices à la solde du pouvoir sont activées et infiltrent le rang des manifestants. Aussi, une réunion secrète se serait-elle tenue dans la maison d’un demi-frère de Faure Gnassingbé. Au cours de la rencontre, l’hôte des lieux aurait laissé entendre que le pouvoir est au bout des fusils. En clair, le RPT/UNIR ne lésinerait pas sur les canons pour tuer aux fins de conserver le pouvoir. Comme il l’a toujours fait avec de nombreux massacres des Togolais. De nombreux rapports des droits de l’Homme épinglent le régime cinquantenaire dans les tueries de ses propres citoyens. La dernière en date est l’assassinat d’un enfant de neuf (09) à Mango lors des manifestations de l’opposition organisées sur toute l’étendue du territoire les 20 et 21 septembre derniers.
Un contexte différent
Le cas Trimua, un civil qui plus est juriste et appelle à prendre des armes, est scandaleux. Mais comme le pouvoir a toujours offert à ces esprits va-t-en-guerre un parapluie d’impunité, ils sont dopés et n’entrevoient pas que leur passé pourrait les rattraper un jour. Ils oublient que les temps changent ou ont changé. Les auteurs des massacres de 2005 dont certains sont décorés par Faure Gnassingbé, baignent dans l’illusion que rien ne pourrait leur arriver. Ils courent les rues tranquilles et se permettent parfois de narguer leurs victimes.
Ce mauvais exemple fait certainement des émules qui pensent que l’impunité leur est garantie. Ils ne surveillent pas leur sortie sur les médias, comme on le voit ces derniers temps où le régime a amorcé une phase d’intoxication et de menaces dans la presse. Or, ils ignorent qu’à chaque époque, ses réalités. Aujourd’hui, les Togolais ont envoyé un signal fort aux tortionnaires et ceux qui appellent aux armes, en déposant une plainte contre Yark Damehame à la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye en Hollande. A ceux qui continuent par croire que ce régime cinquantenaire régentera les Togolais éternellement, ils se trompent lourdement ! Le peuple prend date de leurs déclarations. A bon entendeur…
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