Ils sont les porte-flambeaux de la musique ou de la culture togolaise. Ils sont nombreux ces artistes à se donner pour que la culture togolaise puisse rayonner. Mais au soir de leur carrière, ils sont aussi nombreux à finir dans la misère et le dénuement total. Abandonné et face à leur destin. Certains sont célébrés à leur mort, d’autres non. L’histoire aurait juste retenu leur passage sur terre. Le gouvernement se contente quelques fois de faire sortir un simple communiqué, parfois pas. Les familles de ces artistes sont oubliées. D’où la question de la célébration de nos artistes que de leur vivant. Mais au même moment, beaucoup se demandent que font ces derniers pour assurer et leurs retraites et leurs arrières.
Téléthon par ici, cotisations par là, annonce diffusées sur radios et télévisions, tout ceci autour d’une célébrité qui est malade. Diabète sévère, tension artérielle, maladie grave, parfois des maladies liées à la faim à la misère. C’est ce qu’on vit souvent au Togo pour des célébrités de musique, de sport, de théâtre et encore et encore. Mais rien ne se fait pour voler à leur secours jusqu’à la fin de leurs jours.
En Afrique en général, la mémoire de l’homme est plus respectée et préservée à sa mort. Et cela va de soi pour la plupart. Mais c’est encore plus consistant quand il s’agit d’une célébrité. Force est de constater que depuis un moment, les artistes togolais que ce soit conteurs, musiciens, footballeur ou encore plasticiens sans être encore passés derrière le rideau sont tout simplement oubliés et malheureusement meurent dans le dénuement total. La plupart vont dans l’au-delà faute de moyens financiers soit pour faire une opération, ou même pour se nourrir.
S’il faut remonter dans l’histoire, les togolais se souviennent encore de Kpalongo, John Codjo Messan, boxeur international togolais a tiré sa révérence ce mercredi 7 juin 2017. John Codjo Messan alias Kpalongo, a été 4 fois champion d’Afrique et vice champion du monde dans sa catégorie.
Les sales moments ont commencé pour le boxeur togolais à partir de 2012, l’international togolais. En cette même année, dans une interview, le champion racontait sa vie pénible. ‘’Je suis le premier boxeur togolais qui a combattu dans la catégorie mondiale. Si les anciens dirigeants ne m’ont rien fait, les nouveaux ne peuvent-ils pas faire quelque chose pour moi ou bien attendent-ils, peut être, que je meurs pour recouvrir mon cercueil des couleurs nationales ‘’ avait il indiqué.
L’homme avait des problèmes d’yeux, un mal qui l’a finalement amené à perdre la vue. Kpalongo dans ses derniers jours, n’avait rien pour se nourrir, il dormait sur une natte allongée par terre dans sa case de fortune où on pouvait juste voir un canari d’eau et un balai dans le coin de la chambre avec un toit qui laissait voir par endroit le ciel. John Codjo Messan est mort seul dans la maison familiale à Adamavo, ses enfants sont partis, les autorités sportives l’ont ignoré. Aujourd’hui tout passe comme s’il n’y a jamais existé une telle personne.
Outre John Codjo Messan alias Kpalongo, on peut encore citer l’acteur de théâtre Agbokou-Ahadé Kokou beaucoup plus connu sous le nom d’Ousmane. L’artiste a fait le 1er janvier 2010 un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) provoquant ainsi une hémiplégie de son côté gauche.
Suite à cela, un SOS a été lancé pour une opération crânienne. Mais cela n’a pas produit l’effet escompté. Ousmane sera obligé de se promener avec sa canne trainant le pied et le bras gauche. Comme les autres, au soir de sa vie, une photo de l’acteur a circulé sur les réseaux sociaux. On pouvait apercevoir l’homme couché sur une natte avec un vieux pagne noué à la taille avec une guenille comme habit. Ousmane l’artiste togolais était plongé dans l’anonymat avec un destin qui n’était pas enviable. Il rendit l’âme le lundi 15 juillet 2019 alors qu’il avait 61 ans.
Pour ceux qui se rappellent encore de l’homme il fut l’une des figures emblématiques, un géant dans le monde de la scène théâtrale au Togo dans les années 90. Il a notamment joué dans beaucoup de pièces, notamment « la Jalousie ou le mal incurable », ou encore « lidao ». « Deuxième bureau », « Ashta », « Trop, c’est trop », « Ina ou le rêve de Nouka », « Château de cartes », « l’Afrique des interrogations »,
Bien avant Ousmane, une autre icône de la culture togolaise mourût, lui aussi dans des conditions tristes et qui amènent à réfléchir. Il s’agit de François Ablodévi Eklu-Nattey. Il était considéré comme le doyen des artistes comédiens du Togo.
L’homme qui cumulait 60 années de carrière a joué pour la troupe théâtrale nationale du Togo jusqu’à sa retraite. François Ablodévi Eklu-Nattey a marqué par son talent les pièces de théâtre notamment les célèbres « On joue la Comédie » et « La Tortue qui chante ».
Les déboires du comédien ont débuté en juillet 2015. Il fut victime d’un accident de circulation alors qu’il se dirigeait vers l’institut Goethe de Lomé où il devrait prester. Selon ses proches, l’artiste a eu d’énormes difficultés à mobiliser les fonds nécessaires à son traitement médical. Mais ceci n’est que le début, puisque quelques mois plus tard, Ablodévi sera à nouveau victime d’un accident. Les interventions chirurgicales pratiquées pour remettre l’homme sur pieds n’ont pas été une grande réussite.
Il vivait comme ça avec un pied totalement pourri. Mais le 09 août 2016, alors qu’il était sous la douche, François Ablodévi Eklu-Nattey fait une crise qui l’emportera cette fois-ci. Il avait 75 ans.
Après sa mort, le gouvernement togolais a réagi. Pour Komi Sélom Klassou et ses ministres, avec la disparition de cet homme, « le Togo perd un artiste au talent infini et à l’imagination fertile et hardie».
« L’illustre disparu laisse derrière lui un long parcours jalonné de succès durant lequel il a reflété avec grâce et éloquence l’image de son pays le Togo lors des manifestations tant nationales qu’internationales.
Pendant plus de cinq décennies, l’homme qui représentait de par son âge et ses années d’expérience, le doyen des hommes de théâtre togolais, a joué plusieurs spectacles confirmant ses talents d’artiste dans un parcours caractérisé par un effort comptant de réflexions créatrices », poursuit le communiqué du gouvernement.
Pour compléter la liste des artistes togolais, il faut citer Jimi Hope. Le 05 Août dernier, le Rocker togolais s’en est aussi allé. Même si son cas semble être différent des autres, la mort des artistes togolais dans le dénuement total laisse poser des questions.
Et justement cela a toujours été comme ça pour les artistes togolais, ils sont soit abandonnés où laissés pour compte. Les autorités togolaises préfèrent plutôt leur rendre hommage à titre posthume au lieu de leur faire de leur vivant dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, sa mort passe inaperçue.
Mais au même moment, il est judicieux de se poser des questions sur ces artistes ou célébrités. La question est de savoir ce qu’ils font de leurs vivants, de leurs heures de gloire pour assurer une belle retraite au moment ils n’auront plus toutes leurs forces pour travailler. Nous avons approché beaucoup de spécialistes dans le domaine du showbiz pour comprendre. Pour eux, le travail de l’artiste ou de la célébrité profite à la nation mais beaucoup plus à l’artiste. C’est lui qui mène sa vie. C’est lui qui la gère.
L’Etat ne lui perçoit pas des revenus sur ses prestations. Donc étant maître de sa carrière, il est de bon ton qu’il prépare son avenir, sa vie, celle de ses enfants. Mais force est de constater qu’au moment de leurs gloires les célébrités se soucient peu de leur situation. Ils plongent souvent leurs vies et leur argent dans les vices. Alcool, tabacs et femmes. Les grands hôtels, les grandes discothèques, les voyages huppées, bien accompagnées, les grands restaurants, oubliant que leur carrière a une vie et s’éteindra. Les uns multiplient des femmes de luxe qui les abandonnent lorsque l’argent sera fini, les autres s’adonnent à une seconde carrière de fécondation en injectant des dizaines d’enfants dans la société.
Des enfants qu’ils abandonnent dans le dénuement. Lorsqu’ils perdent tout et n’ont plus cette vie de luxe, naturellement le stress invite les AVC et d’autres maladies liées à la nostalgie du passé. C’est vrai l’Etat ne s’en préoccupe pas, ne crée pas les conditions de protection de ces artistes. Mais eux même devraient avoir le réflexe de construire un avenir au moment de gloire. Ce qui permettra de sauver le crépuscule de leur vie et aussi l’après leur vie.
Toutes les célébrités sont donc interpellées, le gouvernement aussi afin que la carrière d’artiste pour une nation ne soit pas juste que le saut de cheval blanc à travers un fossé. Un éclair et c’est parti.
Richard Aziagué
Source : L’Indépendant Express
27Avril.com