CEDEAO: Alassane Ouattara fait virer Marcel De Souza

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Après Kako NUBUKPO, ex-ministre togolais de la Prospective Economique et de l’Evaluation des Politiques Publiques qui a déclaré avoir été évincé du gouvernement à la demande d’Alassane OUATARRA, c’est au tour de Marcel de SOUZA, président de la Commission de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), d’être victime de la grande influence du président ivoirien. En effet, alors qu’il arrive à son terme le 1er février 2018, son mandat à la tête de l’institution ne sera pas renouvelé sur insistance de monsieur OUATARRA. Le Béninois paie ainsi sa position sur l’entrée du Maroc au sein de la communauté ainsi que sa volonté de réformes institutionnelles de l’organisation sous-régionale.

Il sera remplacé par le Mibnistre de l’Industrie et des Mines de la C$ote d’Ivoire. A cet effet Alassane Ouattara s’est exprimé en ces termes: ‘Je me réjouis de la nomination de J.C Brou, Ministre de l’Industrie et des Mines de CI, en qualité de président de la Commission de la CEDEAO’a-t-il écrit sur son compte Twitter…

Comprendre le limogeage du béninois

Le départ de Marcel de SOUZA est déjà acté. Il n’obtiendra pas un deuxième mandat à la tête de la Commission de la CEDEAO comme son prédécesseur, le Burkinabé Kadré Désiré OUEDRAOGO qui l’a dirigé entre 2012 et 2016. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement prévue en décembre prochain à Lomé devrait entériner la décision. Si la raison invoquée est la nécessité d’une présidence tournante mise en avant par les Ivoiriens, l’ancien banquier est en réalité dans le collimateur d’Alassane OUATTARA, en première ligne du groupe des Chefs d’Etat qui ont réclamé sa tête, dont le Sénégalais Macky SALL.

En cause, la position de monsieur de SOUZA dans le dossier marocain. En effet, ce dernier s’est publiquement exprimé contre l’adhésion du royaume chérifien à la CEDEAO, s’opposant ainsi aux présidents ivoirien et sénégalais qui ont été les principaux soutiens et artisans de la décision prise par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de dire oui à l’entrée du Maroc dans la communauté en avril à Monrovia (Libéria). Pour Marcel de SOUZA, cette adhésion heurterait les textes de l’Union Africaine (UA) qui ont divisé le continent en cinq régions comme Commissions économiques régionales.

Elle créerait par ailleurs un précédent ; l’ancien ministre rappelant que le Tchad et la Tunisie ayant fait la même démarche. « Faut-il prolonger l’ouest jusqu’au nord » s’est-il interrogé sur RFI, laissant tout de même la décision à la Conférence des Chefs d’Etat.

Dans un contexte d’opération de grande séduction du Maroc dans la sous-région avec d’importants investissements, ces sorties ont été mal vues par les soutiens du royaume chérifien qui ont réussi à convaincre l’ensemble des dirigeants de la communauté de valider le principe de cette adhésion. De fait, ils considèrent que monsieur de SOUZA n’est pas la personne la plus légitime à conduire l’organisation qui comptera après le sommet de Lomé en décembre, un nouveau membre sauf improbable revirement de situation.

Aboyeur:

Si la question marocaine est au cœur de la non-reconduction de Marcel de SOUZA à la tête de la Commission, elle n’est pas la seule. Certains Chefs d’Etat lui reprochent ses approches concernant certains dossiers, pour lesquels il ne les consulterait pas suffisamment ou manquerait de « souplesse et de diplomatie ». Comme par exemple sa gestion de la crise postélectorale gambienne, marquée par la fermeté envers Yahya JAMMEH, saluée par beaucoup et regrettée par certains. « Quelques dirigeants de la zone n’ont pas aimé les prises de position va-t-en guerre de Marcel de SOUZA, qu’ils ont considérées comme une manière d’humilier JAMMEH. » En effet, face au refus de l’ancien président gambien de céder le pouvoir, le président de la Commission a fait preuve de grande fermeté pendant toute la crise, suggérant rapidement l’envoi de troupes pour le déloger, refusant l’idée d’amnistie etc. Toutes choses qui lui ont valu le surnom d’ « aboyeur ». Or, certains dirigeants auraient voulu davantage de souplesse et ont considéré cet épisode comme « une aventure personnelle de Marcel de SOUZA ».

A quelles fins ? Pour s’accorder une popularité sans frais au sein de l’opinion internationale, dans le cadre d’un agenda politique caché qui, malgré les 0,13% obtenus en 2016 à la présidentielle, lui reste chevillée au corps. De toutes les façons, c’est ce que croient ses contempteurs dont certains seraient dans l’entourage de Patrice TALON, le président béninois. « Un passage réussi à la CEDEAO, ses liens avec Faure GNASSINGBE dont il est le beau-frère, ses contacts et ses réseaux peuvent être un tremplin pour ses ambitions à court terme.

Les amis de TALON ne veulent pas lui faire ce cadeau. Il faut donc qu’il quitte la tête de la CEDEAO » croit savoir un observateur politique béninois. Ce que réfute l’entourage du Béninois qui regrette qu’on ne renouvelle pas le mandat d’un « intégrationniste convaincu et un grand travailleur ». « En fait, certains Chefs d’Etat prenaient de l’ombrage de ses positions plein de sens et populaires. Ici, on aime les fonctionnaires effacés, dociles et inefficaces » regrette ce familier, qui le compare à Alpha Omar KONARE qui a connu beaucoup d’adversité lorsqu’il fut président de la Commission de l’UA, parce qu’entreprenant et ferme sur certains principes.

Résistance

Il n’y a pas qu’avec des chefs d’Etat que Marcel de SOUZA est en conflit. Il s’est fait également beaucoup d’ennemis au sein de l’appareil de la CEDEAO en proposant une réforme des institutions, à travers une structure organisationnelle qui réduirait substantiellement les coûts de ses opérations sans compromettre les services. Selon le Béninois, la réforme devrait permettre de réduire les charges de l’organisation, d’améliorer l’efficience de l’ensemble des structures de la CEDEAO, sans nuire à la mise en œuvre efficace des projets et programmes ; et surtout d’améliorer les conditions de vie des populations ouest-africaines, de faire reculer la pauvreté et de créer des emplois. Mais comme il l’avait lui-même relevé, « il y a une résistance farouche aux changements. Les gens veulent continuer comme avant. Continuer comme avant, c’est d’avoir une CEDEAO qui continue de gérer l’intendance et les salaires, d’organiser les missions et de payer les per diem. Avec ce système, les résultats ne sont pas au rendez-vous. » Manifestement, les résistants aux changements ont réussi à prendre le dessus.

Source : www.cameroonweb.com