En raison de l’érosion des côtes qu’elle entraîne, la construction du nouveau port de Lomé apparaît comme une menace pour les pêcheurs de la région. Son ouverture est pourtant prévue l’année prochaine.
Les problèmes de l’érosion, due aux vents forts et aux vagues violentes de l’océan Atlantique, ne sont pas nouveaux dans le petit village de pêcheurs d’Agbekope, sur la côte togolaise. Mais avec le nouveau port de pêche de Lomé, leur quotidien pourrait être encore davantage affecté.
« Plusieurs maisons à plusieurs étages se sont déjà effondrées et notre cimetière a également été touché », raconte à l’AFP le chef du village, Jean-Dolayi Duevi. « Nous avons dû exhumer 47 corps et les emmener au cimetière de Baguida » près de la capitale, soupire-t-il.
Si l’érosion affecte les communautés côtières à travers le monde, elle devient un réel problème environnemental et social majeur en Afrique de l’Ouest. La hausse du niveau de la mer, due au réchauffement climatique, est la principale cause de l’accélération de ce phénomène naturel.
L’action continuelle des vents et des vagues fait disparaître entre cinq et dix mètres de terre chaque année en de nombreux endroits de la côte (56 kilomètres). Jusqu’à 25 mètres parfois, selon le ministère togolais de l’Environnement. Un problème reconnu par la Banque mondiale, qui a investi 210 millions de dollars dans des projets de construction de digues ou de dunes pour atténuer les effets des marées et des inondations dans six pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Togo.
Le nouveau port pointé du doigt
Les constructions humaines ont également aggravé la situation, notamment l’expansion du port en eaux profondes au large de Lomé à la fin des années 1960. Cet agrandissement a « perturbé l’accumulation de sédiments, changeant la direction des courants d’eau », souligne Tchannibi Bakatimbe, chef de projet au ministère togolais de l’Environnement. Le pays et son voisin béninois sont des pays-clés qui offrent un accès à la mer pour de nombreux pays enclavés dans la région (Burkina Faso, Niger…).
Plus récemment, les habitants d’Agbekope se sont inquiétés de la construction d’un nouveau port de pêche. L’infrastructure devrait ouvrir ses portes en février l’année prochaine et a été principalement financée à hauteur de 14,4 milliards de francs CFA (22 millions d’euros) par l’agence japonaise de développement et par le gouvernement togolais (2,1 milliards de francs CFA, 3,2 millions d’euros). Les 178 bateaux de pêche utilisant le port existant, vétuste et surpeuplé, opéreront à partir des nouveaux points d’amarrage, plus sécurisés. Quelque 300 acteurs de la distribution auront également un meilleur accès aux produits de la pêche, promettent les investisseurs.
Des villages entiers déplacés
Mais les communautés de pêcheurs alentour craignent que le nouveau port ne nuise à ceux qu’il est censé aider, en augmentant l’érosion, faisant reculer les bancs de poissons plus au large et forçant les habitants à se déplacer vers l’intérieur des terres. « Ça nous fait peur, parce que la mer avance plus vite qu’avant », s’inquiète Ben Vonor, 57 ans, qui vit à Agbekope et fait partie des 22 000 Togolais qui dépendent de la pêche pour leur survie.
Le chef d’Agbekope, Duevi, est également à la tête d’une association locale de développement, fondée en 2016, pour donner une voix à plusieurs des communautés du front de mer. Son groupe fait pression pour que le gouvernement déplace des villages entiers à l’intérieur des terres et verse aux villageois une compensation pour la perte de leurs moyens de subsistance. Jeremy Assogbe, un gardien de 62 ans, a déjà dû déménager « trois fois » en dix ans. Cette fois, il est décidé : « Je ne pense plus rester sur la côte », dit-il. Parce que j’ai tant souffert ici ».
Une situation que connaissent également les pêcheurs de Saint-Louis, au Sénégal. La langue de Barbarie est particulièrement touchée, cette étroite bande sablonneuse étant située entre l’Atlantique et le fleuve Sénégal.
Source: lepoint.fr
Source : www.icilome.com