«La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) condamne avec la plus grande fermeté la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer ce vendredi 30 septembre 2022 au Burkina-Faso…» (La Commission de la CEDEAO)
Un énième coup de force vient d’avoir lieu au pays des hommes intègres, où justement l’intégrité, au sommet de l’état, semble ne pas être la chose la mieux partagée depuis la fin de la révolution sankarienne à la fin de la première moitié des années ’80. Comme un refrain, avec presque les mêmes phrases et presque dans les mêmes termes, la Commission de la CEDEAO publie un communiqué pour condamner le coup d’état au Burkina-Faso. L’organisation sous-régionale a pris l’habitude de tels communiqués pour condamner et dénoncer les nombreuses prises de pouvoir par les armes ces derniers temps dans sa zone d’influence. Prendre le pouvoir et l’exercer par la force des armes n’est jamais une bonne chose; mais quand dans beaucoup de pays il existe encore des lourdeurs de toutes sortes qui empêchent la bonne gouvernance et le partage équitable des richesses du pays entre les citoyens, quand ceux qui sont au pouvoir se croient tout permis en piétinant le droit des autres par la force militaire ou policière, des coups d’états intelligemment menés qui aboutiraient à la mise en place d’institutions politiques solides acceptées par tous, ne seraient-ils pas un mal nécéssaire?
L’histoire de Jerry John Rawlings au Ghana nous montre que tous les coups d’états ne sont pas forcément condamnables s’ils sont menés au bon moment, apportent de l’espoir au peuple martyrisé et arrivent surtout à mettre solidement le pays sur les rails de la démocratie et de l’alternance régulière au sommet de l’état. En sa qualité d’officier supérieur de l’armée de l’air ghanéenne, il renverse un gouvernement militaire en 1979 et passe le pouvoir à un régime civil. Il reviendra deux ans plus tard pour perpétrer son deuxième putsch et reste à la tête d’une junte militaire jusqu’à l’introduction d’élections démocratiques en 1992. Il fut élu président et se retire en 2001 après avoir effectué deux mandats. Depuis lors le Ghana vit une stabilité démocratique et ne connait pas de problèmes liés à l’alternance comme c’est le cas encore dans beaucoup de pays de la sous-région.
Aujourd’hui l’organisation sous-régionale a toutes les peines du monde pour s’imposer et faire respecter ses textes par tous les pays membres. Comment d’ailleurs cela serait-il possible dans un regroupement où parmi les 15 membres chaque pays a ses réalités politiques, ses problèmes particuliers? La CEDEAO, étant essentiellement, comme sa définition l’indique, une communauté économique, ne sortirait-elle pas de ses prérogatives pour tenter de donner des leçons de bonne conduite politique dans un environnement où beaucoup de dirigeants font ceux qu’ils veulent à leurs peuples parlant de bonne gouvernance? Dans une sous-région ouest-africaine où les pays qui connaissent une relative stabilité politique ou démocratique se comptent sur les cinq doigts de la main, ne serait-il pas hypocrite et surtout irresponsable de faire comme si tout allait bien ailleurs et que seuls les pays actuellement en crise seraient les seules brebis galeuses qu’il faudrait sanctionner ou suspendre?
L’autre paramètre qui fait que la CEDEAO semble prêcher dans le désert quant aux respects des règles établies et à la bonne gouvernance, c’est cette hypocrisie et surtout cette solidarité dans le mal qui rythment les relations entre chefs d’états déjà en poste dont la plupart ont pris la sale habitude de se considérer comme dans un syndicat. En se comportant ainsi, nos chefs d’états dont beaucoup sont mal élus ou pas du tout élus, ou arrivés au pouvoir par des trucages électoraux, préparent le terrain dans leurs pays respectifs, sans le savoir, à des groupes radicaux, civils ou militaires, prêts à arriver au pouvoir par tous les moyens. Aujourd’hui mardi 4 octobre 2022 une délégation de la CEDEAO dépêchée à Ouagadougou fut huée par des manifestants qui ne voulaient pas entendre parler d’une quelconque médiation qui mettrait en mal les intérêts des citoyens de ce pays, surtout que derrière les têtes cette suspicion d’instrumentalisation de l’organisation sous-régionale par la France, par exemple, est bien présente. Cette visite qui a l’allure d’une convocation auprès des autorités françaises du président en exercice de la CEDEAO Umaru Sissoco Embalo et du président ivoirien Alassane Ouattara au lendemain du coup d’état au Burkina-Faso n’est-elle pas de nature à porter de l’eau au moulin des pourfendeurs de la France?
C’est dans ce schéma de pagaille organisé par la CEDEAO, et qui se situe entre hypocrisie, contradiction, solidarité dans le mal et instrumentalisation par la France, que nous pouvons insérer le rôle trouble que s’est donné le dictateur togolais, qui consiste à sillonner les capitales des pays en crise, alors qu’il est chez lui au Togo la cause du drame de ses concitoyens. Faure Gnassingbé se moque des Togolais en tentant de jouer au soi-disant médiateur au Mali, et aujourd’hui au Burkina. Kpatcha Gnassingbé, son demi-frère, plusieurs dizaines de détenus politiques dont une femme séparée de son bébé, plusieurs compatriotes de la diaspora dont Jean-Paul Omolou, croupissent en prison dans des conditions inhumaines; et dont la libération aujourd’hui ne causerait aucun mal au régime de dictature togolais. Il y a un mois le juge ordonne la libération de trois militants du PNP, dont un de la diaspora allemande, pour caractère vide des dossiers. Le procureur refuse de les laisser sortir de prison sans autre forme de procès. Les «sages »de l’organisation sous-régionale peuvent continuer à s’agiter et à tenter de donner des leçons, même inadéquates aux autres; le Togo, lui, reste malheureusement un îlot de dictature avec des violations des droits de l’homme en vase clos. Ainsi va la CEDEAO!!!
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com