CAN 2022 : Mohamed Salah, l’Africain qui a converti les Anglais de Liverpool

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Meilleur buteur africain de l’histoire de la Premier League, Mohamed fait l’unanimité en Angleterre avec le club de Liverpool où il dispute sa cinquième saison. Reste à confirmer avec l’Égypte qui attend que son « Messi » local offre un nouveau titre continental, trois ans après une CAN catastrophique à domicile.

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« Mohamed Salah est un cadeau d’Allah. S’il en marque encore quelques-uns, je deviendrai musulman moi aussi », chantent les supporters de Liverpool les soirs de match à la gloire de leur attaquant égyptien.

Le Pharaon d’Anfield réalise actuellement la meilleure saison de sa vie avec le club de Liverpool. Le 24 octobre 2021, il est même entré dans l’histoire en devenant le joueur africain ayant inscrit le plus de buts dans le championnat d’Angleterre, inscrivant sur la pelouse de Manchester United ses 105e, 106e et 107e buts en Premier League, dépassant le record de Didier Drogba.

Autant dire que Mohamed Salah, âgé de 29 ans, sera une force avec laquelle il faudra compter lors de la CAN au Cameroun (du 9 janvier au 6 février 2022), lui qui espère enfin offrir à la sélection égyptienne un nouveau titre continental, douze ans après le dernier en date (2010). [L’Égypte a remporté trois CAN d’affilée en 2006, 2008 et 2010].

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Précoce en Egypte, tardif en Angleterre

Né en 1992 à Bassioun, un petit village à 130 kilomètres du Caire, il se passionne enfant pour le football. Ses héros se nomment alors Zinedine Zidane et le Brésilien Ronaldo. À l’âge de 14 ans, il est recruté par les Arab contractors, un club cairote, et fait donc plusieurs heures de bus, chaque jour, pour aller s’entraîner dans la capitale égyptienne.

Sa ténacité paie. À 17 ans, il devient le plus jeune joueur du championnat égyptien. Il se révèle la saison suivante, tant et si bien que les clubs locaux de Zamalek et Al Ahly SC, les deux les plus titrés du continent africain, sont sur les rangs pour le recruter. Le jeune « Mo » Salah préfère tenter sa chance en Europe. Le FC Bâle lui fait signer un contrat de quatre ans pour 2,5 millions d’euros.

Il ne reste qu’un an et demi dans le club suisse mais le marque de son empreinte. Il est élu joueur de la saison 2012/2013 de la Super league et joueur préféré du public. Déjà courtisé par l’Allemand Jürgen Klopp, alors entraîneur au Borussia Dortmund, il signe finalement à Chelsea.

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Le passage sous les ordres de José Mourinho est loin d’être couronné de succès. N’entrant pas dans les plans du « Special One », il est envoyé en prêt à la Fiorentina. Le début de la deuxième naissance de « Mo ». Un passage éclair de six mois en Toscane, mais qui mettra tout le monde d’accord : l’Égyptien aura eu le temps d’inscrire un doublé sur la pelouse de la Juventus et d’être crucial en Ligue Europa face à Tottenham. Cependant, Chelsea préfère envoyer Salah à la Roma plutôt que de le laisser dans les rangs de la Viola. À la fin de la saison 2015-2016, Salah est élu meilleur joueur de l’AS Rome, au terme d’une saison fabuleuse. Il la finit en étant le meilleur buteur du club, avec 15 buts marqués, et 9 passes décisives au total, toutes compétitions confondues.

Après deux ans à Rome qui confirment son éclosion, le Pharaon rejoint enfin Jürgen Klopp parti à Liverpool. Acheté 42 millions d’euros en 2017 par les Reds, il est le joueur africain le plus cher de l’histoire. Un club qu’il marque vite de son empreinte : il remporte la Ligue des champions en 2019, un titre de meilleur buteur ex æquo (avec Sadio Mané et Pierre-Emerick Aubameyang), en 2019 également, et enfin le championnat d’Angleterre, en 2020.

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Un joueur très croyant

Mais la popularité de Mohamed Salah ne tient pas qu’à ses performances sportives. Il est une icône en Égypte pour ses engagements en dehors du rectangle vert. La star multiplie les prises de parole contre la drogue et contre les violences faites aux femmes. Dans son village, le numéro 11 des Reds a fait construire un terrain de football, un hôpital, des écoles et un institut religieux.

« Mo » Salah est un musulman pratiquant assumé. Chaque année, il rentre dans son village natal pour le Ramadan. Sa femme, dont il est amoureux depuis l’école primaire, porte le voile et il fait ses 5 prières par jour et célèbre chacun de ses buts avec une prière en remerciant Allah.

Sa popularité est telle qu’il aurait récolté un million de voix à l’élection présidentielle de 2018 sans être candidat. Une légende urbaine, impossible à vérifier parmi les 1,7 millions de bulletins déclarés nuls cette année-là, mais qui en dit beaucoup sur la ferveur autour du « Pharaon ».

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« Mohamed Salah demeure extrêmement évasif sur ses positions politiques. Il reste neutre et brille au niveau sportif et social, à travers sa capacité à plaire à tout le monde : coptes, musulmans, islamistes, révolutionnaires, les sécularistes, les partis de gauche et les populistes », décrypte Suzan Gibril, politologue au Centre d’Etude de la vie politique (Cevipol) et à l’Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM), interrogée par France 24. « Mohamed Salah, c’est l’archétype de l’Égyptien modèle. C’est quelqu’un de très sain dans sa façon de gérer sa vie quotidienne. Il ne fume pas, ne boit pas. Il est vu comme un musulman modèle, comme généreux, et c’est surtout un sportif incroyable considéré comme un des meilleurs joueurs africains de tous les temps. »

Au risque de l’instrumentalisation ?

Un statut de légende vivante du football égyptien qui ne le préserve pas des tentatives d’instrumentalisation du gouvernement al-Sissi  qui aime mettre en avant cette « icône du soft-power égyptien », selon les mots d’un ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmed Abou Zeid.

En 2021, Mohamed Salah a fait son entrée dans les livres d’écoles. Le responsable des programmes scolaires en Égypte, Nawal Shalaby, explique que le footballeur est « un héros et un modèle de par son soutien moral et matériel à ses compatriotes [dont le parcours mérite d’être connu de la jeunesse] ».

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« C’est un message de propagande utilisé par le régime pour asseoir son pouvoir et pour se faire bien voir au niveau national et international. L’Égypte est dans une double logique : d’un côté, elle met en scène son histoire avec des événements tels que le transfert des momies en avril 2021. De l’autre, elle vante son éthique et sa modernité à travers la figure de Mohamed Salah », explique la politologue Suzan Gibril.

Si Mohamed Salah tient à rester neutre en séparant sa vie de sportif de sa vie de citoyen engagé, l’instrumentalisation dont il fait l’objet de la part de son gouvernement a pu conduire à quelques tensions. En avril 2018, Mohamed Salah avait protesté contre l’utilisation par la Fédération égyptienne (EFA) de son image dans une opération de sponsoring sans même lui demander son avis. Pendant le Mondial en Russie quelques mois plus tard, on l’avait obligé à poser aux côtés de Ramzan Kadyrov, l’autoritaire président de la République de Tchétchénie, qui accueillait le camp de base de sa sélection.

Deux affaires qui avaient touché la star des Pharaons. S’il ne s’est pas exprimé publiquement sur le sujet, il a réagi par l’intermédiaire de ses avocats pour aplanir les différends agitant la menace d’une retraite internationale anticipée.

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« Le communiqué des avocats avait fait énormément de bruit. Il avait mobilisé dans la société et mis la pression sur le régime pour trouver un compromis », rappelle Suzan Gibril.

Une CAN-2019 à faire oublier

Une fois ces turbulences aplanies, Mohamed Salah a repris le chemin de la sélection, pour disputer une Coupe d’Afrique 2019 à domicile. Une compétition dont les Pharaons étaient les favoris, mais qui a viré à l’humiliation, notamment pour sa star, après l’élimination en huitième de finale par les Sud-Africains.

Seul exploit de Salah lors de la compétition ? Avoir réussi à écorner pour la première fois son image jusqu’ici consensuelle en s’exprimant dans le scandale autour de son coéquipier Amr Warda, un temps exclu par la Fédération après des accusations de harcèlement sexuel, puis réintégré sous la pression des joueurs. La star, qui appelait à mieux traiter les femmes dans une interview à Time Magazine, a divisé le pays en prenant position en faveur du jeune homme, dont le comportement a été dénoncé par plusieurs victimes. Sur Twitter, il avait appelé à « croire aux secondes chances », et estimé que « bannir n'[étai]t pas la réponse ».

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Deux ans et demi plus tard, Mohamed Salah sera attendu au tournant par son pays. Les Pharaons attendent toujours leur huitième couronne continentale et espèrent l’obtenir au Cameroun. Mo Salah aura fort à faire pour s’en assurer. Si sa côte de popularité reste immense, le cœur d’un supporter peut être versatile quand il s’agit de l’équipe nationale.

Avec France 24



Source : Togoweb.net