CAN 2017: la FTF et le scandale des vestes des Eperviers (Enquête) [Acte 1]

0
361

Photo: ebene-radio.com

Depuis la publication du rapport d’audit de la participation des Éperviers du Togo à la dernière Coupe d’Afrique des Nations de Football Total Gabon 2017, que de commentaires ! Environ 600,5 millions de francs CFA n’ont pas été justifiés, ou disons que les données de l’utilisation de ces fonds sont introuvables.

Dans l’opinion, presque toutes les consciences sont choquées. Et pour cause. L’auditeur, le cabinet IIC qui est chargé de situer l’opinion sur la gestion des fonds de la CAN, aura eu toutes les difficultés pour rassembler les preuves justificatives des dépenses effectuées. Il finira par lâcher le morceau après plusieurs mois de retard accusé dans la publication dudit rapport.

« Au vu de toutes les insuffisances significatives constatées par l’auditeur sur la gestion des fonds des activités préparatoires notamment, il ne peut attester que les comptes de la CAN 2017 sont exacts. Il ne peut donc les certifier sincères », conclut le cabinet de Madame Bitho Nathalie.

Comme lors de la CAN 2013 où le déficit tourne autour de 628 millions de francs CFA, cette année, les traces de 600 millions 488 mille 616 francs CFA n’ont pas été retrouvées.
Les lignes qui vont suivre, sont les fruits de longues semaines de questionnements, de plusieurs journalistes sportifs et d’investigations.

Elles montreront comment des citoyens se sont organisés, avec la complicité des officiels, pour escroquer l’État. Précisons que nos investigations sont antérieures à la publication du rapport d’audit du cabinet IIC, même si ce dernier a précipité les choses.

Lire aussi: « CAN 2017: plus de 600 millions de dépenses non-justifiées par la délégation togolaise »

Nous décidons donc ce jour, de rendre publique une première partie, qui concerne la commande et la livraison des vestes pour 85 personnes de la délégation officielle, et aussi de matériels pour les supporters.

Enquête menée par Ferdinand AYITE, Eric GATO, Maxime DOMEGNI avec la collaboration de toute l’équipe de L’alternative.

Les Coupes d’Afrique des Nations de Football se suivent et se ressemblent presque pour les Éperviers du Togo, et malheureusement, les acteurs en charge de la manne financière se rendent coupables aussi des mêmes légèretés et manipulations de deniers publics : surfacturations, dépenses injustifiées, rétrocommissions, faux et usage de faux en écriture avec la participation active de plusieurs sociétés écrans, bref des comportements qui puent la corruption…et qui émeuvent très peu au plus haut sommet de l’État.

C’est à moins d’un mois de la compétition que le gouvernement togolais a décidé finalement de mettre en place des commissions chargées de préparer au mieux la campagne africaine des Éperviers du Togo. Quatre commissions avaient été créées à l’époque : la Commission ad hoc de Supervision chapeautée par le ministre des Sports Guy Madjé Lorenzo, la Commission d’Organisation dirigée par le président de la Fédération togolaise de football (FTF) le Colonel Guy Akpovi est chargée d’élaborer un plan de travail avec un chronogramme précis ; la Commission de Gestion des fonds avec à sa tête le ministre de l’Économie et des Finances Sani Yaya (NDLR : celui-ci n’aura presque jamais siégé, se faisant toujours représenter par un de ses agents, notamment le Directeur du contrôle financier) et enfin la Commission de Mobilisation de fonds qu’a dirigée Germain Meba, est chargée de l’organisation des actions publicitaires et de sponsoring.

Lire aussi: « FIFA: légère remontée de Claude Leroy et ses joueurs »

A l’époque, le décret pris en conseil des ministres mentionnait que les personnalités choisies pour siéger dans les différents comités doivent « assurer les meilleures conditions de préparation aux Éperviers lors de la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations de football qui aura lieu au Gabon en Janvier 2017 ».

Sauf que dans les réalités, le dégât est plus important, surtout au niveau de la fourniture vestimentaire pour la sélection nationale du Togo. Dans la conduite de cette investigation, tous les acteurs impliqués, du ministère à la Fédération jusqu’aux sociétés de prestations et bien d’autres ont été approchés pour donner leur version des faits.

 

LES FOURNITURES VESTIMENTAIRES OFFICIELLES POUR LA CAN GABON 2017

Le premier élément qui a suscité la curiosité, c’est la tenue vestimentaire des joueurs lors de la cérémonie de remise des couleurs nationales à la Primature, le 12 janvier à la veille du départ pour Oyem (ville située à 370 km de Libreville, Gabon), le camp de base de la sélection nationale. Habituellement pour ces genres de cérémonies, comme s’était le cas en 2013, tous les joueurs sélectionnés pour la compétition ainsi que les membres du staff technique sont en costume cravate, tiré à quatre épingles.

L’introduction de ce mode d’habillement, selon les autorités, est liée beaucoup plus à l’image de la sélection. Alors, pourquoi les Éperviers étaient-ils en leur tenue d’hôtel (maillot) plutôt qu’en costumes commandés à coût de millions de francs cfa et livrés la veille même de la cérémonie ? Les premiers renseignements évoquent aussi bien la qualité que la taille de la plupart des joueurs qui ne seraient pas conformes aux données transmises.

Le staff technique, depuis Saly, ayant pourtant pris soins de communiquer dans les moindres détails, la taille de la délégation qui était au Sénégal pour la mise au vert des Éperviers.

Lire aussi: « Compte CAN 2017: l’explication du Col Akpovi sur le déficit de 600 millions »

« A Saly, j’ai fait venir un tailleur à mes frais, dès que le sujet a été évoqué, il (le tailleur) a pris la taille de toute la délégation. Et, on arrive à Lomé, presque personne n’arrive à porter les costumes », peste un membre du staff technique, un peu dépité. Au ministère de la Communication, de la Culture, des Sports et de la Formation civique (l’autorité contractante), on explique la situation :

« Au moment où on passait la commande, la liste définitive des joueurs n’était pas encore arrêtée, ainsi que la liste complète de la délégation. Le facteur temps ne jouait pas aussi en notre faveur. Il faut aller vite. Néanmoins, on avait pris le soin de demander à la FTF (Fédération Togolaise de Football) de nous communiquer les tailles des joueurs et du staff… Nous avons passé la commande sans attendre, au risque de ne pas l’avoir avant le départ pour le Gabon ». L’autorité contractante confirme avoir reçu la réponse de la FTF seulement au moment où le prestataire attendait réceptionner la commande à l’aéroport.

Cette situation embarrassante de mélange de tailles a failli entamer l’ambiance retrouvée du groupe. Les joueurs ont, durant des heures, passé le temps à chercher les tailles correspondantes à leur aise.

« Compte tenu du problème, des consignes avaient été données pour que dans la répartition, les joueurs, les membres du staff et certains membres de la Fédération soient privilégiés » renseigne en outre notre interlocuteur.

Lire aussi: « Togo-Iles Maurice: les Eperviers gagnent avec un Adébayor tactiquement indiscipliné »

A la fin, les kits ont été distribués à tous les membres de la délégation, 85 personnes au total selon les données de la FTF. Le kit comprend : un costume, deux chemises blanches, une cravate, un nœud papillon, une ceinture, une paire de chaussure, deux paires de chaussettes.

Les autres membres de la délégation comme les supporters n’ont pas été oubliés. Des casquettes, des T-shirts et des polos ont été distribuées. Les Togolais de la région centrale venus supporter leurs ambassadeurs, ainsi que les Gabonais désirant donner de la voix lors des rencontres des Éperviers ont été servis. Combien a pu coûter tout ce matériel ? Un matériel qui, au finish, n’a été porté par aucun joueur ou membre du staff parce que le kit n’était à la taille de personne. Quel gâchis !

Source: L’Alternative No 667

Source : www.togoweb.net