Cameroun: des mercenaires israéliens forment-ils «l’armée privée» du Président Paul Biya?

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Des instructeurs israéliens participent directement à la formation des unités du Bataillon d’intervention rapide (BIR) réputé par sa cruauté, affirme dans une enquête le site African Arguments qui souligne que ce corps militaire est placé sous les ordres directs du Président camerounais Paul Biya, au pouvoir depuis 37 ans.

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Accusés à plusieurs reprises par des organisations de défense des droits humains d’actes de tortures et d’exécutions arbitraires au Cameroun, les soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR), s’entraînent sous la direction d’instructeurs israéliens et utilisent des armes en provenance d’Israël, indique une enquête menée par des journalistes du site d’information African Arguments en collaboration avec la chaîne israélienne Chanel 12.

D’après eux, les unités du BIR se trouvent sous le contrôle direct du Président camerounais, Paul Biya, au pouvoir depuis 37 ans. Interrogé par African Arguments, Kah Walla, figure de l’opposition au Cameroun, évoque «l’armée privée de Biya» «qui n’a pas de comptes à rendre à la chaîne de commandement de l’armée régulière».

Les journalistes soulignent qu’ils n’ont trouvé aucune preuve permettant d’établir une connexion directe entre des instructeurs israéliens et des violations des droits humains au Cameroun.

Le début de la coopération

African Arguments suggère que c’est à l’année 1984 que remontent les premiers contacts entre les militaires israéliens et le pouvoir camerounais qui cherchait à se protéger contre la France, ancien colonisateur, soupçonnée d’être impliquée dans une tentative de putsch manquée.

Un membre du Bataillon d'intervention rapide (BIR) patrouille dans les rues de Buea, dans le Sud-Ouest anglophone du CamerounUn membre du Bataillon d'intervention rapide (BIR) patrouille dans les rues de Buea, dans le Sud-Ouest anglophone du Cameroun

© REUTERS / ZOHRA BENSEMRAAu Cameroun, les stars du showbiz se mobilisent contre la crise séparatiste

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Le site évoque le nom de l’ancien agent secret et homme d’affaires israélien Meir Meyuhas ainsi que celui de son fils Sami, qui négociait à l’époque des livraisons d’armes au Cameroun grâce à une licence exclusive de la Défense israélienne. Le média israélien Channel 12 a appris auprès de plusieurs sources que les Meyuhas poursuivaient cette activité.

En effet, plusieurs soldats du BIR, cité par le site camerounais, confient que leurs unités sont équipées d’armes fabriquées par Israel Weapon Industries (IWI), notamment des fusils d’assaut Galil ACE 21 et Tavor. Des transports israéliens de troupes blindés — comme le Saymar Musketeer ou le Thunder — sont également utilisés par le bataillon.

Ce dernier a été créé par un ancien commandant de plusieurs unités d’élite de l’armée israélienne, Abraham Avi Sivan, en 1999. Les noms véritables de ses successeurs depuis 2010, l’année où il a trouvé la mort dans un accident d’hélicoptère près de Yaoundé, sont tenus secrets.
Cependant, un ex-soldat du BIR évoque le nom d’un ancien général de brigade de l’armée israélienne, Erez Zuckerman, et affirme l’avoir vu la dernière fois en février 2018 lors d’une sorte d’inspection sur la base militaire de Salak, dans le nord du Cameroun. Alors qu’un autre ancien membre du BIR assure qu’Erez Zuckerman a été vu en mai 2019 à Yaoundé, l’Israélien a déclaré à African Arguments qu’il n’y était pas retourné depuis 2017 mais qu’il travaillait effectivement comme conseiller militaire au Cameroun.

Des instructeurs israéliens bien payés

Parmi les successeurs d’Erez Zuckerman à ce poste, African Arguments cite un certain Eran Moas, qui n’est pas militaire de carrière mais est quand même appelé «capitaine» ou «général». Il a été vu en jeep de l’armée camerounaise avec chauffeur de la garde présidentielle, précisent les journalistes.

Le site d’information suggère que l’argent qu’Eran Moas touche au Cameron lui a permis d’acquérir des biens immobiliers à New York, Los Angeles, Haïfa et Yaoundé pour une valeur totale d’au moins 26 millions d’euros. Les journalistes soulignent tout de même qu’ils n’ont pas réussi à établir un lien direct entre ses activités au Cameroun et ses acquisitions immobilières.

D’après eux, le BIR est vraisemblablement financé par un compte «hors budget» de la Société nationale des hydrocarbures. À ce titre, des revenus pourraient provenir indirectement des compagnies pétrolières forant au Cameroun, parmi lesquelles plusieurs entreprises britanniques.

Les Israéliens participent, poursuit African Arguments, à la formation, au commandement et à la fourniture d’armes au BIR. De nouveaux soldats sont recrutés régulièrement et rejoignent des entraînements comptant de 1.000 à 2.000 personnes. Une ancienne recrue du BIR, sortie de formation en 2015, affirme qu’une centaine d’instructeurs israéliens ont passé trois mois dans le pays pour entraîner l’unité dont il faisait partie. L’homme dit qu’ils recevaient chacun environ 830 euros par jour.

Les activités autorisées par la Défense israélienne

L’avocat israélien Eitay Mack indique à African Arguments que les gens comme Erez Zuckerman et Eran Moas n’interviennent pas sous leur propre nom, ce qui «serait une forme de trahison», mais forcément avec «une autorisation du gouvernement israélien».

Ni l’ambassade israélienne à Yaoundé ni le ministère israélien de la Défense n’ont donné au média d’informations précises sur ce sujet.
Eitay Mack estime qu’il s’agit d’une coopération mutuellement avantageuse et rappelle que Paul Biya est «l’un des amis les plus fiables d’Israël» sur le continent.

«Le Cameroun est un élément important pour aider Israël à obtenir sa légitimité… Tout cela fait partie de la lutte géopolitique avec les Palestiniens», souligne-t-il.

En 2018, l’avocat a déposé un recours auprès de la Cour suprême israélienne, réclamant d’annuler toutes les licences d’exportation à destination du BIR et de suspendre l’attribution de nouvelles. La Cour s’est prononcée en faveur de l’avocat mais lui a interdit de divulguer les conclusions.

Quoiqu’il en soit, une source interne du BIR a confirmé au média que des soldats sortis de formation en 2019 avaient reçu des fusils croates et non israéliens. Mais compte tenu du nombre d’armes israéliennes en circulation et de recrues formées par des instructeurs israéliens, la mesure ne changera pas grand-chose, a conclu l’avocat.

Source : Togoweb.net