S’il est vrai que « qui travaille à l’hôtel vit de l’hôtel », il est encore plus vrai que les biens étatiques sont inviolables. Pendant que le problème foncier a été pointé du doigt par une mission du Millenium challenge corporation (MCC), on apprend que le directeur des Affaires Domaniales et Cadastrales, Abbi Toyi A. M., est en train de faire immatriculer des réserves dont la « Place Bonnké », du nom de ce pasteur allemand arrivé au Togo en 1991, en son nom propre !
Le Journal Officiel (JO) du Togo serait-il un fourre-tout ? Parce n’importe quel quidam peut y faire passer insidieusement des faussetés qui seront brandies plus tard comme des vérités d’Evangile.
Dans le JO N°6ter du 16 février 2017, on lit : « Suivant réquisition n°47137 déposée le 20-01-2017, M. ABBI Toyi A. M., profession : directeur de la DADC, demeurant et domicilié à Lomé, majeur non interdit, jouissant de ses droits civils et de nationalité togolaise, demande l’immatriculation au livre foncier de la République Togolaise d’un immeuble urbain non bâti, consistant en un terrain ayant la forme d’un polygone irrégulier d’une contenance totale de 61a 81ca, situé à Agoè-Nyivé Kélégougan, préfecture du Golfe et borné au Nord-Est par une rue non dénommée de 19,92m, au sud par une rue non dénommée de 15,89m et à l’Ouest par une rue non dénommée de 15,96m. Il déclare que ledit immeuble lui appartient et n’est pas à sa connaissance, grevé d’aucuns droits ou charges réels, actuels ou éventuels ». Soit plus de 10 lots.
Dans un autre numéro 13ter paru le 16 avril 2017, le même personnage remet une autre couche, mais plus consistante. « Suivant réquisition n°47684 déposée le 05-04-2017, M. ABBI Toyi A. M., profession : directeur de la DADC, demeurant et domicilié à Lomé, majeur non interdit, jouissant de ses droits civils et de nationalité togolaise, demande l’immatriculation au livre foncier de la République togolaise d’un immeuble urbain non bâti, consistant en un terrain ayant la forme d’un polygone irrégulier d’une contenance totale de 17ha 81a 38ca, situé à Hanoukopé, préfecture du Golfe et borné au Nord par la rue Ogaro, au Sud par la lagune, à l’Est par la voie ferrée et à l’Ouest par le boulevard de la Victoire. Il déclare que ledit immeuble lui appartient et n’est à sa connaissance, grevé d’aucuns droits ou charges réels, actuels ou éventuels ». Dans une description plus accessible au commun des Togolais, l’immeuble en question est l’espace où les camions stationnent actuellement le long de la lagune et qui s’étend jusqu’aux rails, communément appelé « Place Bonnké », du nom de ce pasteur allemand Reinhard Bonnké, soit presque 18ha. Et quand on sait qu’un ha fait 16 lots, ce sont au moins 288 lots dont le Directeur de la DADC se réclame !
Dans un cas comme dans l’autre, il ressort que les deux immeubles relèvent des réserves de l’Etat togolais. Tout comme la réserve qui était au quartier Sagboville, juste en face de l’agence Togocel et sur laquelle une construction est en train d’être érigée. Nous avons appris que cet espace serait attribué à une autorité ministérielle. Le Directeur des Affaires Domaniales et Cadastrales est celui qui appose sa signature sur les plans et titres fonciers pour leur conférer un caractère officiel. Et il est celui qui peut dire au ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Cadre de Vie que tel espace est une réserve ou non.
Les Loméens se rappellent encore la place dite Bonnké, du nom de ce pasteur qui avait enfariné des Togolais par de pseudo miracles et depuis, son nom est resté collé à cet endroit. Mais aujourd’hui, c’est le « protecteur » des réserves de l’Etat qui ambitionne d’accaparer les biens publics. Et demain ?
Une autorité ayant eu vent des visées du directeur nous a paru surpris et a confié qu’au temps où Agbéyomé Kodjo était Premier ministre, il avait envisagé de faire ériger un centre commercial d’envergure sur cet espace, convaincu que cette réserve appartient à l’Etat. Comment en est-on arrivé là et qui pour contrôler les actes que pose le Directeur de la DADC ?
Hier, nous avons pris rendez-vous avec lui pour comprendre les alchimies par lesquelles il serait devenu propriétaire de ces espaces, qui plus est, des réserves. A l’heure dite, il nous fait dire qu’il avait rendez-vous pour une séance de travail avec le Millenium Challenge Account (MCA).
Justement, une mission du Millenium challenge corporation (MCC) avait relevé que l’un des problèmes qui minent l’avancée du Togo sur la voie menant au programme Compact reste le foncier. Et si le phénomène de la corruption et de l’injustice foncière devrait être l’œuvre du premier responsable, on est en droit de se demander à quel saint les citoyens doivent se vouer.
Abbé Faria
Source : Liberté N°2476 du Mercredi 12 Juillet 2017
27Avril.com