Sur le front social, il faudra peut-être mettre le Bénin sous assistance respiratoire. Le trait est à peine grossi avec cette grève entamée par les magistrats il y a presque un mois, à laquelle s’ajoute désormais un débrayage de trois jours des secteurs de l’éducation, de la santé et de l’administration à l’appel de sept centrales syndicales. Le risque est grand de mettre tout le pays à l’arrêt.
Un service minimum dans les hôpitaux et les centres de santé. Pas de cours dans les écoles et les universités. Une administration au ralenti. Pas une robe noire dans les prétoires. Pendant trois jours (peut-être plus), le Bénin va fonctionner au ralenti.
L’effet domino d’une grève devenue générale
Après plusieurs avertissements adressés au gouvernement, les syndicats sont passés à l’acte. Ce mardi 16 janvier, des médecins, des enseignants et des fonctionnaires affiliés à sept centrales syndicales ont enclenché un mouvement de grève de 72 heures… renouvelables.
Leur motif ? Cette grève générale se fait en protestation contre l’adoption le 28 décembre dernier par le parlement béninois d’une loi supprimant le droit de grève aux membres des corps de la santé, de la justice et de l’enseignement, à la Douane et la Gendarmerie béninoises. L’adoption du texte a été aussitôt suivie par un mouvement de grève amorcé par l’Union nationale des magistrats béninois (UNAMAB) qui ne cesse de renouveler son action « sans service minimum » en protestation de la nouvelle disposition législative.
Désormais, la mobilisation des travailleurs semble se généraliser dans tous les secteurs, même si certains syndicats ont appelé à boycotter la grève. En réalité, le pays risque d’être paralysé par cette grève à effet domino qui s’étend dans les syndicats comme un feu de forêt. Difficile d’évaluer avec exactitude le coût économique de la grève. Mais nul besoin de résoudre des équations compliquées pour avancer que l’économie béninoise risque d’en prendre un sérieux coup d’arrêt.
La Cour constitutionnelle au piège de ses contradictions sur le droit de grève
Au-delà, ce mouvement d’humeur déclenche un bras de fer entre les puissantes centrales syndicales et le Gouvernement de Patrice Talon, avec l’arbitrage de la Cour constitutionnelle. Sous le banneret d’une décision de la Cour constitutionnelle datée de 2011 sur le bien-fondé de la suppression du droit à la grève, le gouvernement semble conforté dans la bataille de la légalité pour ne pas reculer dans son intention de supprimer les « abus » du droit de grève.
A l’analyse, cette « fausse fermeté » gouvernementale démontre à l’occasion, l’intransigeance de Patrice Talon qui négocie au forceps tous les imbroglios sur le front social au Bénin. Jusque-là, le gouvernement béninois n’a donné aucun signe d’apaisement depuis les premières menaces des syndicats de faire grève.
Ces dernières avancent quant à elles, une décision de 2006 de la même Cour constitutionnelle qui consacre le droit de grève comme « un droit constitutionnel ». Le dialogue de sourds pourrait vite virer en « conflit d’opiniâtreté ». La balle est désormais dans le camp de la Cour, prise au piège de ses propres contradictions.
Elle devrait rendre une décision très attendue sur la conformité de la nouvelle loi à la constitution béninoise. Décision à laquelle le gouvernement indique vouloir se conformer. Dans l’hypothèse où les attendus leur seraient défavorables, les syndicats joueront-ils aussi fair-play ? En attendant le verdict de la Cour, entre la fermeté des uns et la bataille pour les droits des autres, le pays, déjà asphyxié sur le front social, pourrait continuer de vivre sous respiration artificielle.
Source : www.cameroonweb.com