Benfica: un policier exécute un homme de sang-froid en pleine rue

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Un policier qui abat un homme au sol, visiblement mal en point : c’est ce que montre une vidéo tournée le 1er juin dans le sud de Luanda, la capitale angolaise. Des images rares, bien que les exécutions extrajudiciaires restent courantes dans le pays, estime le journaliste angolais Rafael Marques de Morais. Principales cibles de ces assassinats : des jeunes hommes soupçonnés d’être des délinquants.

Dans cette vidéo, filmée depuis l’intérieur d’une voiture, on voit un homme au sol, bougeant un peu, mais visiblement incapable de se relever.

On entend une femme qui dit : « Cela se passe à Benfica [un quartier situé dans le sud de Luanda, NDLR], près de la BFA [une banque angolaise, NDLR], à côté du marché artisanal. Les hommes du SIC [Service d’investigation criminelle, un service de la police, NDLR] sont en train de battre un marginal. »

Un homme armé, qui porte l’uniforme du SIC, se trouve à côté. Il semble téléphoner, tout en surveillant l’homme au sol.

Au bout d’une minute, ce dernier parvient néanmoins à se redresser, mais le policier lui donne un coup de pied.

Environ une minute plus tard, un autre homme – qui ne porte pas d’uniforme – arrive. Il sort alors une arme à feu et tire sur l’homme au sol, à plusieurs reprises. La femme hurle et répète : « Ils ont tué un jeune homme ici, en face de la population ! » Puis la vidéo s’arrête.

France 24 a choisi de publier uniquement le début de cette vidéo diffusée le 1er juin sur les réseaux sociaux (avant que l’homme ne soit abattu). Elle a notamment été publiée sur le compte Facebook « Central Angola 7311 » – une plateforme de journalisme citoyen – où elle a été vue plus de 42 000 fois.

Au moins 92 exécutions extrajudiciaires à Luanda entre avril 2016 et novembre 2017

Ce type de scène n’est pas un cas isolé à Luanda, selon un rapport réalisé récemment par Rafael Marques de Morais, un journaliste angolais ayant été récompensé au niveau international dans le passé pour ses articles sur les « diamants de sang ». Il tient actuellement un blog consacré à la lutte contre la corruption.

Selon ce rapport, au moins 92 personnes ont été exécutées de façon extrajudiciaire par des agents du SIC entre avril 2016 et novembre 2017 dans la banlieue de Luanda. Selon ce document, des « escadrons de la mort du SIC » ciblent ainsi régulièrement des jeunes hommes soupçonnés d’être des délinquants ou des criminels – des assassinats ne donnant lieu à aucune condamnation. À la suite de la publication de ce rapport, le Procureur général de la République a toutefois annoncé la création d’une commission d’enquête pour vérifier les faits qui y sont évoqués.

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Rafael Marques de Morais indique :

Les autorités utilisent des escadrons de la mort de façon récurrente depuis l’indépendance, en 1975. Le plus grave, c’est qu’elles font croire que les exécutions sommaires sont utiles pour diminuer le taux de criminalité, alors qu’elles sont contraires à l’État de droit, au respect, à la vie et aux droits de l’Homme. Et beaucoup de gens y croient…

« Un bon criminel est un criminel mort »

Selon son rapport, beaucoup de témoins d’exécutions extrajudiciaires et d’internautes estiment ainsi que les hommes abattus méritaient de mourir.

De fait, à la suite de la publication de la vidéo le 1er juin, de nombreux internautes ont félicité la police pour son travail, estimant qu’un « bon criminel » était un « criminel mort », bien que certains aient également exprimé leur indignation, jugeant qu’il s’agissait d’une exécution sommaire.

« Bon travail, SIC. Un bandit, c’est comme ça : où vous le tuez ou il vous tue », écrit notamment cet internaute.

Capture d’écran d’une autre vidéo publiée le 1er juin sur le compte Twitter « Central Angola 7311 », avec le texte suivant : « ‘Il n’y a plus d’espace dans les prisons’, ‘Cela a un effet dissuasif, d’autres vont y penser à deux fois avant de commettre des crimes’, ‘Bon travail de la police’. Cette méthode est utilisée depuis des années, donc pourquoi le crime continue d’augmenter ? »

« C’est la première fois qu’une telle vidéo devient virale sur les réseaux sociaux »

Rafael Marques de Morais poursuit :

Si les exécutions extrajudiciaires sont courantes, les images sont en revanche plus rares, même si une vidéo montrant une exécution de ce genre a déjà circulé sur les réseaux sociaux dans le passé. Mais elle n’avait pas eu le même impact que la vidéo du 1er juin.

Là, c’est la première fois qu’une telle vidéo devient virale sur les réseaux sociaux. Selon moi, deux facteurs expliquent cela : premièrement, elle a été diffusée juste après la publication de mon rapport sur ces pratiques, et deuxièmement, on espérait que ces pratiques seraient interdites avec João Lourenço, sauf que rien n’a changé. [Ce dernier – élu président de la République en 2017, après les 38 années au pouvoir de José Eduardo Dos Santos – a promis à plusieurs reprises de s’attaquer à l’impunité et à la corruption, NDLR.]

D’ailleurs, les autorités ont sûrement réagi à la suite de cette vidéo car elle est devenue virale…

Dès le 1er juin, le ministère de l’Intérieur a ainsi reconnu à travers un communiqué qu’un agent du SIC avait « atteint mortellement un marginal dans des circonstances injustifiées », puisqu’il « était déjà sous leur contrôle ». Le communiqué semble toutefois dédouaner en partie l’agent, puisqu’il est précisé que sa brigade était « à la poursuite d’un groupe de voyous armés ».

Le 7 juin, le Procureur général de la République a ensuite déclaré que cet agent avait été placé en détention provisoire. Les six autres agents interrogés à ce sujet, eux, ont été libérés.

Source : www.cameroonweb.com