Bavures au Togo : De jeunes prennent de plus en plus le large

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Bavures au Togo : De jeunes prennent de plus en plus le large

Instituée par l’ancien ministre de la sécurité et de la protection civile, le général Mohammed Atcha Titikpina, l’ « opération entonnoir » a été réactivée par son successeur, le général Yark Damehame, actuel patron du ministère de la sécurité. Mais cette opération, du fait des bavures répétées des agents de police et de gendarmerie, causant des pertes en vies humaines, contraint de jeunes togolais vendeurs à la sauvette du carburant (boudè), à prendre le maquis pour ne pas être déniché et écroué. Mais au-delà, ce sont les répressions policières et ou militaires sous le sceau de la politique qui font plus fuir les Togolais.

Opération entonnoir, nombreux sont ces Togolais qui ont perdu la vie lors de cette opération à cause de l’usage disproportionné de la force par policiers ou gendarmes. La traque des vendeurs de carburant au bord de la route fait souvent des blessés et des morts et aujourd’hui, plusieurs jeunes nommément identifiés comme vendeurs à la sauvette d’essence et activement recherchés, sont rentrés dans la clandestinité pour sauver leur vie.

« Ce vendredi 8 juin 2018, une opération de poursuites policières contre les vendeurs de carburant illicite, a été lancée à Tokpli dans la préfecture de Yoto. La plupart des suspects ont pris très tôt la fuite vers le pays voisin notamment le Bénin mais l’opération a malheureusement tourné en deuil avec la mort du nommé Louis Anoumou, succombé sous les balles réelles. Ce décès vient s’ajouter à la liste macabre des jeunes déjà tombés au nom de cette tristement célèbre opération. Les hautes autorités contactées par le MMLK ont reconnu cet incident mortel de plus et ont promis repenser l’opération », lit-on dans un communiqué rendu public par le pasteur Edoh Komi, président du mouvement Martin Luther King (MMLK), la voix des sans voix. « Je ne suis pas allé sur le terrain, mais j’ai un coup de fil venant de la localité me disant que l’individu atteint est décédé, c’est regrettable », a déclaré le ministre de la sécurité, le général Yark à la survenance du drame qui a provoqué le courroux des populations, car selon l’Union des ressortissants de Tokpli, le jeune Anoumou « a été abattu par les éléments de l’opération entonnoir » alors qu’il n’était même pas concerné par la vente de carburant. L’opération entonnoir et ses multiples drames rappellent une autre douloureuse scène qui s’est produite six années plus tôt à Anfoin, quartier Mamissi, dans la préfecture des Lacs.

Le vendredi 11 mai 2012, deux jeunes adolescents qui se livraient à ce commerce de carburant afin de fuir tant soit peu le quotidien difficile au Togo, sont décédés par l’imprudence d’un agent de la gendarmerie. Ces adolescents transportant sur une moto des bidons d’essence, ont été pris en chasse par un gendarme, et le drame n’a pu être évité. A la vue des deux gamins sur la moto, l’agent s’est saisi rapidement de la moto de son collègue et s’est « lancé tout seul à la poursuite des deux individus en vue de les intercepter », a indiqué un communiqué de la gendarmerie. Pris de panique, les enfants se lancèrent dans une fuite, poursuivis par le gendarme. Arrivée à environ 4 km de la sortie nord de la brigade d’Anfoin, « les deux trafiquants visiblement en excès de vitesse tentent de dévier vers la brousse pour prendre un sentier », poursuit le communiqué. Mais, ils n’y arriveront pas car, ils dérapent et heurtent la monture en béton située sur la route et s’écroulent. Ils perdent la vie avant l’arrivée des secours.

La vente d’essence boudè, faut-il le rappeler, est souvent encouragée par le fait qu’au Togo, les stations d’essence réglementaires sont éloignées de certaines localités, surtout des banlieues de plusieurs grandes villes du pays et les campagnes sont quant à elles, dépourvues de tout point régulier de vente d’essence.

Tombés sous les balles réelles des forces de sécurité ou péris par accident dans leur fuite, parfois recherchés, arrêtés et écroués, le quotidien des vendeurs de boudè est assez complexe au Togo et aujourd’hui, beaucoup se prononcent ouvertement pour la fin de l’opération entonnoir, cause de plusieurs blessés et de morts. Car, même des professionnels des médias ont été heurtés dans cette affaire.

Le 16 janvier 2013 au quartier Gbadago à Lomé, le journaliste Kossi Thémanou de Focus Info a été passé à tabac par des gendarmes de l’opération entonnoir alors qu’il exerçait son métier de journaliste. D’après les témoins, il est frappé par la crosse d’un fusil (un geste qui peut attenter à sa vie) au moment où il prenait des images des populations victimes de cette opération. Le même jour à Aného, préfecture des Lacs, le journaliste Ayité Assiongbon de la radio Océan FM, a été aussi passé à tabac par les forces de l’opération entonnoir. Bernard Yélé, un autre journaliste de la Tv2, a été molesté par des forces de sécurité à Agoè, toujours dans cette affaire d’opération entonnoir. La liste est encore longue.

Cette situation fait que de jeunes togolais bien connus dans le domaine de vente de carburant et activement recherchés, ont pris le maquis. C’est le cas du jeune Yerima Faridou, habitant dans la banlieue nord de Lomé. D’après une source, il a souvent échappé à la traque des forces de l’ordre pour sauver sa vie. « Bien qu’il ait arrêté de vendre du carburant, ils (les forces de l’ordre, ndlr) continuent à venir le traquer. Inquiet et craignant pour sa vie, le jeune homme a dû quitter sa maison de location pour refugier chez son ami dans un autre quartier. Mais sûrement repéré, ils vont faire la ronde dans l’autre quartier à sa recherche…maintenant, on ne comprend plus leur motivation. Aux dernières nouvelles, le jeune aurait pris une destination inconnue », renseigne la source qui a aussi tenu à rappeler que déjà en 2015, le jeune Yerima Faridou a été la cible des forces de l’ordre au lendemain du scrutin présidentiel. « On le soupçonnait très proche de l’opposition », a-t-elle révélé.

Le Togo étant un pays constamment sous tension politique et dont l’escalade des violences a entrainé 500 morts en 2005 selon les Nations Unies, et une vingtaine de personnes tuées en 2017 selon de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, ce pays est réputé dans la traque quotidienne de jeunes proches des partis d’opposition. Essoazina Samssoudine Chekaro, Gbati Kossivi, Salifou Moussillim, Akou-Edi Mehiwa, etc. le dispositif de répression observé sur le territoire national contraint souvent plusieurs jeunes militants de l’opposition à vivre cacher ou à se réfugier dans les capitales voisines de Lomé. Ceux qui ont plus de chances, se retrouvent derrière la manche. Impossible d’envisager un retour au pays natal au risque de se faire prendre et jeter en prison à l’instar des militants du PNP qui, de retour des USA et de l’Angleterre, ont été écroués par le régime.

Aujourd’hui, le processus électoral enclenché pour 2020 rajoute à la psychose des Togolais. Que réserve demain ? La question reste posée.

Source : La Manchette

27Avril.com