Balkanisation prononcée du Togo

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Balkanisation prononcée du Togo

Malgré le bilan macabre d’un mort, 174 blessés dont 92 dans un état très grave parmi lesquels des femmes et des enfants, 253 arrestations dont 227 libérés, lors des manifestations des 11, 12 et 14 avril derniers, la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition ne semble ébranler outre mesure. Elle a annoncé de nouvelles manifestations les 25, 26 et 28 avril pour exiger le retour à la Constitution originelle de 1992, la mise en œuvre des mesures d’apaisement, l’amélioration du cadre électoral et le vote des Togolais à l’étranger.

En réponse à la Coalition, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales Payadowa Boukpessi « déplore la volonté manifeste de la coalition de violer les mesures prises par le facilitateur, en prévoyant de manifester à nouveau pour les questions qui sont en cours de discussions au sein du dialogue inter-togolais ». Il prend acte de cette attitude « regrettable » de la Coalition, et compte en tirer toutes les conséquences qui s’imposent ».

Quant aux itinéraires initialement prévus dont les trois points de départs sont Mission Catholique Adidogomé, TotsiPharmacie de la Nation et Plage en face de l’hôtel Sancta Maria pour chuter tous au Collège des Plateaux à Tokoin Cassablanca, M. Boukpessi s’y oppose et évoque des plaintes de certains riverains. « Le gouvernement a rappelé aux représentants de la coalition, les plaintes qu’il enregistre régulièrement de la part des riverains des voies que les manifestants de la coalition empruntent depuis sept (07) mois, pour les gênes diverses que les marches leur créent. Ces plaintes ont atteint leur paroxysme un peu avant la suspension des manifestations, elles sont susceptibles d’entrainer des troubles graves à l’ordre public au cours des prochains passages des convois de la coalition si une solution n’y est pas trouvée.», que «lesdites plaintes ont déjà été portées à l’attention de la coalition oralement et par écrit, à plusieurs reprises : Et pour « alors éviter que ne se produisent des troubles graves à l’ordre public au passage de la coalition au cours des manifestations des 25, 26 et 28 avril 2018, le gouvernement a demandé aux représentants de la coalition à la réunion de changer d’itinéraires .

Enfin, pour ce qui est de l’intérieur du pays, le gouvernement tout en laissant la latitude aux représentants de la Coalition dans les préfectures de s’accorder avec les préfets, en vue de soulager les populations riveraines des axes empruntés depuis sept (07) mois par les manifestants de la coalition, et d’éviter ainsi les risques de troubles graves à l’ordre public, relève que «»les manifestations demeurent interdites dans les villes de Sokodé, Bafilo et Mango pour des raisons de sécurité qui ont été déjà indiquées et plusieurs fois rappelées», pour les autres localités qu’il est convenu d’un commun accord (Tsévié, Kpalimé, Atakpamé, Anié, Tchamba, Bassar, Dankpen, Niarntougou, Tandjoaré et Dapaong), et enfin, que «les manifestations sur les routes nationales ne sont pas acceptées ».

Pour les trois jours de manifestations, le natif de Sotouboua impose : « Circuit 1 : Carrefour Eglise Néo Apostolique près de Gakpoto (point de départ) — Direction Boulevard pavé de Bè Kpota, Anfamé — Nissan – Pharmacie Miséricorde — Carrefour Petrolum — EPP Anfamé — carrefour Eglise des Assemblées de Dieu (Point de chute) et pour le Circuit 2 : Carrefour marché de Bè (point de départ)- Boulevard Houphouet Boigny Côté Est — direction Akodesséwa – Pharmacie crystal -Pharmacie Biova — Paroisse Evangélique d’Akodesséwa — carrefour Diamond Bank — route pavée direction Anfamé — carrefour Petrolum — EPP Anfamé — carrefour Eglise des Assemblée de Dieu (point de chute). Ces propositions de circuits, d’après le gouvernement, ont été faites compte tenu du fait que les représentants de la Coalition à la réunion de Vendredi avec le ministre Boukpessi, n’ont proposé aucun nouvel itinéraire ».

A y voir de près, toutes les manifestations sont confinées dans le quartier Bè de Lomé. De quoi se plaignent les autres riverains de Lomé et les habitants de Bè ont accepté ? En plus, ce ne sont pas les mêmes itinéraires depuis sept mois comme le dit le ministre Boukpessi. C’est d’ailleurs de nouveaux itinéraires qu’empruntent les militants et sympathisants de l’opposition à partir de la reprise des manifestations les 11, 12 et 14 avril étouffées par des répressions sauvages et barbares.

Selon plusieurs observateurs, les itinéraires que le ministre Boukpessi tente d’imposer à la coalition sont une manière de dire que Bè est pour l’opposition et en y confinant les militants et sympathisants on pourrait exercer toute sorte de barbarie. Au même moment, le Colonel Préfet de la Kozah Hemou Bawubadi Bakali a mis fin à un séminaire d’une association.

Bakali fait de Kara, un Etat dans un Etat

L’Association Agir Ensemble pour l’Education (A2E) a initié une formation des Ambassadeurs de la démocratie à Hôtel Mira de Kara le samedi 21 avril dernier au cours de laquelle devrait intervenir le Professeur Wolou Komi, Secrétaire National du Pacte Socialiste pour le Renouveau (PSR). Tout est fin prêt pour le démarrage des activités quand subitement des gendarmes ont surgi pour évacuer la salle des participants au motif que la note d’information adressée à l’autorité administrative (le Préfet) n’a pas précisé que le Professeur Wolou est le formateur. C’est sous les regards médusés des participants qu’a été mis fin ce séminaire sensé former des ambassadeurs de paix. « Je voudrais dire à vous tous mes sincères remerciements pour votre mobilisation de ce matin. Merci également d’avoir fait preuve de retenue face à l’incompréhensible attitude des autorités du pays. La raison d’être d’un pouvoir, c’est d’assurer le bien-être des citoyens qui ont délégué ce pouvoir.

Malheureusement, dans notre pays, les moyens de l’État sont mis au service de la répression de ceux qui demandent seulement que leurs droits soient respectés. Des personnes qui détiennent une parcelle du pouvoir étatique, militaire, judiciaire ou gouvernemental ont décidé de détruire notre pays. Chacun de nous répondra de ses actes devant l’histoire et devant Dieu. Nous n’allons pas abdiquer. Que peut-on reprocher à une formation citoyenne fondée sur un document officiel de la CEDEAO? Tous ceux qui contribuent à perpétuer cette situation n’ont et n’auront aucune excuse ni devant les hommes ni devant Dieu. Ils feront même la honte de leurs descendants. Tout est question de temps. L’histoire les rattrapera; militaires, civils, magistrats, intellectuels, hommes de main. Courage à vous qui avez soif de la justice, de l’égalité et de la légalité.», a indiqué en début de soirée de cette mésaventure, Prof Wolou.
Ce n’est pas la première fois que le Préfet de la Kozah s’illustre dans ce déni de droit. Avant cette association, plusieurs partis politiques dont le PNP, le Parti des Togolais ont vu interdire des manifestations à Kara. Même des syndicats des enseignants ont fait le frais pour avoir osé manifester à Kara de Bakali.

Condamnés à quatre mois fermes de prison, il a fallu la mobilisation de tous les enseignants, agents de santé et fonctionnaires en général à travers des grèves pour que Assoukoulime Assewi, Simdjolo Hodalo et Hemou Kokou soient libérés la semaine dernière. Et jusqu’à quand ? Ces pratiques déchirent le tissu social et mettent à mal le vivre ensemble au Togo.

Kokou Agbemebio

Source : Le Correcteur No.814 du 23 avril 2018

27Avril.com