« Nkume ke wo sↄ yi kↄmisaria be tome o la po na wo » (Selon le visage que tu présenteras au Commissariat, on mesurera la gifle à t’administrer). Adage mina.
Ce n’est pas pour dire que la gifle, comme la fessée, la bastonnade dans le plat de la main ou tout autre châtiment corporel, fait partie du rituel de l’interrogatoire ou simplement des sévices en règle à infliger au prévenu dans nos postes de police ou de gendarmerie. Je ne dis pas non plus que le commissariat serait le lieu par excellence, depuis la colonisation, où l’on distribuerait des coups de gifle à la volée à ceux qui y entrent, menottés, fautifs ou non. Depuis la colonisation ? Oui, preuve : nous avons dû adopter le mot commissariat qui n’existait pas dans nos langues, et dans nos us et coutumes, ainsi que le rituel des sévices qui y sont pratiqués.
Forces de l’ordre. Police. Gendarmerie. Armée.
Bien sûr que je ne ferai aucune espèce d’amalgame, je n’établirai aucun lien entre les gifles que nos peuples prennent aujourd’hui et les traitements réservés aux colonisés d’une époque que l’on veut considérer comme révolue. Ce genre de raisonnement serait bien court effet. Cependant, examinez un peu ce que l’ex-président français, François Hollande, écrit dans son livre, à la fin de son mandat unique, livre que je trouve humainement grand et littérairement beau à certains de ses passages, comme ceux-ci :
« … J’avais tenu à me rendre à Asnières le 17 octobre 2011 pour évoquer ce qui s’était passé cette nuit-là, en 1961, en pleine guerre d’Algérie. Sur le sol français, une manifestation de sympathisants du FNL avait été violemment réprimée par la police sous les ordres du préfet Maurice Papon. La brutalité avait été telle qu’elle avait provoqué la mort d’une centaine de personnes, souvent par noyade, sans que l’on ait pu jamais en connaître précisément le nombre »i.
Cela vous émeut. Cependant, la vraie gifle que je redoute est peut-être à venir, et peut être tragique pour le peuple togolais, si on n’y prend garde. Elle concerne la fameuse feuille de route de la CEDEAO pour sortir le Togo de la crise chronique dont il souffre et qui s’est accentuée depuis le 19 août 2017, donc depuis un an.
Entrée en matière, peut-être, mais d’une manière plus significative, le tripatouillage de cette feuille de route dès les premières minutes, c’est-à-dire après que le texte original en a été paraphé par les chefs d’État de la CEDEAO ayant participé le 31 juillet dernier, au 53e sommet, par monsieur Dussey. Or, ce monsieur Dussey , professeur de philosophie de son état ( il y a des histoires qui circulent sur sa thèse que je préfère taire ici, mais c’est au sujet du niveau éthique et du sens moral du personnage que je voudrais que nous nous interrogions ), ministre des Affaires Étrangères du système, n’a pas rédigé ce chef-d’œuvre tout seul car il fait certainement partie de la branche « intellectuelle » du système…et ce texte n’a pas pu être rendu public sans l’imprimatur du Champion tout-puissant. Monsieur Dussey fait partie de ceux qui virevoltent autour du Champion, volant à son secours, se livrant à toutes les contorsions, toutes les gymnastiques dont ils sont capables…malgré l’apparence de sérénité qu’ils jouent à afficher ! Nous pouvons donc, à partir de là, réfléchir en nous demandant à quelle sauce le Togo va être mangé dans les jours, les mois, les années qui vont venir. Car, Dussey n’est pas tout seul (je viens de le dire) dans cette branche « intellectuelle », il y d’autres personnes qui, comme je l’ai écrit dans La Tortue qui chante ii , voudraient se « montrer les plus fidèles, les plus zélés les uns que les autres… » qui sont tristes quand le Champion est triste, qui rient quand le Champion rit…qui triomphent quand le Champion triomphe, qui souhaitent donc ardemment que ce dernier triomphe…Et ce n’est pas tout. Le système tentaculaire, comme on sait, possède( que ne ferait-il pas pour se maintenir ?) sa branche juridique, sa branche médiatique, sa branche stratégique, sa branche diplomatique, sa branche financière, sa branche institutionnelle, sa branche armée, sa branche de miliciens auto-proclamée d’auto-défense. Chaque membre de chacune de ces branches ne va pas rester sans se mettre en branle pour trouver la meilleure gifle, la plus retentissante ou la plus raffinée, c’est selon, à appliquer au peuple sur la zone du visage qu’il présente. Et combien de coups de gifle recevrons-nous avant que nous atteignions notre destination ? Il ne faut donc pas être d’un optimisme total ( j’allais dire béat ). Ce qu’il est important de savoir aussi, c’est que, de manière prévisible ou tout à fait soudainement, chacune de ses branches zélés, peut frapper à tout moment. Mais elles peuvent aussi, dans une action concertée le faire en combinant et en concentrant leurs coups sur une cible unique ou sur des cibles multiples…Ce qui représente un grand avantage par rapport à nos partis d’opposition qui, malgré l’unité affichée ou dans laquelle ils s’efforcent de se maintenir, ne sont pas à l’abri de la fragilité conséquente à des attitudes et des propos contradictoires et incohérents que l’on peut observer et entendre de temps à autre, çà et là. Eux, ils ont un Champion. Même si nous nous en moquons, l’une de nos faiblesses qu’ils savent exploiter pour nous asséner la gifle, n’est-ce pas que nous n’en ayons pas un ?
La feuille de route nous est donc donnée et certains l’ont appelée, entre autres traductions, en mina, « mↄzↄti » ( le bâton de voyage ). Du moment où ce sont des hommes, les chefs d’État qui nous l’ont donné, ce bâton, et non pas Dieu lui-même, nous devons bien l’observer pour nous assurer qu’il est suffisamment droit pour indiquer vraiment le chemin à suivre, suffisamment solide pour ne pas se casser sur le chemin lorsque nous voudrions nous appuyer dessus. D’autres encore l’ont appelée, cette même feuille de route, « mↄzↄwoma », le papier du voyage, en pensant que l’itinéraire le plus simple, le plus limpide et le plus rapide y est tracé en sorte que nous parvenions, comme le proclamait le prophète Esaïe dans la Bible iii , à la fin des souffrances du peuple et au jaillissement du règne de justice et d’abondance. Même les insensés ne pourraient ainsi s’égarer sur la lecture de ce message. Nous accéderions donc au but que nous nous fixons très rapidement. Le problème est que nous pourrions nous leurrer, ce qui ajouterait au nombre de nos années d’errance, alors que le peuple togolais n’aspire qu’à une chose : y mettre fin le plus rapidement possible.
Ce n’est pas que les chefs d’État de la CEDEAO aient eu l’intention de nous conduire dans un fossé, dans un chemin malaisé, pire, nous faire errer davantage (dans quelle intention le feraient-ils ?) mais, comme je l’ai dit, que ce sont des hommes qui, quoique grands, comme dirait Corneille dans Le Cid, peuvent se tromper comme les autres hommes.
Cependant, le grand danger demeure que, ceux qui ont intérêt à ce que nous n’atteignions jamais la Terre Promise, cette société à laquelle nous aspirons tous, pourraient se saisir du bâton pour nous frapper, nous blesser, nous tuer, ou la feuille pour nous asséner la gifle la plus retentissante, la plus terrassante, la plus abasourdissante jamais connue dont nous mettrions beaucoup de temps à nous relever. Après le coup de Dussey, il a fallu que la Coalition des Quatorze aille se plaindre aux responsables de la CEDEAO, pour que le Commissaire de ladite organisation vienne à Lomé remettre les pendules à l’heure. Combien de fois par semaine, par mois, par trimestre…la CEDEAO interviendra-t-elle dans la vie politique du Togo, et toujours de manière aussi franche, aussi juste, pour nous permettre d’atteindre le bout du tunnel, le but ? Le coup de Dussey a été suivi de celui de la CENI (cette branche institutionnelle du régime existerait donc encore dans « toute sa gloire et sa puissance » et voudrait le montrer en dépit des recommandations de la feuille de route). Sur ce coup de la CENI, la CEDEAO n’a pas jugé utile d’intervenir.
Les Chefs d’État de la CEDEAO sont des hommes. Erreurs, intérêts personnels, calculs politiques et géopolitiques, faiblesses et toutes sortes d’imperfections sont leur apanage exactement comme ils le sont pour le commun des mortels. Mais, pensons que Dieu, omniscient, omniprésent, tout-puissant et parfait en toutes choses a béni le bâton de Moise et l’a chargé de pouvoir pour faire des miracles, avec pour mission de conduire son peuple, les Hébreux de l’Égypte en Terre Promise. Il n’empêche qu’une distance qu’ils auraient pu parcourir en une semaine, ils ont mis quarante ans pour en venir à bout, avec toutes les tragédies, toutes les tribulations, toutes les persécutions, toutes les souffrances, la mort, parfois la soif, la faim dans le désert.
Or, la CEDEAO n’est pas Dieu.
Mais un organisme dirigé par des hommes, êtres complexes de chair et de sang, c’est-à-dire ayant sentiments, grouillements intérieurs, motivations, humeurs, faim, soif, haine, amour, intérêts personnels que logiquement on ne peut leur reprocher.
La CEDEAO n’est pas Dieu. Ne le sont pas non plus ces puissances qui, sous prétexte de nous faire sortir de la crise, n’ont qu’une solution, qu’un mot à la bouche : élection !
Alors (là je m’adresse aux chefs de partis de la Coalition des Quatorze), ne nous exposez pas, s’il vous plaît, sous aucun prétexte, à la gifle du régime qui ne guette que les occasions pour se servir de la feuille de route de la CEDEAO pour terrasser le peuple togolais.
Sénouvo Agbota Zinsou
Note :
François Hollande, Les leçons du pouvoir, éd. Stock 2018, p. 218-219
ii Saz, cf.La Tortue qui chante, éd. Hatier Monde Noir, 1987, Tableau IX, p.32
iii Ésaie 51
27Avril.com
Salut à vous tous.je salue avec enthousiasme tout l’effort que vous menager pour renseigner et informer le mieux le peuple togolais.
La CEDEOA n’est pas Dieu. D’accord. Mais après le sommet nous avons un chemin à emprunter qui est mieux déssiné que tous ceux qu’on a déjà emprunté. Dieu s’est toujours servi des mains d’un homme pour accomplir ses desseins.
Voyons en eux des envoyés de Dieu pour nous sortir de la crise. Si c’est facile, on aurait pu le faire sans leur aide.
Amicalement, Aristide
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