Assurance-Maladie: comprendre le scandale financier à l’Inam

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Militante politique UNIR-RPT,
franc-maçonne, mais technocrate intelligente, Myriam Dossou-d’Almeida,
la directrice de l’INAM, défraie la chronique par un scandale financier.
Cependant cette affaire n’est que la partie visible de l’iceberg d’un
système de prévarication généralisée solide fondement du parti au
pouvoir.

Tuer la poule aux oeufs d’or

Le scandale financier fait les choux gras
de la presse depuis la semaine dernière. Un scandale financier de plus
depuis 50 ans dans la république des Gnassingbe père & fils. Cette
fois-ci, c’est une femme, Mme Myriam Dossou-d’Almeida, directrice de
l’Inam (Institut national d’assurance maladie), par qui le scandale
arrive. L’Inam qu’elle dirige est porté sur les fonts baptismaux il y a
juste huit ans. C’est un établissement public et a pour mission
d’assurer «la couverture des risques liés à la maladie, aux
accidents et maladies non professionnels et à la maternité des agents
publics et de leurs ayants droit
».

L’institut est une idée de l’ancien
ministre du travail Nicoué Broohm. C’est une première expérience au
niveau étatique censée régler le manque de couverture sanitaire chez les
fonctionnaires et, après voir dans quelle mesure faire une extension à
l’assurance-maladie universelle. Pour l’instant, l’Inam ne couvre que 5%
de la population ; c’est très peu, mais il faut savoir apprécier les
petits pas. Sauf qu’ici tout est fait pour tuer la petite poule aux
oeufs d’or.

Un audit interne, donc réalisé par les
propres services de  l’Inam,  dresse un constat accablant pour la
directrice. Les auditeurs ont pour «mission  d’évaluer toutes les
activités réalisées pour acheter les biens et services depuis l’étape de
la planification des besoins jusqu’à la réception effective des biens
et des services
 ». A noter que le travail d’audit a été impeccable.

L’audit portant sur les exercices 2016 et
2017 révèle de graves manquements, volontaires ou rarement par
ignorance, aux règles de passation des marchés publics. Le rapport
d’audit met à nu une volonté délibérée de frauder, de contourner les
règles et dispositions légales, histoire de gagner quelques sous de
plus, de voler tout simplement, de détourner, de vivre aux frais de la
princesse.

«D’une façon générale, écrit
l’auditeur interne, l’exécution des marchés réalisés au cours des
exercices 2016 et 2017 n’est pas conforme aux dispositions légales et
règlementaires
».

Le mécanisme mis en place pour vivre comme des Thénardier est hallucinant.

«Il existe des insuffisances
dans l’exécution des missions des organes de passation et de contrôle et
beaucoup de cas d’absence de mise en concurrence avant la
contractualisation avec les fournisseurs non-inscrits sur le plan de
passation et dont les montants sont égaux ou supérieurs  au seuil de
passation
», indique le rapport.

Des contrats pour des acquisitions
diverses non prévues au budget prévisionnel et non autorisées,
fractionnements des marchés quand ceux-ci dépassent le seuil du gré à
gré, des contrats exécutés avant publication des avis de passation, des
plans de passation non validés par l’organe de contrôle, absence de
preuves de validation des propositions d’attribution, attribution des
marchés sans diligence de mise en concurrence. La liste des
dysfonctionnements et des manquements est très longue.

Difficile de savoir, l’audit interne
n’ayant pas mission de dresser un tableau comptable des fraudes. Seul un
audit externe peut révéler l’importance des détournements. Mais on peut
l’estimer à plusieurs centaines de millions, l’Inam étant mis sur pied
depuis 2011 et que la loi sur la passation relative aux marchés publics
et délégations de service public n’a été mis sur pied que deux ans
auparavant.  

Par contre, on dispose de quelques
chiffres effarants témoignant de la volonté de tuer la poule aux œufs
d’or. On évoque  un véhicule de 13 millions pour la présidente du
conseil d’administration, et 45 millions CFA pour la directrice Myrim
Dossou. Pour son cinquième anniversaire, l’Institut engage des dépenses
estimées à 11 millions tandis que la fête des personnes du 3ème
âge a valu 20 millions. La clôture d’un d’un domaine de l’Inam a valu
25 millions tandis qu’un autre à Kpalimé a coûté au bas mot 15 millions.
La directrice aime à voyager aux frais de la princesse, uniquement en
classe affaire.

Qui est Myriam
Dossou-d’Almeida ?

Un récent portrait dans la presse présente la directrice de l’Inam comme «le visage féminin du dynamisme togolais». Difficile de savoir ce qu’est le «dynamisme togolais»,
mais elle est tout de même classée parmi les 50 femmes togolaises les
plus brillantes. Baccalauréat série C, la cinquantaine, cette
rondouillette et pétillante femme est nantie d’un MBA en Management de
l’entreprise d’assurances à Paris.  Elle a travaillé chez l’assureur
français AXA, en France et en Côte d’Ivoire. C’est du pays d’Houphouët
qu’elle arrive pour diriger l’Inam. L’assurance-maladie
requérant beaucoup de technicité, d’exigence et d’expérience, le choix
pour le poste de direction fut très sélectif. L’ancien ministre du
travail Broohm craignait qu’un choix par clientélisme politique sabotât
le projet. D’où l’étonnement dans certains milieux à la découverte des
graves gabegies révélées par  le rapport d’audit interne. Comment une
femme venue d’un milieu ou régnait la rigueur a-t-elle pu tomber si bas ?

Néanmoins, Myriam Dossou est en réalité un choix par défaut, disons
l’offre de salaire le moins disant contrairement à un premier choix qui a
fait monter les enchère à plus de 10 millions CFA par mois.  L’actuelle
directrice de l’Inam perçoit donc un salaire estimé à 3,5 millions CFA
par mois, sans  compter les primes et autres avantages. Un salaire
confortable certes, mais qui n’est pas parmi les plus élevés du domaine.
Mais ce n’est point une raison pour dilapider. Pour le bi-hebdomadaire
l’Alternative, Myriam Dossou aurait consacré plus de 13 millions au 9ème anniversaire de l’Inam.

Selon des indiscrétions, Mme Dossou-Myriam
serait franc-maçonne affiliée à la fameuse Gnlt (Grande loge nationale
togolaise), loge fondée par la GLNF, la loge la plus mafieuse de France.
Le scandale financier dans la presse serait des règlements de compte
entre francs-maçons ; une branche soutiendrait des opposants à Mme
Dossou-d’Almeida. Il est vrai que beaucoup dans le système n’ont pas
digéré son arrivée à ce poste juteux. Après la publication par le
journal Alternative, en guise de riposte à ses détracteurs, la
directrice aurait commandité elle-même un audit. Pour prouver son
innocence ? Chiche !

Par contre, en sus de
son poste de directrice de l’Inam, confirmant cette règle non écrite de
la cooptation d’office des cadres de la haute administration par le
régime, Myriam Dossou est une militante d’UNIR, le parti au pouvoir. A
ce titre, elle a participé aux élections locales dans la commune du
Golfe 4. Absente des réseaux sociaux, elle a par contre opportunément
ouvert une page Facebook au nom de Myriam Dossou en mi-juin 2019,
spécialement pour les locales.

Pendant la campagne,  elle aura mené de concert avec sa liste, une
campagne de consultation gratuite en ophtalmologie. A la clé,
distribution de 3000 paires de lunettes ! A-t-elle participé
financièrement à cette consultation ? A-t-elle vraiment la carte du
parti UNIR ? On peut en douter, mais toujours est-il qu’un haut
fonctionnaire qui veut garder son poste juteux ou a des prétentions sur
un autre est d’office membre du parti au pouvoir. Et en retour, le
pouvoir lui garantit l’impunité.

Pourquoi est-elle éclaboussée par le scandale ?

Comment «le visage féminin du dynamisme
togolais»  a-t-il pu faire ça ? Dans un article consacré à l’affaire
dans le journal l’Indépendant Express, le journaliste écrit qu’une
« femme ne doit pas faire ça » ! Il s’agit d’une vue sexiste qui abonde
dans le sens de cet adage ewé qui veut que « femme ne vole pas mais se prostitue ».
Il s’agit manifestement d’un point de vue patriarcal et naïf qui, tout
en voulant idéaliser la femme en vient à oublier que  la criminalité
féminine en col blanc a pignon sur rue. 

On pense que  sans l’affiliation mécanique
de Myriam Dossou-d’Almeda à UNIR, elle serait moins encline à tomber
dans le scandale de gestion que souligne le rapport. L’environnement de
corruption généralisée en lien avec le pouvoir politique constitue le
terreau fertile à cette situation de pillage organisé. Ce n’est plus un
secret pour personne que la distinction entre espace public et intérêts
privés est dans la pratique  niée et vidée de son contenu dans
l’administration togolaise. D’ailleurs le pouvoir politique, pour rendre
inopérante la lutte contre la corruption, a rendu débiles les organes
en charge.

Le mécanisme de détournement mis donc en
lumière à l’Inam n’est que la minuscule partie visible de l’iceberg des
détournements dans l’administration et les sociétés d’Etat. Les mêmes
méthodes utilisées à l’Inam sont utilisées à grande échelle dans ces
sphères précédemment nommées. Non seulement, on peut contourner la loi
ou la violer impunément, mais on peut en inventer une autre.

Pour rappel, dans le cadre de la
construction des infrastructures publiques, le ministère des finances,
du temps d’Otèth Ayassor, avait trouvé un système de préfinancement. Il
permettait aux entreprises, togolaises, ayant gagné les marchés de faire
des découverts auprès des banques pour construire les infrastructures.

En retour, l’Etat se portait garant auprès
des banques en attendant le financement par les partenaires au
développement. Il y a eu tellement du désordre que le représentant
résident de la Banque mondiale Werner Keller demanda formellement à
Washington  l’interdiction de cette pratique. D’où son rappel de Lomé
sur demande d’une autorité togolaise, ce qui a d’ailleurs coûté  par la
suite son poste à Ayassor, selon des sources proches du ministère.

Mme Myriam Dossou est couverte par le Conseil de Surveillance
dont sont membres cinq ministres et du Conseil d’Administration où se
retrouvent  cinq représentants de l’Etat et trois des agents publics
(partenaires sociaux). Alors comment comprendre cette omerta sur la
gestion de l’Inam ?

Il y a presque trente ans, le journal
Forum Hebdo du 29 mars 1991, titrait en manchette « Pourquoi Eyadema
maintient-il autour de lui des menteurs, des voleurs, et des
criminels ? » Le journaliste cite nommément des barons du régime tels
que Kunalé Eklo, Nangbog Barnabo, Koffi Gbondjidè Djondo impliqués dans
des scandales financiers mais qui continuent à gravir autour d’Eyadema
en toute impunité. « M. Gbondjidè Djondo a volé 365 millions 470 mille
332 francs » mais jusqu’à ce jour, aucune réaction perceptible de la
part du chef du Gouvernement[le général Eyadema, ndrl], ni celle du
ministre nommément cité, souligne le journaliste.

La même impunité est garantie pour tous les collaborateurs du système. Alors, Mme Myriam Dossou-d’Almeida sortirait peut-être affaiblie de cette affaire, mais il faut s’attendre à ce qu’elle garde le poste.
Alors on dit quoi ? On dit que le système UNIR-RPT, c’est Ali Baba et les 40 voleurs, dit un observateur. Sauf qu’ici les voleurs sont très nombreux.

Source: letempstg.com

Source : Togoweb.net