Le régime cinquantenaire doit sa survie au silence des Togolais. Du coup, tout mouvement de contestation est mal vu et les thuriféraires sont disposés à voir le diable partout au prix de la violation de leur propre loi.
Le Togo est devenu une arène où manifester, qui demeure pourtant un droit constitutionnel, va de pair avec mort d’hommes par bastonnades ou à balles réelles, courses poursuite, disparitions, torture, violations de domicile et, au mieux des cas, incarcération. La détention arbitraire est le mieux qui peut attendre les manifestants quand ils tombent dans les mains des militaires lors des sorties publiques. Contester la gestion du pays sous la démocratie des Gnassingbé est une sinécure.
Le 13 avril dernier le Parti National Panafricain (PNP) a programmé des manifestions publiques pacifiques dans 10 villes du pays. Sur les 10 villes où il a programmé ses sorties politiques, Bafilo fait partie des 7 où le ministre Boukpessi P., éternel ministre et ancien opposant radical converti à un zèle suicidaire, a cru bon d’interdire les manifestations. La raison, les autorités disent «ne pas disposer d’assez d’effectifs pour simultanément encadrer les marches dans 10 villes ». L’un des pays les plus militarisés de la sous-région, le Togo, est donc en panne d’effectifs pour sécuriser ce qui est censé être les 1/5 du pays.
La République compte plus de 35 préfectures, donc 35 villes aux bas mots. Contre le minimum d’éthique politique, monsieur le ministre a interdit les manifestations dans 7 des 10 villes qui devaient manifester. Mais si la dictature est en panne d’effectifs pour faire la sécurité dans 10 villes, les mêmes effectifs pour faire les répressions sauvages, quant à elles, sont bien disponibles. Le chef-lieu de la préfecture d’Assoli, Bafilo, vient d’en faire d’ailleurs les frais avec la bastonnade à mort de Zehnidine Traoré, jeune marié et père de trois enfants, le dernier de son rejeton naîtra quelques jours après l’assassinat du père.
Prévue pour accueillir la manifestation, la ville de Bafilo et ses habitants se sont très tôt donné rendez-vous. La marche a donc commencé par le quartier Tchon-Woro en direction du centre-ville. Ceux qu’on peut sans risque appeler les forces du désordre depuis un temps ont alors repris du service. Bastonnades par ici, jets de gaz par las, plus loin, la chasse à l’homme. Et c’est dans cette chasse que la jeune victime, diminuée aux pieds depuis l’enfance sur le terrain du foot, est tombée dans un guet-apens. Comme l’indique une vidéo tournée peu avant sa mort, c’est par des coups de matraques qu’il a été assassiné au pied d’une clôture après une course poursuite. Les bourreaux lancés à la trousse des manifestants ont juste fait de l’exécution du jeune père de famille une petite séance d’entraînement militaire.
La première heure des manifestations de ce 13 avril 2019 a donc commencé par mort d’homme. Bafilo, ville coloniale, est restée un gros village sans pharmacie, sans centre de santé digne de ce nom, sans un bureau de représentation bancaire. Bref, en dehors de la représentation locale de l’autorité publique pour garder les populations à l’œil, rien d’une présence d’un minimum d’infrastructure pouvant permettre aux habitants de rêver d’émancipation. Du coup, malgré les fraudes électorales qui font la loi au crédit du RPT-UNIR à chaque mise en scène électorale, la population est restée inébranlable dans sa quête de liberté.
Réunie à l’appel du PNP, la marée humaine est vite dispersée par les gaz lacrymogènes et autres méthodes de répression. La population est quadrillée par les bérets rouges armés jusqu’aux dents. De coutume, à la veille de chaque manifestation, les mêmes forces habillées sont envoyées faire la ronde dans les différents villages afin de dissuader les populations de rallier le chef-lieu pour les marches. Les bérets rouges, gendarmes et policiers réunis ce matin ne peuvent pas tolérer ce rassemblement simultané. Il n’existe pas de traitements inhumains dégradants que cette population, comme celle des autres fiefs de contestations du Togo, n’a pas encore expérimentés.
Le Togo est devenue un territoire où seuls les membres de la mafia au pouvoir disposent de droits de s’exprimer, d’aller et venir, les devoirs et les traitements dégradants, c’est contre les autres. C’est au Togo que, pour étouffer les manifestations publiques, les militaires se permettent, à tout vent, de faire les rafles et les descentes punitives dans des quartiers hostiles pour saper le moral des manifestants. Comme si l’armée était en guerre contre sa propre population, ils passent de domicile en domicile pour débusquer les malheureux qui s’y cachent à coup de gaz et bastonnades. Même les malades, sur leur lit, ne bénéficient pas de clémence.
Dans cette ville de Bafilo, au plus fort de la crise, les grenades offensives ont été largement utilisées en plus des gaz lacrymogènes qui ne semblaient plus satisfaire le sadisme militaire. Les victimes traînent encore ici et là les stigmates. La chasse aux sorcières surtout dans la jeune tranche d’âge est devenue un sport favori des militaires. Dans les zones les plus ciblées, les populations ont dû s’exiler de leur domicile pour caresser le risque de la vie en brousse afin d’une hypothétique paix. De Sokodé à Bafilo pour rallier Mango, que de fois n’a-t-on pas vu des corps sans vie dans les périphéries de ces épicentres de contestations.
A chaque fois que les manifestations sont annoncées, toutes les villes contestatrices sont quadrillées de bérets rouges, le plus virulent des corps dont dispose l’armée togolaise. Les entrées et sorties dans les zones à surveiller sont filtrées. Combien sont-ils ces jeunes que les familles ne verront jamais vivants ? Combien sont-ils dont les corps en décomposition sont ramassés dans la brousse parce qu’ils sont forcés à prendre le chemin de l’exil sans que les parents ne connaissent leur destination ? Combien sont-ils à faire le choix d’une destination inconnue ? En tout cas, tous les jours, oser exprimer son ras-le-bol contre cinquante ans de règne au Togo est une traversée du désert à assumer.
Ces derniers temps, la dictature compte sur l’accalmie, malheureusement trompeuse, pour faire croire que « tout est bien pour le meilleur des mondes ». Mais au même moment, elle veut bien mettre cette accalmie à profit pour décapiter le mal à la racine, le PNP. Pour tout citoyen ordinaire, appartenir à ce parti est une provocation à l’autorité. Être un cadre de cette formation politique est un crime qui peut côtoyer la mort, la brimade, la violation de domicile, l’enlèvement suivi de torture, et au mieux une détention arbitraire aux allures d’une prise d’otage. Chaque annonce d’une manifestation publique de l’opposition suffit pour ouvrir la voix à toutes les pratiques du moyen âge.
C’est à visage découvert que l’armée togolaise opère contre de paisibles citoyens qui ont commis le crime de dire « non à 52 ans de père en fils». La formation politique qui dérange le plus est donc le PNP dont les représentants, cadres et mobilisateurs continuent d’être surveillés comme du lait sur le feu. A tout moment, ils peuvent recevoir des convocations qui les envoient en prison après quelques heures de torture ou d’interrogatoire ; c’est selon les humeurs des bourreaux au SRI, Service de Recherche et d’Investigation. A chaque fois que la survie de la dictature est menacée, la folie militaire n’est plus une exception, mais une norme. La dernière en date est l’intervention militaire qui a saccagée le domicile de Tikpi Salifou Atchadam, président du PNP.
Que s’est-il passé au domicile d’Atchadam Tikpi ?
Lui, c’est le président national du PNP, celui qui a incarnée l’initiative du 19 Août 2017, un mouvement déclencheur d’une certaine conscience collective dont les conséquences sont encore loin d’accorder des nuits tranquilles aux dirigeants. Depuis des mois, après un bref passage au Ghana, au début du récent dialogue arbitré par deux facilitateurs, il est revenu au pays mais pour se faire discret. Anthropologue-Juriste, s’il a l’avantage de connaître bien son peuple au point de savoir les mots accrocheurs qui peuvent le mobiliser, il a aussi appris à connaître la force militaire qui assure la survie de la dictature togolaise. Au cœur de la crise, alors qu’on le disait au Ghana, l’un des médiateurs, notamment le président ghanéen, ne se plaignait-il pas, dans une vidéo pendant une audience accordée à la coalition du fait que « dans certains milieux on soupçonne la présence d’Atchadam au Ghana alors qu’il ne peut même pas être présent à une telle audience »!
Inutile de rappeler que, à la recherche de l’homme du 19 août, l’un des domiciles de l’opposant togolais Massémé Kokouvi au Ghana a été vandalisé. Sur un autre registre, de folles et saugrenues rumeurs annoncent l’anthropologue en Guinée où les colporteurs lui ont même trouvé du travail de « conseiller ». Bref, pour les avoir connus pendant plus de 50 ans, ATS sait à quoi s’en tenir. Toutes les conjectures sont bonnes pour localiser le fils de Kparatao. Lors de la dernière conférence de presse du PNP à son siège, le SG résumait le tout dans une réponse au confrère de RFI qui souhaitait savoir « à quand le retour de Tikpi au pays». « Quand il sortait l’as-tu accompagné ? » a répondu Dr SAMA pour mettre fin à la polémique. Qu’il vive hors du pays ou au pays, il se sait dans le viseur. Une maison n’a-t-elle pas été attaquée au Ghana à sa recherche ? Les dernières méthodes sauvages utilisées à son domicile est la preuve vivante que sa tête est mise à prix, soit-il caché sur la lune ou le soleil.
Nous sommes donc le 13 avril dernier. Le PNP a organisé une marche nationale qui sera réprimée dans le sang et dans les arrestations aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur du pays, au prix d’un mort à Bafilo et d’un œil crevé à Sokodé. Depuis belle lurette, Atchadam s’est retirer du circuit, mais son domicile sis à Kégué, dans les environs du quartier Kpatcha, est surveillé par une équipe de sécurité privée avec des jeunes volontaires qui se relaient. Bien avant qu’il ne se fasse discret, une maison mitoyenne à son domicile a été louée et des militaires armées jusqu’aux dents y ont élu domicile pour surveiller ses mouvements. A cela s’ajoute le fait que, dans le voisinage, des espions sont payés pour signaler les entrées et sorties.
Pendant la marche de ce 13 avril à Lomé, un de ces jeunes volontaires membres de la sécurité est blesé au pied et transporté à l’hôpital par ses collègues et autres partisans. Le malade est ramené avec ses collègues au domicile à bord d’une voiture de luxe BMW rouge appartenant à un proche de Tikpi. Quand les espions ont aperçu la voiture descendre les jeunes, ils ont lancé l’alerte, « Atchadam est chez lui ». En lieu et place des jeunes agents de sécurité, ils ne voyaient que Tikpi Atchadam partout. Deux jeeps militaires lourdement armées ont alors pris la direction du domicile à vive allure. L’un venant du côté nord, quartier Koffi Panu, l’autre du côté sud, stade de Kégue. Elles se sont croisées devant la maison de celui dont la tête a été mise à prix depuis des mois.
Armes chargées, ils immobilisent et tiennent au respect tous ceux qui étaient présents. A la recherche des clés pour ouvrir le portail, deux d’entre les jeunes trouvés sur place seront molestés. N’ayant pu trouver la clé, les militaires sont passés à ce qu’ils savent faire le mieux depuis le 19 Août, défoncer les portes. Ils finissent par escalader la clôture pour ouvrir le portail de l’intérieur. Dans une opération commando, ils coupent les caméras de surveillance, entre jet de gaz lacrymogène et autres formes de violence, ils éloignent toute curiosité et défoncent l’entrée en bois vitrée du couloir. Toutes les vitres cèdent tout comme les cadenas des différentes portes. Les entrées des couloirs, du salon, les chambres à coucher, de la cuisine, les WC-Douche, aucune barrière n’a résisté à la furie des corps habillés.
Le domicile est passé au peigne fin. Au fur à mesure de l’opération, les exécutants reviennent recevoir des instructions d’un haut gradé qui n’est pas descendu de sa voiture. La moisson est maigre, les visiteurs lèvent l’ancre en retirant tous les téléphones portables auprès des curieux et surtout de ceux qui s’y trouvaient en poste de sécurité. Comme pour marquer leur territoire, ils prennent en otage 3 membres de la sécurité. Après recherches, les trois personnes enlevées dont une était dans un état méconnaissable seront retrouvées au SRI. De là, elles seront envoyées à la prison civile de Lomé où elles sont présentement détenues avec 26 jeunes arrêtés dans la toute dernière manifestation.
Liste des manifestants arrêtés à Lomé le 13 avril 2019 et déférés le 14 avril à la prison civile de Lomé :
Ouro-Koura Salissou,
Karim Safianou,
TAKPARA Gouni Mohamed,
DERMAN Antarou,
HOUDOU Abdel Aziz,
DJIDEAL Abdoum Bassitou,
ABOUBAKAR Biagui,
OURO-KOURA Sabtiou,
AKARAWATOU Aminou,
KARAGA Ninikerengue,
AYEVA Abibou,
AFFOH Nazifou, B
OHDE Abdoul Manaf,
MODJOKOBOU Salissou, A
BODJI Foussini,
MASSASSABA Missikilou,
AGBEMADO Komlan,
TRAORE Aïda.
Trois membres de la securités enlevés :
ALI Sadikou,
KPAMKPAMA Ilyassou,
MOUMOUNI Ganiou.
Huit des 26 arrêtées sont libérées notamment :
GUEGBERO Abdoul Bassitou,
Moussa Aliou,
AROUNA Sadikou,
AMOU Mawouli,
GNANOU Abraham,
KEZIRE Marzouk,
SAROU Hamza. et
ADAM Sahabi.
Ajouté aux anciens otages, actuellement tous les détenus du PNP sont au nombre de 40 entre la prison civile de Lomé et le SRI.
Ils sont nombreux ces jeunes qui ont quitté le pays ou qui y vivent en cachette par crainte d’être enlevés. Actuellement, de sources renseignées, au moins une liste de 20 personnes est signalée aux frontières terrestres et aériennes pour que les agents de sécurité suivent leurs mouvements ou les arrêtent sans oublier les nombreux ‘’wanted’’ de la diaspora.
Que ce soit à Sokodé, Bafilo, Mango ou Lomé, les familles mettront du temps à savoir les positions de certains des leurs qui ont commis le crime de se faire connaître comme mobilisateurs ou simples activistes derrière l’idéologie politique du PNP. Soit parce qu’ils sont arrêtés suite à une manifestation ou parce qu’ils sont obligés de se faire discrets. Le vieux dont parle tantôt un témoignage, les jeunes AHMED Moutakilou, KONDOW N’BOH, Ali Maman Tchapo, KOURA DONDJA, ADAMOU Abdel Aziz sont autant d’illustrations et seule l’histoire saura évaluer les dégâts. Ils sont nombreux dont on n’a pas de nouvelles ; maltraités à mort, obligés de vivre cachés, hors des frontières pour se sauver ? Le temps seul saura répondre.
Après avoir tenté toutes les alchimies pour interdire d’existence le PNP, la dictature a décidé de décapiter les responsables du parti. Trois responsables, Kezire Azizou, Gueffé Nouridine, Ouro-Djikpa, sont détenus. Ouro-Djikpa quand à lui reste encore au SRI.
Ces derniers ont reçu des convocations du SRI et après un interrogatoire marathon, ils sont, ou déposés à la maison d’arrêt de Lomé le temps qu’un chef d’accusation leur soit trouvé ou encore gardés au SRI. On se demande quel chef d’accusation sera trouvé pour des citoyens qui sont arrêtés à domicile après que ce domicile qu’ils gardent soit vandalisé sans aucune raison valable.
Violation massive des droits humains au Togo, l’exception qui sied aux Chancelleries
Par rapport à la violation des droits de l’homme, le Togo est et reste une exception en Afrique. Allant des actes de tortures aux dernières chasses à l’homme en pleine rue de Lomé par un officier de l’armée aux morts à répétions à chaque manifestation pour revenir aux enlèvements de citoyens à leur domicile ou le vandalisme sur le domicile du président national du PNP, de scandaleux exemples crèvent les yeux, mais les représentants des grandes démocraties chez nous semblent s’y accommoder.
La dernière trouvaille en date est le vandalisme du domicile du président du PNP Tikpi salifou Atchadam. Voilà un Monsieur qui a créé régulièrement un parti politique après les formalités requises. Le parti ose faire la différence et rencontre l’adhésion du peuple puis redonne l’espoir d’un changement réel à tout le pays. Le pouvoir qui dormait tranquille pour avoir, au prix de ce qu’il sait faire le mieux, canalisé ses adversaires politiques dans un canevas tracé, se trouve menacé et met la tête de Tikpi à prix. Nous vous avions annoncé que sur financement d’une dame, il existait une officine où tout loubard qui se sentait capable de mettre la main sur le président du PNP passait prendre les sous et les armes afin de le ramener mort ou vif.
Au temps fort de la lutte pour la démocratie avec Eyadema, le domicile de Me Agboyibo du CAR, de Zarifou Ayeva du PDR, pour ne citer que ces deux exemples, ont été vandalisés. Bien que la dictature à l’époque fût gérée de main de maître par un monsieur qu’on disait analphabète, Eyadema Gnassingbé, les criminels qui inquiétaient les citoyens dans leurs domiciles portaient les gangs. Tout prenait donc l’allure des enlèvements anonymes et plastifications de domiciles qui explosaient après que les barbouzes aient disparu. C’est alors par un plasticage que les maisons vandalisées à l’époque ont soufflé. L’opinion savait qu’une certaine brigade rouge dirigée au gré des besoins par les tristement célèbres Djouwa Yoma, Ernest Gnassingbé ou autres du même acabit étaient derrière ces crimes. Mais par élégance politiques, mêmes les exactions commandées par « le vieux » n’étaient pas revendiqués. Ils opéraient derrière la cagoule, des bourreaux rompus à la tâche, avec des engins roulant sans immatriculation ou banalisés d’immatriculations étrangères sont au charbon.
L’autorité supérieure faisait au moins semblant de ne pas être au courant de certaines bévues. Mais pour les crimes les plus flagrants Eyadema est obligé d’agir. Ce fut le cas de l’assassinat d’un homme d’affaire Ivoiro-Togolais dont la voiture arrêtée à la frontière Ghana-Côte d’Ivoire a permis de remonter à la filière du crime et mettre la main sur Djouwa qui ne s’en remettra plus jamais. De nos jours, le fils d’Eyadema l’analphabète dictateur d’Hier, gère le pays.
On nous dit que contrairement à son géniteur, il est de la nouvelle génération des hommes d’Etat « civilisés », ceux qui sont allés à l’école du blanc, qui connaissent les « bonnes manières ». Sauf que, avec Faure Kodjo Gnassingbé Essozimna, comme relaté plus haut, le domicile d’un homme politique dérangeant à qui on n’a pourtant rien à reprocher, peut être vandalisé par les militaires à visage découvert quand ils sentent le besoin. L’armée peut se payer le luxe de briser le toit en tuile d’une maison pour accéder à un citoyen qu’on soupçonne de mettre ses engins roulants au service d’un parti politique. Ce fut le cas de ce transporteur connu sous le nom de « Nous vaincrons » le 28 novembre 2019. Accédant à lui par la toiture, il a été enlevé manu militari par des méthodes les plus abjectes. Maltraité et gardé au secret, il sera libéré non sans avoir passé par la case prison.
La torture, un outil de travail au SRI
Les rafles avant les manifestations et les arrestations ciblées pendant celles-ci sont monnaie courantes avec Faure Gnassingbé. On constate souvent les arrestations, mais ce qui se passe avec les victimes reste un black-out total.
Nous avons pu réunir quelques informations sur un petit volet de ce qui se passe avec les citoyens arrêtés et souvent déposer au SRI comme passage obligé avant déferrement.
Témoignage 1
Souvent, c’est manu militari qu’elles sont arrêtées. Arrivées au SRI, les victimes, soient-elles des citoyens réveillés de leur sommeil après violation de leur domicile ou arrêtés lors des répressions, sont vraiment battus dans la plus part des cas. Les corps des victimes que nous avions pu rencontrer portent souvent les preuves des bastonnades. Pour les 26 arrêtés lors de la dernière manifestation du PNP, jusqu’ici certains n’arrivent pas à faire usage de leurs fesses. Pour ce dernier échantillon, après les bastonnades, les agents du SRI les ont mis en cercle et un gaz lacrymogène est activé devant. Le gaz ainsi activé dégageait sa fumée et il leur était interdit de fermer les yeux. Et « obligation nous est faite de garder les yeux ouverts. Pendant ce temps, les agents armés se tenaient à distance pour nous surveiller avec l’injonction que celui qui aurait fermé ses yeux recevra une balle.
Après ce premier gaz, un second gaz a encore été activé dans les mêmes conditions ». L’autre information recoupée auprès de plusieurs sources révèle que parmi les militants torturés un vieux n’a pas pu tenir longtemps, il a perdu connaissance. « Les tortionnaires l’ont alors conduit à l’hôpital. Mais quand il est ramené, le vieux ne supportant pas la suite des opérations s’est encore évanouit ». Cette fois, eux-mêmes tentent de le réanimer. Dans le processus de réanimation, ils l’ont déshabillé. Mais « ils découvrent que le vieux portait comme sous-vêtement la tenue rouge-PNP. Ils ont piqué une colère et se sont alors mis à le frapper de nouveaux et il tomba les yeux blancs ». Les bourreaux se sont débarrassés de ce vieux. Et jusqu’à ce que le reste des victimes de la torture ne soit déférer du SRI à la prison civile, « personne n’a plus vu trace de ce dernier ». Est-il vivant, l’ont-ils achevé, l’ont-ils gardé avec eux pour en faire un jouet qui satisfait le sadisme de ceux parmi eux qui disent à leurs victimes qu’eux ils ne savent que faire du mal ? La seule certitude, ce vieux qui n’est pas rentré chez lui, n’a pas été déféré à la prison avec les 26 autres victimes de la torture.
Témoignage 2
Dans le cadre de la dernière manifestation de rue organisée par le PNP, le 12 Avril déjà ont commencé les arrestations qui se poursuivront le 13, jour de la manifestation. Les personnes arrêtées, sinon la plupart d’entre elles sont envoyées vers le SRI. Pour qui connait l’armée togolaise et ses pratiques, les témoignages accablants ne surprennent pas. Les premiers jours des arrestations, le SRI est devenu une maison de transit pour les besoins de torture afin d’extirper d’éventuels aveux aux victimes. Les matins, ils se réveillent avec les bastonnades. « On me menotte, les autres qui viennent d’être amenés sont aussi menottés. On m’isole et on me met à plats. L’un me frappe sur les fesses l’autre dans les plantes des pieds. On me met la chemise dans la bouche pour que mes cris ne sortent pas. On me frappe pour que je révèle les marabouts qui nous préparent spirituellement pour la lutte. On veut savoir quelle diaspora nous finance. Ils ont puisé un sceau d’eau, on m’amène et on y plonge ma tête pour m’essouffler. Pour me forcer à dire ce que eux ils veulent entendre. Pendant ce temps, mes plantes de pieds sont insensibles, je ne peux pas marcher. Je tombe et ils me frappent au ventre, ils me trimbalent en tenant mes pieds comme un animal pour me ramener dans le bureau. Tous les renseignements sur les relations avec les membres de la diaspora sont utiles pour eux. Ensuite je suis démenotté. Je rampe pour rentrer dans la douche afin de me laver. Certains nous disent carrément pendant les séances de torture qu’ils ne savent pas faire du bien si ce n’est du mal ».
Le chef d’Etat-major des FAT et sa sortie
Du haut de ses galons, sous Faure Gnassingbé, un officier peut, avec son arme automatique, se permettre une chasse à l’homme en pleine rue quand le pouvoir se sent menacé de manifestations pacifiques. C’est ce qui fut constaté à Agoe-zongo le 12 décembre 2018.
Mais le mis en cause récuse l’accusation, sauf que la gestion des évènements suivi de montages qui tombent aux premières démonstrations, disent tout. L’une des victimes, la plus jeune, apprenti mécanicien, était sur les lieux de travail. Voilà une manifestation qui fait deux morts par balles réelles. Et chaque manifestation, faut-il le noter, pour peu qu’elle soit suivie de bousculades, connait désormais un ou deux morts. In fine, les morts d’homme deviennent tellement banales qu’on se demande si de quelque part des consignes ne sont pas données de façon à ce que quelqu’un se charge, à chaque manifestation, de descendre une ou deux personnes afin de décourager les plus audacieux.
Pendant que le plus haut responsable de la sécurité nationale tente vaille que vaille de camoufler les bavures des autres, par ses sempiternels montages après cette sortie qu’on attribue au CEMG, sur le lieu du crime, la gestion des corps reste un souci. Comme s’il y avait une intention, à peine voilée, de faire disparaître les deux corps, les militaires qui les ont pris du lieu du crime ont fait d’abord savoir qu’ils seront déposés à la morgue de Tokoin. La famille s’y retrouve donc, mais en réalité c’est à la morgue de l’hôpital chinois que les corps sont cachés. Le même jour, et de nuit, le camouflage continue, les deux corps devenus encombrants sont transférés à la morgue de Tsévie pour des détails sur lesquels on ne veut pas trainer.
Ensuite, le lendemain il sera demandé aux familles de venir les récupérer à Tsévié et de procéder immédiatement à l’enterrement sur place. Aucune famille ne peut accepter cela, elles ont alors refusés. Les deux victimes vivent à Lomé, elles sont musulmanes et l’un des souhaits de tout musulman est de mourir là où il est connu afin qu’un grand nombre de co-religieux accompagnent son cortège. Mais, au même moment qu’ils nient la responsabilité de la mort des deux jeunes, les bourreaux demandent aux familles de venir à Tsévié pour y procéder à l’enterrement des gens qui ne sont connus qu’à Lomé.
La gestion des deux corps est devenue un souci pour ceux-là même qui nient la responsabilité de leur mort, n’est-ce pas paradoxale? Quand les gens mouraient avant ces deux victimes, c’est l’armée togolaise qui organisait les enterrements? La loi Bodjona version Boukpessi dispose-t-elle des alinéas qui donnent autorité aux forces de l’ordre qui ont encadré une marche de choisir le lieu d’inhumation des possibles victimes ?
Pendant qu’un bras de fer s’est ainsi engagé avec les familles des victimes, Amnesty international est rentrée en jeux. Cette institution internationale de défense des droits de l’homme reste une des rares crédibles en Afrique et dans le monde. Elle n’est plus à présenter dans la défense des causes des togolais à chaque fois que ceux-ci sont en difficulté avec les bourreaux. Comme elle l’a déjà fait suite à l’assassinat d’un jeune mineur à Bè, l’institution internationale pose des conditions avant l’inhumation des deux corps. Depuis, les deux morts ne sont pas enterrés, l’Etat-major fait le pied de grue en continuant de nier la responsabilité.
Loin de faire amande honorable, le crime militaire continue. Le dernier en date est la mort de Traoré ZEHIDINE de Bafilo. Tikpi Atchadam lui est toujours recherché comme un gibier. Pour un monsieur qui n’a commis aucun crime, s’il avait été retrouvé à son domicile, comme Amorin ou Djobo Boukari, ce n’était pas pour l’envoyer en prison, c’était pour lui infliger la sentence suprême. Au regard de toute cette panoplie de violations, le régime-bourreau surprend. Mais pas autant que les chancelleries sur place au Togo. La France, les USA, l’Allemagne, l’UE et autres se sont-elles accommodées aux violations massives des droits de l’homme lorsqu’elles sont togolaises ? Pourquoi aucune chancellerie ne pose le débat sur la sécurité de Tikpi Atchadam ?
Abi-Alfa
Source : Le Rendez-Vous No.338 du 02 mai 2019
Source : www.icilome.com