Assassinat d’enfants au Togo : Un collectif des familles des victimes pour exiger vérité et justice

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« Le rêve de les voir grandir est définitivement brisé », pleurent les parents

Entre 2017 et 2019, plusieurs manifestations populaires ont été organisées à travers le pays par des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile. Le but, obtenir des réformes constitutionnelles en vue de l’encrage de la démocratie dans le pays. Refusant toutes actions allant à l’encontre de ses intérêts, le régime en place a déversé les forces de sécurité dans les rues. Elles ont fait un usage excessif de la force et entrainé la mort d’au moins 15 personnes dont des enfants. Pour obtenir justice, un Collectif des familles des victimes a été mis en place. Son crédo : Action Solidarité Citoyenne Vérité et Justice pour les victimes.

Des parents des enfants assassinés lors des manifestations ayant secoué le Togo à partir d’août 2017 ont organisé, hier, une conférence de presse consacrant le lancement du Collectif des familles des victimes. Devant la presse, les parents de Rachad AGRIGNA, Joseph Kokou ZOUMEKEY, ldrissou MOUFIDOU et Ino Tchakondo NAWA ont rappelé le drame qu’ils ont vécu. « Nous sommes des mères, des pères, des sœurs, des frères, des parents d’enfants morts de mort violente. Nos enfants ont été arrachés à notre affection non par accident, mais suite à un acte délibéré lors de manifestations publiques pacifiques auxquelles nos enfants ne participaient pas », ont-ils déclaré.

La douleur née du drame de perdre son enfant a été amplifiée par la tournure prise par les événements. En effet, ces concitoyens de conditions modestes soulignent avoir, dès le début cru en la capacité de la justice togolaise à dire le droit et à identifier les coupables pour qu’ils soient punis selon les lois en vigueur. « Nous avons déposé des plaintes à Bafilo et à Lomé. A ce jour, nous n’avons pas constaté des évolutions devant ces tribunaux. Nous avons attendu, depuis 2 ans pour les uns, 3 ans voire plus pour les autres, vainement que justice soit rendue pour que nous puissions faire nos deuils », déplore le collectif.

Malheureusement, toutes les démarches faites individuellement ont été vaines. Les proches de victimes ont alors compris qu’aucune famille ne peut à elle seule mener ce combat qui nécessite beaucoup d’énergies et aussi des ressources dont ils ne disposent pas, prise individuellement. « Réfléchissant aux voies et moyens pour obtenir des réponses à nos préoccupations, notamment la vérité et la justice, nous sommes parvenus à l’idée de mutualiser nos forces », indiquent les parents des enfants assassinés.

Il s’agit, selon les proches des victimes, d’initier un cadre informel pour mutualiser les énergies, les ressources et utiliser au mieux les mécanismes légaux à leur portée pour faire la lumière sur la mort de leurs enfants et proches. Pour avoir plus d’impact, le collectif, loin d’être exclusif, invite d’autres familles qui vivent la même injustice et qui ont besoin d’engager une procédure légale ou qui veulent contribuer à faire cesser l’impunité à rejoindre le mouvement. « Nous croyons en la capacité de chaque citoyen pour faire briser le silence et lutter contre l’impunité. Malgré la volonté des organisations de défense et de promotion des droits humains, nous avons le devoir de nous soutenir et contribuer à bannir la haine et demander justice », insiste le collectif.

Durant la rencontre, les parents ont témoigné la douleur encore vive dans leur cœur, leurs vies ayant été impactées par le lâche assassinat des enfants. A les en croire, voir des enfants jouer sans les leurs, voir des élèves rentrer de l’école sans les leurs, tomber sur une photo ou un habit de son enfant assassiné lorsqu’on arrange les affaires à la maison, c’est très pénible, difficile et plus fort à supporter. « Nous avons du mal à accepter que nos enfants ne reviendront plus jamais. C’est un calvaire que nous traversons et vivons au quotidien et durant toutes ces années et certainement pour toute la vie », décrivent-ils. « Le rêve que nous avions lorsque nous les regardions grandir est définitivement brisé. Il nous est impossible de faire le deuil sans connaître la vérité et la justice. Nous ne nous connaissions pas, mais nous partageons la même douleur née de la même histoire tragique, celle de l’assassinat de nos enfants. Ceci constitue une torture morale et psychologique pour nous », poursuivent-ils.

Pour le collectif, il est temps que les meurtriers de leurs enfants soient connus, traduits en justice et que les différentes familles victimes de cette situation fassent leur deuil. Au-delà, le collectif entend lutter pour que ces tueries et assassinats nourris d’impunité cessent. « Nous l’exigeons en mémoire de nos enfants, et nous nous battrons pour que surtout, il n’y ait plus jamais ça sur la terre de nos aïeux », martèlent les parents des victimes.

Pour se faire entendre, le collectif des familles des victimes lance un appel au gouvernement à travers le ministère de la Justice, afin que tout soit mis en œuvre pour l’avènement de la vérité, la justice et surtout la garantie de non répétition. Il lance aussi un appel à toutes les familles qui sont à la recherche de la vérité et la justice pour leurs enfants, à rejoindre le collectif « pour qu’ensemble nous menions le combat et parvenions à obtenir la vérité sur les circonstances de la mort de nos enfants, les causes de leur décès, les auteurs et les commanditaires de cet acte ignoble qui nous endeuille tous et change nos vies à jamais ».

« Nous avons le droit de connaître la vérité et les auteurs de l’assassinat de chacun de nos enfants. Nous avons le droit que ceux-ci soient traduits devant la justice pour répondre de leurs actes. Ce ne sera que justice pour nos enfants, Rachad AGRIGNA, Joseph Kokou ZOUMEKEY, ldrissou MOUFIDOU, Ino Tchakondo NAWA et bien d’autres », insistent les parents. « Le temps passe, mais la mémoire reste », assurent-ils.

Vivement que ces cris atteignent le cœur des autorités de ce pays qui doivent comprendre qu’on ne peut pas prôner l’impunité pour tous les crimes. A la règle de l’impunité, le gouvernement doit ajouter l’exception des crimes sur les enfants.

G.A.

Liberté N°3335 du Jeudi 25 Février 2021

Source : 27Avril.com