Depuis quelques jours, s’opposant à une convocation qu’il estime « risquée », Agbéyomé Kodjo est introuvable. La justice togolaise a émis dans la foulée un mandat d’arrêt contre le « président élu », déplaçant sur le terrain pénal une affaire purement politique, notamment le contentieux électoral consécutif à l’inversion des suffrages entre le « président légal » et le président qui se dit « légitime ».
Depuis le scrutin, des émissaires du gouvernement se sont succédés auprès de Agbéyomé Kodjo qui, aux uns comme aux autres, a opposé soit une fin de non-recevoir ou demander à en discuter avec la Dynamique qui le porte. Il n’a pas non plus daigné à mettre fin au combat en contrepartie de la « fin des poursuites« , ce qu’il considère comme un mépris pour les électeurs et les électrices que pour sa personne.
Depuis, usant des institutions de l’Etat et de la justice à sa solde, Faure Gnassingbé entend régler par le pénal un contentieux plutôt politique. Plusieurs convocations puis une intrusion sanglante au domicile de son ex challenger, suivie d’une déportation dans les locaux de la gendarmerie et de l’embastillement d’une vingtaine de personne qui croupissent encore dans les geôles de Faure Gnassingbé.
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L’adresse à l’armée, la remise au candidat Kodjo d’un drapeau togolais par Mgr Kpodzro, tout cela a irrité Faure Gnassingbé qui, ne voulant pas reconnaître sa défaite, ouvre la voie à une persécution sans fin. Au lieu de répondre à la dernière convocation qui aurait pu lui être fatale, Kodjo a préféré se mettre à l’abri en un endroit discret sur le territoire national pour poursuivre son combat pour l’alternance.
Agbéyomé se défend depuis son « maquis »
Sa fameuse adresse à l’armée ? « Le corps des services des armées est une composante de l’électorat et aucune loi, n’interdit à un prétendant à la fonction de président de la république de s’abstenir de d’adresser à eux« , justifie-t-il. Il lui est aussi reproché la nomination d’un Premier ministre et d’un ministre des Affaires étrangères, tous de la diaspora.
Enfin la remise des couleurs nationales à l’issue d’une « messe d’action de grâce pour un succès électoral ne peut constituer un acte criminel » selon l’homme de Tokpli (sud). « Tenir ces éléments comme constitutifs d’affaire pénale relève de l’absurdité, un profond mépris du suffrage universel » argue Agbéyomé Kodjo contre qui un mandat d’arrêt international a été lancé alors que sa levée d’immunité parlementaire avait déjà scandalisé les spécialistes de droits. La cour de justice de la Cedeao qui a demandé la suspension de la procédure en attendant qu’elle ne rende sa décision n’a pas pu faire changer d’avis à la justice nationale, à la solde du pouvoir.
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« Aucun Parti politique au Togo n’a reconnu la victoire du président sortant » ironise Agbéyomé Kodjo dont la victoire a été, dans la foulée, saluée par le Parti national panafricain (Pnp) de Tikpi Atchadam, et par les forces du consensus démocratique à travers un communiqué publié le 23 Février 2020. D’ailleurs, l’exigence de Washington d’un décompte bureau de vote par bureau de vote n’a pas fait changer d’avis à la commission électorale, taxée, elle aussi, à raison d’être à la solde du pouvoir. Après des casses à son domicile le 21 avril, l’interrogatoire musclé subi par des membres de sa Dynamique au SRI (Service interne de la gendarmerie, célèbre pour ses tortures) le contentieux plutôt politique qui est amené de force sur le terrain pénal. L’ancien Premier ministre n’avait plus le choix que de se mettre à l’abri.
Des mises en garde anonymes
Quelques jours avant l’arrivée de la convocation, pour sa rencontre avec le Doyen des Juges d’instruction, plusieurs sources dont certaines sont anonymes ont prévenu Agbéyomé Kodjo de ce que le doyen des juges d’instruction devrait l’écouter dans les prochaines semaines. Une rencontre qui pourrait, s’il s’y rend, signer son arrêt de mort d’autant qu’un plan ourdi vise à l’éliminer physiquement.
Aussi bien de l’armée que de la gendarmerie mais aussi de cadres de la majorité présidentielle, des alertes se sont multipliées ces dernières semaines, ce qui a obligé celui réclame encore sa victoire pour la présidentielle du 22 février 2020 à réduire ses déplacements et à se cantonner à son domicile. Des parlementaires de l’Union pour la République (Unir) parti de Faure Gnassingbé et des opposants l’ont aussi mis en garde. Agbéyomé Kodjo affirme aussi avoir reçu un « appel à la prudence » d’une ambassade occidentale à Lomé.
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« Pour ne pas prendre de risque, j’ai préféré ne pas me présenter » a insisté le candidat à la présidentielle à qui, la Cour constitutionnelle acquise au régime n’a attribué qu’un peu plus de 19%. Entre temps, Marc Mondji, assistant personnel de l’archevêque émérite de Lomé a reçu, lui seul deux convocations alors qu’il serait, avec l’ancien Premier ministre, les deux principaux acteurs recherchés par le pouvoir. Il craint aussi, depuis pour sa vie et a réussi à rejoindre une capitale voisine. Mais n’eut été les mises en garde de l’armée qui deviennent insistantes, Kodjo aurait « pris le risque de répondre à la convocation du juge » confie-t-il, depuis sa cachette.
Bruits de fond de la grande muette
Tout est parti, pendant la campagne électorale, d’une adresse à l’armée faite par Agbéyomé Kodjo. Le président de la Commission défense et sécurité du parlement, à qui sont attribués de nombreux contacts dans l’armée y a répondu aux principales préoccupations des forces de défense. Il les a appelé à rester du côté du peuple et surtout, à se maintenir dans le canevas républicain. En se présentant comme « le futur chef de l’armée« , Kodjo a promis accorder aux forces de l’ordre la place qu’elle mérite tout en prenant en compte la mise à jour de leurs statuts et promis de répondre à leurs revendications catégorielle une fois élu. Un discours qui a irrité le chef de l’Etat sortant.
D’habitude réservé et taciturne, Faure Gnassingbé a réagi dès l’ouverture de la campagne à Niamtougou, s’arrogeant seul, le droit de s’adresser aux forces armées. Depuis, la situation était tendue entre les deux hommes. Puis vient une fore de purge dans l’armée togolaise où des officiers ont été à tort ou à raison, identifiés comme proches de l’ancien Premier ministre. L’un d’entre eux, le Colonel Amblesso Kokou N’Soua qui n’a de tort que d’être originaire de la même région, a été publiquement arrêté avant d’être libéré, quatre mois plus tard. Beaucoup ont subi des affectations punitives. Le lendemain de la prestation de serment de Faure Gnassingbé, le Colonel Madjoulba, patron de la Brigade d’intervention rapide (Bir) a été assassiné dans son bureau, juste après avoir pris part à une festivité organisée à l’occasion.
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La Commission d’enquête présidée par Yark Damehane a rendu un rapport insatisfaisant. Sous la pression de Paris, Faure Gnassingbé a finalement accepté des analyses balistiques en France. Elles concernent 75 pistolets automatiques déjà arrivés sur le sol français. Des bruits de couloir ont fait cas de ce que l’officier n’a pas voulu exécuter un plan d’élimination physique de l’ancien Président de l’assemblée. Depuis, des sources bien informées, au sein de l’armée mettent en garde Agbéyomé Kodjo. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui justifient son refus de se présenter devant le juge et de devoir se terrer dans le maquis.
Issue politique et non pénale
Il est notamment reproché à Agbéyomé Kodjo d’avoir proclamé sa victoire et d’avoir notamment nommé un Premier ministre ainsi qu’un ministre des affaires étrangères. Une accusation totalement incompréhensible d’autant que Faure Gnassingbé a crié sur tous les toits, bien avant le scrutin qu’il le remporterait. Aussi bien à Jeune Afrique qu’à l’Agence française de presse (Afp), le président sortant a juré ne pas pouvoir perdre ladite élection. Aucune justice ne l’a inquiété pour ces faits d’autant que le parquet dépend de lui, à travers son garde des sceaux.
Que ce soit la Conférence épiscopale du Togo ou la plupart des ambassades notamment le G5 regroupant la France, les Etats-Unis, l’Allemagne, les Nations Unies ou encore l’Union européenne, ils exigent un règlement à l’amiable par un voie purement politique. Ils estiment qu’il ne sera pas raisonnable de balancer sur le terrain pénal un contentieux politique.
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« L’issue est politique » insiste Brigitte Adjamagbo, porte-parole du candidat qui estime qu’en préférant la voie pénale, Faure Gnassingbé « aggrave la situation« . Depuis peu, le G5 (regroupant des ambassadeurs occidentaux et les Nations Unies) s’y est mêlée et dans les prochaines semaines, Kodjo devrait, dans le cadre d’un règlement autre que judiciaire, retrouver son domicile.
S’il a aussi bien l’expérience de l’exil que celle de la prison, le « président élu » ne voit pas d’issue qu’un « retour rapide » et comme il le clame du haut de son maquis temporaire, « une alternance inévitable« . Pour le moment, le gouvernement togolais évite tout commentaire sur le sujet.
Togomedia24
Source : Togoweb.net