Arrestation du Gal Kadanga: Règlements de comptes par Faure Gnassingbé pour le pouvoir, ou Opération mains-propres avant de partir?

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«L’ignorance et la bêtise du peuple font la force du dictateur» (Jdan Noritiov) philosophe russe.

«La révolution dévore ses enfants» (Antoine Boulant.)

Seulement ici, nous ne sommes pas en révolution. Nous sommes bien au Togo, un pays subissant une dictature familiale de père en fils depuis 60 ans. Oui, pour paraphraser notre petit dicton du début du texte, nous pourrions dire, parlant de ce qui se passe au Togo, que la dictature dévore ses enfants. Depuis plus d’un demi-siècle les organisations nationales comme internationales de défense des droits de l’homme auront eu du grain à moudre concernant notre pays. Le Togo y aura été un client régulier à cause des nombreux crimes de sang qui jalonnent, hélas, le règne des Gnassingbé. Et les auteurs bien connus de ces crimes ont toujours joui d’une totale impunité, jusqu’à ce que certains d’entre eux finissent, pour une raison ou pour une autre, par tomber en disgrâce auprès du dictateur qu’il croyait servir, pour être écartés avec tout le cortège d’humiliations qui s’ensuit.

Et quand justement le dictateur, lui-même loin d’être «Monsieur Propre», finit, sur un coup de tête, par mettre la main sur celui ou ceux qui faisaient du zèle, pour faire perdurer la dictature, comme c’est le cas aujourd’hui, avec la mise au cachot de Abalo Félix Kadanga, beaucoup de questions, souvent contradictoires, se posent: à qui profite l’arrestation de l’officier controversé? Fait-elle partie des règlements de compte entre membres du sérail dont les dictateurs dans les républiques bananières ont le secret pour renouveler leur entourage et se donner un semblant de virginité? Qui ne sait pas que le général déchu traîne des casseroles nauséabondes qui risquent d’être imputées au régime qu’il a servi avec un zèle exagéré? Est-ce pour cette raison que Faure Gnassingbé l’a tout d’abord démis de ses fonctions début décembre 2020, l’éloignant ainsi du premier cercle présidentiel, avant de le faire neutraliser le 13 janvier 2023? Certes, l’assassinat du lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, retrouvé mort, baignant dans son sang dans son bureau au camp, le 4 mai 2020, est là pour alimenter les spéculations. Mais depuis quand Faure Gnassingbé et son régime, depuis son père, s’intéressent-ils à la fin de l’impunité et à une quelconque manifestation de la vérité pour faire la lumière sur les nombreux crimes de sang commis contre des citoyens togolais, civils comme militaires?

Cependant, il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit-on. Pouvons-nous rêver, même si nous n’y croyons pas trop, que le président de fait du Togo ait enfin décidé de faire le ménage autour de lui, en humanisant un tant soit peu la chose politique et militaire pour se donner une relative bonne image et préparer sa sortie par une porte moins petite? Couvert de glorioles après sa supposée médiation au Mali qui aurait permis la libération de soldats ivoiriens, Faure Gnassingbé est-il entrain, avec l’arrestation de Kadanga, de changer de cap pour se tailler un costume d’humaniste, qu’il ne mérite pas encore, pour que demain le jugement de l’histoire lui reconnaisse des circonstances atténuantes? Si c’est vraiment ça le plan, ce qui serait à l’honneur du chef de l’état togolais, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Et nous ne parlerons jamais assez des nombreux chantiers qui attendent et qui constituent de gros obstacles sur la voie d’une vraie réconciliation du Togo avec lui-même. La libération rapide et sans conditions de tous les prisonniers politiques dont en premier Kpatcha Gnassingbé, la création de conditions pour un retour de tous les exilés politiques sans exception, des assises nationales pour laver le linge sale togolais en famille pour repartir sur de nouvelles bases. Mais s’il s’agit uniquement pour Faure Gnassingbé, par cette mise à l’écart de l’officer supérieur qui n’est pas n’importe qui, de montrer ses muscles et faire savoir qu’il est et reste le seul maître à bord, nous ne serons pas sortis de l’ornière. Ceci ressemblerait alors à faire du vide autour de lui, faisant semblant de nettoyer les écuries, alors que l’intention réelle ne serait autre que trouver d’autres hommes de mains plus dociles pour continuer son règne sur le Togo vaille que vaille.

Certains médias privés togolais croient savoir que des tribunaux militaires seraient en gestation pour juger le général Abalo Félix Kadanga pour les faits qui lui seraient reprochés. Mais dans un pays comme le nôtre, dirigé dans l’opacité totale, comment savoir ce qui lui est au juste reproché? La justice au Togo étant instrumentalisée, saura-t-on un jour, comme dans le cas de beaucoup d’officiers et personnalités civiles tombés en disgrâce dans le passé, pourquoi a-t-on décidé d’arrêter celui qui était chef d’état-major il n’y a pas longtemps? Sera-t-il jugé un jour? Et si d’aventure on le présentait un jour devant les tribunaux, la justice, même militaire, aura-t-elle les mains libres pour dire le droit? Ou le pouvoir politique autour de Faure Gnassingbé facilitera-t-il la tâche aux magistrats militaires en leur servant un verdict préparé d’avance, comme cela se passe dans des régimes de dictature à travers le monde, jusqu’au jour où les peuples s’organisent pour faire changer la donne?

Samari Tchadjobo
Allemagne

 

Source : 27Avril.com