Arrestation d’Agbéyomé: et si c’est ce qu’il cherchait

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Une fois, ça passe, deux fois, ça lasse et trois fois, ça casse. L’opposant togolais  Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo  vient d’expérimenter cette formule à ses dépens.


En effet, pour avoir refusé de déférer aux deux précédentes convocations de la justice de son pays, celui qui est arrivé deuxième à la présidentielle du 22 février 2020 a fini par être arrêté hier mardi 21 avril 2020.  Manu militari. Par un imposant déploiement de la gendarmerie accompagné de chars qui ont défoncé le portail de la cour.

Au cours d’une conférence  donnée la veille, les avocats de M. Kodjo ont annoncé que leur client ne pourrait pas se présenter physiquement dans les locaux du service central des renseignements et investigations pour cause de «réveil récent d’une pathologie locorégionale ancienne qui entrave toute mobilité spontanée».

Cette interpellation digne de celle d’un chef de la mafia est l’aboutissement, somme toute logique, de  la logique de défiance envers le pouvoir et  du bras de fer qu’il a engagé avec le pouvoir depuis la proclamation des résultats du scrutin dernier.

Alors que le décompte officiel, sans grande surprise en réalité, plébiscitait le président sortant, Faure Gnassingbé, avec 70,78%, le candidat du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD), arrivé deuxième avec 19,46% des suffrages exprimés, a toujours crié à la victoire. Et il ne démordra pas de ce qui est devenu sa profession de foi. Allant jusqu’à nommer un Premier ministre et à s’adresser à la Grande Muette en sa qualité de chef suprême des Armées.

C’était plus que le régime ne pouvait supporter sous peine d’être accusé de manque d’autorité et de laisser s’installer la chienlit.

En un tour de main, son immunité parlementaire fut levée.  Devenu un citoyen lambda et un justiciable Tartempion, le voilà désormais à la merci du procureur de la République qui le poursuit pour «troubles aggravés à l’ordre public, dénonciations calomnieuses et atteinte à la sûreté de l’Etat».

Agbéyomé Kodjo se serait présenté à la première ou même la deuxième convocation que la procédure aurait suivi son cours normal sans qu’il soit placé en détention préventive.

Mais vu les conditions dans lesquelles il se présente devant le juge, on ne voit pas comment il pourrait échapper au mandat de dépôt.

Et si finalement il avait eu ce qu’il cherchait ?

En s’engageant dans une opposition frontale aux institutions de la République, pour ne pas dire contre au clan Gnassingbé, le président du MPDD savait à quoi il s’exposait.

D’autant plus qu’il est un pur produit du pouvoir dynastique en place depuis cinq décennies : n’a-t-il pas, en effet, été sous Gnassingbé père plusieurs fois ministre, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, directeur général du port autonome de Lomé  avant de traverser le désert puis de s’exiler en France avant de se draper de la tunique d’opposant  dissipé ?  Le tout avec la bénédiction de Mgr Philippe Kpodzro, archevêque émérite de Lomé, qui a subitement disparu des radars et devrait lui aussi avoir du souci à se faire.

Comme on le voit, Agbéyomé Kodjo est en train de se tailler la réputation de martyr à peu de frais.

Pour un homme politique, c’est toujours bon pour le CV, car ils sont nombreux les dirigeants qui sont passés de la prison à la présidence.

Mais tout de même !

Alain Saint Robespierre

Source : Togoweb.net