Après le folklore de la médiation, Faure Gnassingbé désormais face à son destin: sortir par la grande ou la petite porte?

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Faure Gnassingbé | Photo: DR

« Chercher la légitimité à l’étranger pour s’éterniser au pouvoir dans son pays où on est contesté, est vraiment très méchant et méprisant pour son peuple. » (S.Tchadjobo)

« Limiter les mandats est, à tous égards, au profit du peuple, plutôt que de laisser les uns et les autres rester éternellement dans la fonction. Vous avez absolument raison de prôner l’alternance. Je m’en soucie, pleinement et je m’engage devant vous à la défendre, à en être témoin. » Ce n’est pas pour rien, si nous avons choisi de commencer notre article par ces quelques phrases du président béninois Monsieur Patrice Talon. C’était lors du Sommet citoyen pour la démocratie, la bonne gouvernance et l’alternance, tenu en juillet 2021 au Bénin. Le chef de l’état de nos voisins de l’est avait alors profité du sommet organisé dans ses murs pour prendre l’engagement de ne pas briguer plus de deux mandats présidentiels. Les Béninois auront donc à la fin du mandant présidentiel qui court jusqu’en 2026 un nouveau visage à la tête de leur pays. Comment ne pas applaudir et saluer une telle volonté politique, un tel amour pour son peuple, dans une Afrique, et surtout dans une sous-région ouest-africaine connue pour la grande hypocrisie et la solidarité dans le mal entre les tenants du pouvoir politique?

Quel que soit ce que nos frères et voisins de l’est pourraient reprocher à leur président, ils devraient jeter un coup d’oeil du côté ouest pour savoir qu’ils sont de loin mieux lotis sur le plan politique. Comparer les deux situations politiques du Bénin et du Togo reviendrait à s’amuser à comparer le jour et la nuit. Et on dit souvent que les bonnes manières, le bon exemple de nos voisins devraient nous inspirer à corriger nos erreurs, à les imiter pour faire comme eux et même mieux. Et le bon exemple d’à côté ne date pas de Patrice Talon. Rappelons que le Bénin fut le premier pays d’Afrique à montrer la voie pour l’organisation des conférences nationales au début des années 90; cette manière de faire le bilan, le plus souvent nauséabond, de la période des années de dictature. Mathieu Kérékou dirigea son pays d’une main de fer, certes, mais reconnut ses erreurs, s’excusa et laissa faire la démocratie. Et ce n’est pas exagéré si beaucoup d’Africains le considèrent comme le père de la démocratie béninoise en s’inclinant sur sa mémoire. Au Togo nous eûmes aussi notre conférence nationale dite souveraine. Des déballages insoutenables sur des crimes et méfaits de la dictature encore plus cruelle de Gnassingbé Éyadéma furent faits.

Les Togolais subissent jusqu’à ce jour les conséquences du rejet par Éyadéma de l’idée même d’une conférence nationale. Les décisions acceptées du bout des lèvres par le dictateur originaire de Pya furent plus tard victimes de la stratégie de la terreur. Des éléments de l’armée clanique bombardèrent la primature pour déloger le chef du gouvernement de transition. Du jamais vu sur le continent. Faure Gnassingbé qui a pris le pouvoir après la mort de son père en février 2005 dans les conditions sanglantes que tout le monde connaît; plusieurs fois «réélu» dans les mêmes circonstances encore plus dramatiques, est aujourd’hui très loin de s’inspirer de ce qui se passe à l’est. Indifférent à ce qui se passe de bien ailleurs et aux incessants appels de son peuple, il s’évertue à aller chercher ailleurs une légitimité qu’il n’a pas au Togo pour gouverner éternellement le Togo. Bizarre et méchant, non? La controversée médiation togolaise dans la crise ivoiro-malienne, dirigée «de main de maître», semble-t-il, par Faure Gnassingbé himself, ne s’inscrit-elle pas dans les plans secrets du chef de l’état togolais? Trés loin d’être des oiseaux de mauvaise augure, nous voudrions nous tromper et souhaiter pour le bien du Togo que celui que les Togolais, à leur corps défendant, ont toléré au pouvoir depuis 18 ans, ait des idées louables pour remettre le pays sur les bons rails en accédant aux multiples revendications politiques de ses compatriotes, représentée par l’opposition.

Faure Gnassingbé est assez intelligent pour savoir que toute chose, surtout le pouvoir politique, a, un jour ou l’autre, une fin. C’est pourquoi la sagesse nous recommande, recommande surtout à ceux qui ont eu la chance d’être au sommet de la société humaine, quelque part sur cette terre, pour commander, de savoir choisir leur fin, pendant qu’il est encore temps; de savoir quitter la scène par la grande porte, comme est en train de le faire aujourd’hui Patrice Talon au Bénin d’à côté. Les illusions de sagesse ou de légitimité qui ont envahi la présidence togolaise et tous ses environs immédiats ne sont que trompeuses. La médiation supposée au Mali du président togolais semble être pour certains la porte ouverte à un cinquième mandat à la tête de notre pays.

Pouvons-nous rappeler que la légitimité d’un dirigeant vient du peuple qu’il dirige et non d’ailleurs? Et les Togolais et les Togolaises sont un peuple assez mûr pour faire en sorte qu’ils aient le dernier mot. Mais que dit Faure Gnassingbé lui-même sur son avenir à la tête du Togo? Partira-t-il ou restera-t-il? Les Togolais veulent savoir. Aux dernières nouvelles l’arrestation du Général Abalo Félix Kadanga serait confirmée. Que retenir de cette mise au secret de l’officier controversé? Le président de fait du Togo a-t-il commencé à mettre de l’ordre dans la maison en nettoyant les écuries? Ou est-il en train de renforcer son pouvoir pour ne jamais partir? En tout cas, avec les illusions du grand médiateur qu’il croit être devenu et toutes les folles spéculations qui s’ensuivent d’un côté, et les revendications légitimes des populations togolaises dans leur ensemble de l’autre, Faure Gnassingbé ne se trouve-t-il pas désormais à la croisée des chemins?

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com