La deuxième édition du Printemps de la Coopération germano-togolaise venait de fermer ses portes quelques jours auparavant. Les délégations venues d’Allemagne sont déjà toutes parties. A l’Ambassade à Lomé, la pression est retombée. Ce lundi 10 avril, l’Ambassadeur, Christophe Sander, est détendu. Entre le déjeuner et un rendez-vous diplomatique prévu pour le début d’après-midi, depuis le spacieux salon de sa résidence, il se prête au jeu de questions-réponses.
Bonjour monsieur l’ambassadeur, le Togo et l’Allemagne ont en commun une partie de leur histoire. Est-ce que les relations entre le Togo et l’Allemagne aujourd’hui ont quelque chose de particulier par rapport à d’autres pays africains ?
Oui, nous avons quelque trente ans d’histoire commune. De l’autre côté chez nous en Allemagne, on regarde plutôt la Namibie, la Tanzanie à cause des grandes batailles qu’on a eues là-bas. On ne parle pas là-bas vraiment tellement du Togo, du Cameroun, du Rwanda, du Burundi. Mais on pourrait dire que le Togo, en comparaison avec le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, c’est quelque chose de spécial.
On sait déjà que les relations entre le Togo et l’Allemagne se portent plus ou moins bien. Mais à votre avis, qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans ces relations?
Je crois que depuis la reprise de la coopération, on a vraiment fait des grands pas pour avancer. Nous avons bien commencé avec des projets qui ciblent la population sur plusieurs grands axes comme le développement rural, la formation professionnelle puis la décentralisation ; mais nous sommes aussi des alliés au sein d’une mission comme, la MINUSMA (Ndlr : Mission de paix des Nations-Unies au Mali), et je crois qu’on va continuer à coopérer pour la stabilité dans la région
Qu’est-ce qui, à votre avis, marche moins bien entre les deux pays et que vous souhaitez voir améliorer ?
Je crois qu’il y a beaucoup d’espaces pour approfondir les relations économiques entre les deux pays. Bien sûr, nous avons vu une grande société allemande comme Heidelberg CEMENT s’installer à Tabligbo. Ils vont ouvrir bientôt une usine aussi au nord. Mais là, il reste toujours aussi beaucoup à faire. Je voudrais bien assister les Togolais pour exporter mieux vers l’Allemagne.
Comment se présente aujourd’hui la présence allemande au Togo en termes d’homme d’affaires, d’Ong, de structures décentralisées… allemands au Togo ? Est-ce qu’on peut avoir un schéma de la présence allemande au Togo ?
Moi je n’ai pas de chiffres, parce que les Allemands ici ne sont pas contraints à aller s’enregistrer à l’Ambassade. Nous avons déjà quelques dizaines qui travaillent avec la coopération (GIZ). Nous avons quelques hommes d’affaires ici, mais la plupart des sociétés allemandes ici ont des gérants togolais, comme DHL et d’autres. Donc je n’ai pas des chiffres exacts; disons quelque 500, y inclus les épouses et les enfants
Est-ce que vous avez par exemple une idée de la masse financière que brassent les entreprises allemandes au Togo ?
Heidelberg Cement en soi, c’est déjà 250 millions d’euros, chiffre assez grand. C’est le plus grand investissement au Togo dans le secteur industriel et de production. La coopération, ce sont quelque 60 millions d’euros pour deux ans. Je crois que ce sont des chiffres assez bien.
Parlant des relations germano-togolaises, une délégation vient de séjourner il n’y a pas longtemps à Lomé dans le cadre du printemps entre les relations entre les deux pays. Au-delà des aspects protocolaires, à votre avis, quelles sont les grandes leçons que vous avez tirées de cette édition des Printemps ?
Moi je crois qu’il est toujours important pour les hommes d’affaires, mais aussi pour les autres acteurs de la coopération germano-togolaise de vraiment venir ici, au Togo, pour voir eux-mêmes ce qu’on peut faire et rencontrer des partenaires et aussi pour présenter les solutions qu’ils peuvent apporter pour résoudre les problèmes du Togo. Il faut souvent ces genres de rencontres entre les deux parties parce qu’on peut faire les recherches par internet; mais ça, ce n’est pas suffisant. Il faut aller au pays pour voir les possibilités.
C’était la deuxième édition, qu’est-ce qui a pu changer entre la première et la deuxième par exemple ?
Nous avons vu une délégation plus grande, plus de sociétés représentées. Cela démontre déjà le succès du premier Printemps. Je crois que nous avons pu continuer dans une bonne direction.
On sait que l’Allemagne est l’un des partenaires qui, dans un passé récent, insistait beaucoup plus sur des questions de démocratie au Togo; mais parfois on a l’impression que l’Allemagne n’insiste plus sur la question de démocratie au Togo comme avant. Qu’est-ce qui a pu influencer ce changement d’approche?
Je ne vois pas un changement d’approche, l’Allemagne est là et est partenaire du Togo pour le développement. Nous avons une bonne coopération pour le volet de la décentralisation. Nous avons commencé cela en 2012. Nous allons maintenant élargir la coopération vers le nord. Donc, nous croyons bien sûr que cette coopération sur la décentralisation doit mener vers les élections locales. Il est vraiment important d’avoir des élections locales pour approfondir la base de la démocratie au Togo; et donc je ne vois pas le changement. On est toujours là, comme partenaire, on veut aller dans de bonnes directions et on est en train de le faire.
Est-ce que par exemple la question de l’alternance politique au Togo préoccupe aussi l’Allemagne ?
Il revient vraiment aux Togolais de s’exprimer lors des élections. L’Allemagne va toujours travailler avec le gouvernement du Togo légalement et légitimement installé, ça c’est clair.
On va peut-être un peu parler des personnalités togolaises que vous avez déjà rencontrées. C’était quand la dernière fois par exemple que vous avez rencontré le chef de l’Etat ?
La semaine passée (ndlr : l’interview a été réalisée la 10 avril) lors du Printemps.
Qu’avez-vous pu lui dire ?
On était là avec des hommes d’affaire d’Allemagne qui ont présenté les possibilités. Nous avons exploré les possibilités pour approfondir les relations économiques entre nos deux pays.
Et par exemple le chef de file de l’opposition ? Est-ce qu’il vous arrive de le rencontrer souvent ?
Je crois que c’était le mois de juillet ou de l’août de l’année passée, que j’ai rencontré M. Fabre, le chef de file de l’opposition.
Et la société civile? togolaise?
Je crois que je peux dire que nous avons bien approfondi les relations entre les deux pays. On a bien avancé après 2011 et je crois que le peuple togolais peut compter sur l’Allemagne pour continuer à travailler avec le Togo dans le bon sens.
Dans le bon sens, c’est-à-dire ?
Nous avons convenu des axes de la coopération, c’est-à-dire le développement rural, chose la plus importante pour la plupart de la population togolaise qui vit dans les zones reculées, la formation professionnelle pour laquelle l’Allemagne est un exemple en termes de meilleures solutions, et bien sûr pour la décentralisation. Je crois qu’on a bien choisi les secteurs importants pour le Togo.
Comment est-ce que l’Allemagne ou l’Ambassade d’Allemagne voit l’aboutissement du processus de décentralisation au Togo ?
En termes de décentralisation, nous on va élargir cela vers le nord et nous croyons que cette coopération et les efforts que fait le gouvernement du Togo vont aboutir aux élections locales.
Vous les espérez pour quand ?
En décembre de 2016, lors de l’atelier sur la décentralisation, le délai qui était donné à cette époque-là est de 12 à 18 mois; je crois qu’on est toujours sur la piste de faire les élections dans ce délai-là.
En êtes-vous optimiste ?
Je suis diplomate !
Un dernier message ?
Laissez-moi le dire, j’étais vraiment étonné, lorsque je suis arrivé comme nouvel ambassadeur au Togo, de l’amitié et de la chaleur avec lesquelles les Togolais m’ont accueilli. Initialement j’ai toujours pensé que c’était un peu la courtoisie, la politesse, la façon dont on parle de l’Allemagne. Mais j’ai réalisé que c’est quelque chose de très honnête quand les Togolais parlent de l’Allemagne. Je trouve que c’est un bon contexte pour les ambassadeurs d’Allemagne ici, parce que je me sens presque comme chez moi, et c’est aussi une base pour la coopération, les relations entre les deux peuples.
Source : L’Alternative No.609 du 25 avril 2017
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