Alternance politique en Afrique : Kabila racroche, Faure s’accroche

0
1386
Alternance politique en Afrique : Kabila racroche, Faure s’accroche


Ces derniers jours, en République démocratique du Congo (RDC), la fièvre électorale est montée d’un cran. Retour très mouvementé de Jean-Pierre Bemba au pays. Moïse Katumbi bloqué à la frontière zambienne. Dans la foulée, Vital Kamerhe annonce sa candidature. Les principaux challengers au président sortant Joseph Kabange Kabila abattaient ainsi leur carte. La dernière que tous les Congolais attendaient est sans doute celle de leur chef de l’Etat. Et il a annoncé le 08 août dernier qu’il ne briguera pas un mandat de plus et désigné Emmanuel RamazaniShadary pour porter les couleurs du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) au prochain scrutin présidentiel. Un renouveau démocratique qui s’annonce donc et qui isole davantage le pouvoir de Lomé.

Ere nouvelle en RDC

Une succession d’annonces de candidatures à fait braquer les regards sur la RDC. La nouvelle la plus marquante est l’annonce faite par Joseph Kabila sur sa non-candidature. Le Président sortant a ainsi sauvegardé la Constitution congolais, même si bien des mois plutôt, il avait fait montre de velléités de se maintenir au pouvoir. Le refus en juillet dernier de recevoir Antonio Guteres, le patron des Nations Unies, Moussa Faki, le Président de la Commission de l’Union africaine, Nikki Haley, l’Ambassadrice américaine de l’ONU, le rejet des accords de la Saint Sylvestre, la répression des militants de l’opposition et de la société civile, etc. avaient convaincu plus d’un que le fils de l’ex-chef d’Etat Laurent Désiré Kabila ne voulait pas quitter le pouvoir. Mais il a fini par déjouer tous les pronostics et renonce à un 3ème mandat. Un courage politique qui est salué de par le monde.

A l’Elysée, on se félicite de la décision prise par Joseph Kabange Kabila. « Une posture assez courageuse du Président Kabila (…) La bonne nouvelle, c’est la Constitution qui n’a pas été triturée », se réjouit Paris qui aurait exercé de fortes pressions discrètes sur le locataire. A Kinshasa, même les opposants au Président sortant saluent sa décision de se retirer de la magistrature suprême. « C’est un pas dans la bonne direction », a twitté Félix Tshisekedi, le candidat de l’UDPS avant de relativiser : « Le plus important est à venir. La décrispation, les élections libres et crédibles pour une alternance pacifique restent les prochains objectifs ». Pour la LUCHA, c’est une bataille qui vient d’être gagnée. « La date du 08 août restera à plusieurs titres historique que celle du 24 avril 1990. Que de sacrifices consentis. Tout a un prix et les Congolais en ont payé chèrement pour l’avènement de l’alternance », a déclaré Patrick Muyaya, membre du Parti lumumbiste unifié (PALU). Carine Katumbi l’épouse de l’opposant Moïse Katumbi, s’en est aussi félicitée. « Pas de troisième faux penalty pour Kabila !! Première d’une série de victoires à venir ! Rendons hommage à tous les martyrs de cette lutte », a-t-elle twitté.

A travers ces déclarations tous azimuts, Joseph Kabila s’est offert une sortie par la grande porte. Même si les analystes politiques affirment que le fils de Laurent Désiré Kabila a cédé sous pression de la communauté internationale à cause de la perte de ses principaux soutiens que sont Jacob Zuma et José Edouardo. La décision courageuse est à mettre à l’actif du Président sortant qui a compris qu’il y a une vie après la politique. D’ailleurs d’après les indiscrétions, le chef de l’Etat congolais aurait déjà laissé entrevoir des signes de sa non-candidature. Il a fait amender tout récemment une loi qui protège les anciens Présidents. Une amnistie en quelque sorte. Aussi avait-il laissé entendre qu’il sera l’année prochaine un homme d’affaires. Mais il n’a pas été pris au sérieux jusqu’à la désignation de son dauphin Emmanuel RamazaniShadary. Ce dernier porte désormais la lourde tâche de faire gagner le PPRD à l’élection présidentielle de décembre prochain. Surnommé le « Buldozzer » à Kinshasa, il en a visiblement la carapace… Ce vent de changement qui commence à souffler en Afrique centrale est une pression de plus sur le régime cinquantenaire de Lomé.

Pression sur Lomé

Dans le club très limité des fils ayant succédé à leurs pères à la tête de leurs pays, Joseph Kabila vient de se désolidariser des deux autres que sont Ali Bongo et Faure Gnassingbé. Le chef de l’Etat congolais a rompu ainsi avec l’usurpation dynastique du pouvoir au détriment des peuples. Il ne reste qu’Ali Bongo et Faure Gnassingbé. Le premier jouit d’une certaine indulgence dans une région dominée par des gérontes au pouvoir, en l’occurrence SassouNguesso et Paul Biya, des conservateurs imperméables au vent de changement, même s’ils sont de plus en plus contestés par leurs populations. Le climat n’est pas favorable à Faure Gnassingbé. Chaque jour, les vents tournent en sa défaveur. Surtout qu’il est dans une région oùl’alternance au pouvoir devient la chose la plus partagée. Déjà, Alassane Ouattara a, renoncé à un 3ème mandat. Et, cérise sur le gâteau, il a amnistié des prisonniers parmi lesquels l’ex-première dame Simone Gbagbo.

La succession d’évènements politiques ces derniers jours sur le continent n’arrange pas le pouvoir de Faure Gnassingbé englué dans un conservatisme démodé en Afrique de l’ouest. Son cas devient inquiétant, voire menaçant pour l’équilibre de la région. Mais il ne compte visiblement pas céder le pouvoir. Le sursaut populaire du 19 août 2017 l’a davantage révélé au monde entier. Le refus manifeste de traduire dans les faits les réformes constitutionnelles et institutionnelles contenues dans de nombreux accords et recommandations explique l’enlisement de la crise depuis août 2017. Aussi la feuille de route de la CEDEAO pour une sortie de crise au Togo est-elle déjà mal interprétée par le pouvoir en place. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’active déjà pour les législatives prévues le 20 décembre prochain alors que les recommandations exigent sa refonte avant tout scrutin. Autant d’éléments qui prouvent que le régime cinquantenaire s’arc-boute à une gouvernance anachronique et qui le rend singulier dans la zone CEDEAO.

La vision Edem Kodjo

L’actualité en RDC doit énormément réjouir l’ex-premier ministre togolais et ancien Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), EdemKodjo. Nommé médiateur de la crise congolaise par l’Union africaine, l’ancien Premier ministre a été décrié par l’opposition congolaise qui l’a traité de connivence avec le pouvoir de Joseph Kabila et qui ne voyait un possible renoncement à un 3ème mandat de leur Président.

Et pourtant EdemKodjo le prédisait déjà. « Il faut passer par les urnes ! Il n’y a pas 36 mille solutions. Il n’y a rien d’autre à préconiser, il faut passer par les urnes. Elles diront la vérité. Elles désigneront un vainqueur. Le Président Kabila n’est pas manifestement candidat aux élections », annonçait-il déjà dans une interview accordée au bimestriel panafricain « Notre Afrik ». Et de renchérir : « Quand notre accord a été signé en octobre 2016, le Président Kabila a mis plusieurs semaines à l’étudier minutieusement. Puis, un jour, il a convoqué tous les participants aux négociations qui ont enfanté ce consensus politique (…) Et je me rappelle que ce jour-là, il m’a dit, avant même que je ne prenne la parole : « Monsieur le Facilitateur, cet accord est désormais à partir de ce jour le mien ». J’en ai retenu que cet homme-là préparait sa sortie d’une façon ou d’une autre, puisqu’il acceptait cet accord. Et c’est cet accord qu’une autre réunion, présidée par la CENCO qui elle a été avec nous, dès le début des comités préparatoires du dialogue inter congolais, a repris ».

Source : www.icilome.com