Un long règne crée évidemment des frustrations. Si ces dernières ne sont pas bien maitrisées, il y a risque d’explosion un jour. Dans le cas du Togo, en 50 ans, trop de frustrations et de rancœurs ont été emmagasinées par le peuple. Elles risquent de mettre en mal la cohésion sociale et déboucher sur la chasse aux sorcières en cas d’alternance mal gérée. Certainement, c’est ce que redoutent les tenants du pouvoir actuel qui ne veulent pas céder le pouvoir chaque fois que le choix du peuple ne coïncide pas avec leur volonté.
Cette crainte est souvent renforcée par la gestion qui a été faite de la courte période de transition du début des années 1990, le radicalisme d’une partie de l’opposition démocratique mais surtout par le « papa m’a dit ». Conséquence, les acteurs politiques ne se voient pas en adversaires portant chacun une vision, un idéal de développement du pays dans l’intérêt supérieur du peuple, mais la lutte politique s’est transformée en une question de survie, une question de vie ou de mort, où on veut terrasser l’autre. Le pouvoir s’arc-boute derrière ses prestiges tandis que l’opposition de son côté use de tous les moyens pour le déloger de son piédestal.
Cette méfiance et cette peur sont dues aussi au fait que durant ces trois dernières décennies, l’opposition et la majorité n’ont jamais travaillé ensemble. Ils se sont beaucoup illustrés sur le terrain d’invectives que de retrousser leurs manches dans l’intérêt supérieur de la nation. Pas de véritable cohabitation. Là où il y a en a eu un semblant (dans le cas de l’accord UFC-RPT par exemple), les acteurs n’ont pas joué franc-jeu. C’est dans l’optique de terrasser complètement l’adversaire. Or, en politique on n’abat pas un adversaire lorsque ce dernier est à terre mais on lui tend la main à se relever.
Mais ces derniers temps des signes d’ouverture du jeu politique se font sentir. Chacun a pu certainement tirer les leçons de la politique d’exclusion et là où elle nous a conduit. On sent désormais chez les acteurs une réelle volonté de tourner cette page sombre et travailler sans animosité dans l’intérêt de la nation.
Ainsi à la faveur des récentes élections locales, dans les différents conseils municipaux se retrouvent les différentes tendances. Les débats se font dans le respect de l’autre à telle enseigne qu’on s’est mis à regretter l’absence de conseil municipal durant plusieurs années. Son existence aurait favorisé le débat contradictoire ; le jeu politique aurait permis aux acteurs politiques de se côtoyer dissipant ainsi la méfiance.
L’autre signe qui augure d’une alternance sans chasse aux sorcières nous est venu cette semaine, à l’ouverture de la quinzaine commerciale. Jean-Pierre FABRE, maire de la commune Golfe 4, a été invité par le président de la Chambre du commerce et de l’industrie du Togo (CCIT), Germain MEBA, un des pontes du régime. Le vice-président de UNIR, Kokou ADEDZE, y était aussi en sa qualité du ministre du Commerce. Dans le respect des principes républicains, ces différentes personnalités, de tendances différentes, se sont pliés à l’obligation afférente à leur titre.
Ce signe de respect de l’adversaire politique, nous prouve que nos responsables politiques, ne sont pas pour autant des adeptes de l’apocalypse ou du déluge après moi. Ces signes encourageants sont des gages d’une alternance apaisée et maitrisée. Ils doivent être encouragés et soutenus. Car en se rencontrant le plus souvent la méfiance se dissipera. Doivent être relégué dans les oubliettes, le temps où voir un acteur politique en compagnie d’un responsable politique d’un autre est considéré comme un geste de trahison.
Dans l’intérêt de la nation, la décrispation du jeu politique doit être encouragée, pourquoi pas aller vers une alternance négociée en donnant des garanties à l’autre. La classe politique togolaise en est capable. Il leur manque seulement ce courage de Nelson Mandela ou de Frederick de Klerk qui les fera inscrire au panthéon de l’Histoire. Osons croire que rien n’est pas perdu. Un Togo réconcilié avec lui-même passe par là.
Source : Togoweb.net