Clouée par le chômage et empêtrée dans une pauvreté galopante, la jeunesse togolaise s’est désormais tournée vers l’alcool et le tabac pour tenter d’oublier la situation sociale peu enviable dans le pays. En effet, selon de récentes études de plus en plus de jeunes sont accros à l’alcool et au tabac. Ceci décime à petit feu cette jeunesse désabusée par une politique sociale qui n’existe que sur le papier et dans les discours officiels.
Quel avenir pour la jeunesse togolaise ? Nombre d’observateurs se posent encore cette question, à l’heure où dans certains pays, tout est planifié dans le moindre détail. Au Togo, au-delà de quelques projets initiés qui n’ont d’ailleurs pas donné un résultat probant, la politique de la jeunesse est plus présente dans les discours officiels qu’autre chose. Diplômés et déscolarisés vivent la même réalité : le chômage. Selon les récentes enquêtes, il concerne plus de 50 % des jeunes. Une entorse au développement de ce pays qui s’est pourtant fixé des objectifs très clairs sur ce plan. Et comme nous le soulignions dans un de nos reportages, d’il y a deux ans, intitulé « Dans les labyrinthes du ‘’Sodabi ‘’ frelaté», des milliers de jeunes togolais s’adonnent de plus en plus à l’alcool et plus particulièrement au « Sodabi », une boisson locale et des alcools emballés dans les petits sachets et vendus dans les quartiers comme de petits pains.
La Cigarette a le vent en poupe
Le tabac fait fureur auprès des jeunes togolais. En effet, plusieurs ont fait le choix du tabac, plus pour une alternative d’évasion que pour le plaisir. Vendu à un prix très accessible, ils s’y adonnent à cœur joie. Les résultats d’une récente étude effectuée dans 10 pays africains dont le Togo et présentée par l’Alliance Nationale des Consommateurs et de l’Environnement (ANCE-Togo), il y a quelques semaines, ont confirmé la tendance. L’étude qui a porté sur la vente en détail de cigarettes en Afrique a été menée dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie du tabagisme. Clément Kokou Odji, Coordonnateur du projet de lutte contre le tabagisme (PLCT) a indiqué que lorsque les cigarettes sont vendues en détail, elles deviennent relativement moins chères que lorsqu’elles sont vendues en emballage complet. Cette situation offre malheureusement l’occasion aux jeunes d’expérimenter le produit et de devenir des utilisateurs réguliers.
En 2011, une étude a établi que 31, 3 % de nos concitoyens touches à la cigarette. Le taux de prévalence est de 8,4%. Au vu des constatations actuelles, ces chiffres seront beaucoup plus alarmants chez les jeunes.
Pourtant, un semblant de prise de conscience a été observé depuis 2010 au niveau du pouvoir public. En effet, en Août 2014, le ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Mme Bernadette Legzim-Balouki, a lancé une campagne de communication sur la réglementation du tabac et ses produits dérivés. La campagne vise à informer du démarrage et de la mise en application de la réglementation sur la commercialisation du tabac au Togo. Tout emballage de cigarettes et autres produits de tabac sont sensés porter sur 65% de la surface totale de chacune des faces principales, des avertissements sur les méfaits du tabac en Français, en Ewé et en Kabyè. Cette campagne s’inscrit dans la droite ligne de la loi N°2010-017 du 31 décembre 2010 relative à la production, la commercialisation, la consommation des cigarettes et autres produits dérivés du tabac au Togo.
Cependant, tout ceci ne semble pas porter ses fruits puisque les causes de ce fléau sont ailleurs. « Quand vous passez des journées entières dans votre chambre parce que vous n’avez pas de boulot et que toutes les portes vous sont fermées, seuls l’alcool et le tabac peuvent vous accompagner. Ces deux-là sont mes fidèles amis », explique un jeune, la trentaine. Il est tombé dans le tabagisme, il y a un an. Bien avant le tabac, notre interlocuteur a confié qu’il prend aussi de l’alcool.
L’alcool, le « chasse souci »
Comme souligné plus haut, les jeunes togolais ont trouvé dans l’alcool, « un accompagnateur presque parfait » pour oublier leur désarroi sur le plan social. Ainsi, dans les quartiers défavorisés où la pauvreté a élu domicile et le chômage a atteint des proportions inquiétantes, les vendeurs d’alcool se frotte les mains. « Nos clients sont de plus en plus des jeunes. Le matin comme le soir, ils viennent prendre soit des bouteilles de bière ou quelques verres de sodabi », témoigne le détenteur d’un bar et d’un débit de «Sodabi ». Pour ces jeunes, en s’enivrant, il s’agit d’oublier tant soit peu le quotidien qui se limite, pour la majorité détentrice d’un baccalauréat et plus encore, à des petits boulots au grand marché de Lomé, entre autres, conducteur de pousse-pousse.
Si le gouvernement a entamé la lutte contre le tabagisme, pour l’alcoolisme, il va falloir entendre encore longtemps. Puisque à ce jour, toutes sortes d’alcool sont déversées sur les marchés sans contrôle majeur. D’ailleurs, le taux de demande a flambé ces dernières années amenant certains à s’aventurer sur le terrain de la contrefaçon et des boissons alcoolisées frelatées, un business très rentable mais aux conséquences désastreuses pour les consommateurs.
Aujourd’hui, il urge que les autorités togolaises se tournent vraiment vers les jeunes. Il ne sert à rien de tambouriner que les jeunes sont l’avenir de la nation tout en sachant que ces jeunes n’ont, eux-mêmes, aucun avenir. Trouver les solutions aux problèmes des jeunes notamment le chômage et les fléaux tels que le tabagisme et l’alcoolisme se réduirait, sans aucun doute, plus rapidement.
Source : Fraternité No.270 du 09 mai 2018
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