Le mardi 7 février dernier, Robert Avotor, journaliste à L’Alternative a été arrêté, molesté et torturé par les gendarmes, sous les ordres d’un sous-lieutenant du nom de Salaka Esso. L’information a fait le tour du monde et suscité les condamnations de plusieurs organisations de presse, tant nationales qu’internationales et même des organisations de la société civile.
Pendant que tous ces acteurs étaient vent debout contre cette nouvelle sauvagerie d’une catégorie d’individus qui jettent le discrédit sur tout le corps de la Gendarmerie, la HAAC dont la première mission est de protéger les journalistes confer : article 130 que nous rappelons ici (Garantir et assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communications …..) s’est murée dans un silence assourdissant. Même le jeudi 9 février, lorsque le Directeur de Publication de L’Alternative a été convoqué pour des échanges sur une des parutions consacrées au dossier LCF-City Fm, le cas de son journaliste a été passé sous silence par le président de la HAAC, Pitang Tchalla.
Il a fallu une dénonciation de ce mutisme à la radio dans une émission pour que la HAAC se décide à rompre le silence, et de quelle manière ? Morceaux choisis : « La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a appris par la presse l’information qu’un journaliste aurait été empêché de faire son travail et torturé ». Dans ce bout de phrase, on voit bien que la HAAC non seulement remet en doute cette agression en utilisant le conditionnel, ce qui est extrêmement grave et insultant pour la victime et toute sa Rédaction, mais aussi elle s’est abstenue de nommer le journaliste, et son organe.
Alors que le nom de la victime était sur la place publique et son témoignage accessible à tout le monde, l’institution dont la première mission est la protection du journaliste s’est contentée de parler d’un fantôme qui travaille certainement dans un journal tout aussi fantôme.
Cette attitude n’est en réalité que l’expression du mépris et de l’aversion que certains responsables de cette institution vouent au journal en question. Et cette aversion s’est même illustrée dans le recoupement d l’information. « Intrigué, le Président de l’Instance de Régulation a interpellé le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile et le Directeur de la Gendarmerie nationale au sujet de cet incident grave ». Parfait, pourquoi alors avoir délibérément omis d’appeler la victime ou sa Rédaction pour avoir la version des faits ? Rien ne peut justifier ce mépris manifeste.
Si on a pu décrocher le téléphone pour appeler le ministre de la Sécurité et le Directeur de la Gendarmerie nationale, on aurait pu daigner joindre la victime ou sa Rédaction pour s’assurer des faits et éviter d’utiliser le conditionnel pour un acte aussi gravissime. C’est tout de même pathétique et cocasse de la part de ceux qui accusent tous les jours les journalistes de n’avoir pas fait un travail de recoupement de toutes les sources, de publier un communiqué alambiqué dans lequel on n’a pas pris soin de recueillir la version de la victime, et pire, et mettre du doute sur cette agression alors que les gens sont encore dans la douleur.
« En attendant, la HAAC condamne sans équivoque toutes formes de violences physique, morale, verbale et éditoriale et appelle tous les acteurs et protagonistes à œuvrer à l’apaisement par le respect des règles de la profession et d’éviter toutes escalades et surenchères ». Ce passage d’un flou artistique est un ensemble de mots alignés dont le but manifeste est de mettre tout le monde dans le même panier. Une manière habile de renvoyer dos à dos le bourreau et la victime.
De façon plus explicite par l’auteur de ce communiqué, le journaliste est victime de la ligne éditoriale de son organes. Une gymnastique pour dédouaner le bourreau et charger la victime. Que du cynisme et de la provocation.
Au moment où la victime, à travers plusieurs soins médicaux se remet de cette agression sauvage, ce communiqué de la HAAC n’est qu’un mépris à son endroit et envers la Rédaction du journal L’Alternative. On l’aura désormais compris, L’Alternative est un journal dont on évite de prononcer le nom et ceux de ses journalistes aussi. Quand on est plus occupé à jouer les intendants de Faure auprès des journalistes, on oublie parfois que la mission première est la protection de la liberté de presse. Et c’est bien triste !
Source : L’Alternative No.590 du 14 février 2017
27Avril.com