Agbéyomé candidat unique: les gros risques !

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Lui, président ?  Les Togolais devraient-ils se permettre ce rêve ? Agbeyome Kodjo, ancien Premier ministre, opportuniste hors-pair, drapé dans sa tunique de député de la VIe législature, s’affiche « candidat unique » d’une dynamique pompeusement dénommée « Initiative Mgr Kpodzro ». Dans ses multiples déclarations, plus ou moins désordonnées  à la presse depuis ces dernières semaines, le docteur en Sciences de gestion des organisations de l’Université de Poitiers laisse aisément imaginer le régime politique dans lequel son accession à la magistrature suprême devrait plonger le Togo.  Inquiétez-vous, ce ne serait pas une démocratie !

« Le premier acte que je poserai, (en tant que président de la République, ndlr) j’irai moi-même en prison libérer Kpatcha Gnassingbé ». Voici une déclaration hautement scandaleuse du candidat à la présidentielle du 22 février 2020, Agbeyome Kodjo,  qui est passée sans hérisser les poils des Togolais.  Cette si courte phrase fait effet de scanner, elle décalque les traits  de personnalité de son auteur et supprime toute ambiguïté sur son projet d’organisation de l’Etat une fois élu. Avec Agbeyome donc, l’exécutif peut, avec ostentation, royalement marcher sur le territoire des autres pouvoirs.

En soutenant avoir inscrit comme priorité de son projet de société la libération des détenus politiques, le fils de Tokpli, malgré sa mine d’expériences en matière de gestion des affaires publiques, fait montre d’une ignorance étonnante de la procédure qui régit la grâce présidentielle. Faut-il le rappeler, l’article 73 de la Loi fondamentale dispose : « Le président de la République exerce le droit de grâce après avis du Conseil supérieur de la magistrature ».

Les recours en grâce, d’après l’article 516 du Code de procédure pénale, sont soit directement adressés au président de la République, soit envoyés par la voie hiérarchique judiciaire. Dans ce dernier cas, le ministère public transmet le recours au président de la République avec son avis sur la suite à réserver. Toute une procédure.  En aucun cas, le président de la République ne se lève un de ces quatre, sans protocole, débarque  à la prison, et ordonne la libération manu militari  d’un détenu, qu’il se nomme Kpatcha Gnassingbé, ou non.  Pour nourrir sa démagogie stratégique aux fins de forger son charisme en un temps record, M. Agbeyome devrait faire encore un peu plus d’effort dans l’art d’embobiner l’électorat.

La séparation des pouvoirs est un principe sacro-saint d’organisation d’un Etat démocratique selon lequel les pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel doivent être exercés par des autorités distinctes et indépendantes les unes des autres. Élaborée par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755), la théorie de la séparation des pouvoirs a toute son importance; elle vise à  limiter l’arbitraire et à empêcher les abus liés à l’exercice des missions souveraines. Pour garantir à chacun un espace d’autonomie, “il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.” Ainsi Montesquieu dans son imposant ouvrage « De l’esprit des lois » affirme-t-il la nécessité de la séparation des pouvoirs.  C’est clair qu’Agbeyome Kodjo est en conflit avec les principes démocratiques.

  En pré-campagne, il lui est impossible de faire une déclaration à un média sans rappeler, avec vigueur et suffisance, cette phrase devenue fétiche : « Le premier acte que je poserai, j’irai moi-même en prison libérer Kpatcha Gnassingbé ». Une détermination qui traduit une conviction inébranlable, une vision assurée et bien nourrie, qu’une fois au pouvoir, le législatif et le judiciaire ne seront que des coquilles vides, ou seront carrément sacrifiés sur l’autel de la volonté suprême du président de la République, qui sera érigée en autorité de la chose jugée. Des signaux rouges qui alertent sur la dictature en téléchargement avec la candidature d’Agbeyome Kodjo à la présidentielle de 2020.

Sur les traits de personnalité, collaborateurs et proches d’Agbeyome Kodjo le décrivent comme un impulsif, un irascible, qui se laisse facilement dominer par ses émotions, avant de fondre en regrets. Un Etat qui a à sa tête un chef du genre court de graves risques.   Napoléon Bonaparte,  un général des armées de la Révolution, affirmait au 18e siècle: « Le cœur d’un homme d’État doit être dans sa tête », pour ne pas le faire battre dans le cœur n’importe quand, n’importe comment. 

En décryptant la gestuelle d’Agbeyome qui accompagne sa fameuse phrase, et en suivant ses différentes interviews aux médias, surtout la réaction épidermique que déclenche chez lui des questions sur la gouvernance de Faure Gnassingbé, on est sûr d’obtenir avec succès le portrait-robot d’un président qui, piqué au vif, perd le contrôle de soi et dégaine. N’est-ce-pas cet Agbeyome Kodjo, ministre de l’intérieur,  le cœur dans la poitrine, qui aurait agi le 25 janvier 1993 dans la répression de la manifestation de Fréau Jardin?  A quel Agbeyome Kodjo, chef d’Etat, doit-on s’attendre  en 2020?

SYMPHONIE N° 154

Source : Togoweb.net