Jacob Zuma, face aux motions de censure en Afrique du Sud. Les Congolais Denis Sassou Nguesso et Joseph Kabila face à leur peuple. Au Togo, Faure Gnassingbé face à la rue. Tous se sont refusé à répondre favorablement aux appels pressants et multiples à la démission. Pourtant, bien avant eux, des présidents africains avaient «abdiqué» de la fonction suprême au cours même de leur mandat. «La Tribune Afrique» vous en dresse une liste non exhaustive.
Il faut remonter loin dans les archives de la politique en Afrique pour trouver un président africain qui quitte le confort douillet, les salons feutrés et les dorures du palais, comme nous l’évoquions dans une première partie que vous avez été nombreux à commenter. Voici la deuxième partie de ces présidents africains contraints à la démission par la force, la ruse ou, plus rarement de leur propre chef.
Robert Mugabe pris au piège du « Crocodile »
21 novembre 2017 à Harare. Dans un hémicycle surchauffé par deux heures de conclave, Jacob Mudenda, le président du Parlement se lève de son perchoir surplombé par deux défenses d’éléphants. Drapé dans sa robe noire, il prend la parole et marmonne timidement des mots qui vont changer le cours de l’histoire du pays. « (…) moi, Robert Gabriel Mugabe, (…), remets par la présente formellement ma démission de président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat ».
Mais avant qu’il n’eût fini de lire la missive qui lui aurait été envoyée depuis le Palais National, une liesse de foire s’empare de la salle. « Ma décision de démissionner est volontaire. Elle est motivée par ma préoccupation pour le bien-être du peuple du Zimbabwe et mon souhait de permettre une transition en douceur, pacifique et non violente qui assure la sécurité nationale, la paix et la stabilité», justifie pourtant la lettre.
Un coup de sentence verbale qui raye en quelques minutes ce mardi-là, les 37 ans de règne du président le plus âgé au monde. Mais la fin de ce feuilleton politique commence avec un « Game of Thrones » au sommet de la Zanu-PF, le parti-Etat. Depuis des mois, une rivalité tenace oppose Emmerson Mnangagwa, le vice-président de la section « Lacoste » à la Première Dame Grace Mugabe de la section « G40 », qui a demandé publiquement à son mari de lui passer les brides du pays. Malgré le refus de Mugabe, le général Sibusiso Moyo qui y voit une succession matrimoniale, annonce le 15 novembre à la télévision, une prise de contrôle pour une purge de « criminels » autour du président.
Robert Mugabe est assigné à résidence, mais résiste toujours. Les pressions de l’armée lui glissant une note à lire lors d’une apparition télévisée, les manifestations de la rue encouragées par l’armée menée par Constantino Chiwenga, n’y changent rien. Le 18 novembre, Robert Mugabe est destitué de la présidence de la Zanu-PF qui projette de réunir le Parlement pour le destituer de la présidence du pays. Le 21 novembre, en pleine séance, la lettre de Mugabe arrive au perchoir. La messe est dite. Emmerson Mnangagwa surnommé « Le Crocodile » rentre de son exil en Afrique du Sud. Le nouveau maître d’Harare, c’est désormais lui.
Amadou Toumani Touré, la descente de la colline de Koulouba à pied !
Même le symbolisme politique a contribué à renforcer la solennité de cet événement décisif pour le Mali. Ce dimanche-là, le corps amaigri, les yeux perdus, Amadou Toumani Touré (ATT) drapé dans son boubou bazin satiné et chéchia blancs, remet sa démission à Djibril Bassolé, le chef de la diplomatie burkinabè. Nous sommes le 08 avril 2012.
Personne n’a pu parcourir, sur le coup en tout cas, le contenu de la lettre que l’on vient de remettre au représentant de Blaise Compaoré, le président du Faso, médiateur pour le compte de la Cedeao. Mais les lignes que le président malien forcé de quitter son pouvoir, couche sur le papier sont assez édifiantes au vu du rapport qu’il dresse de sa situation, à quelques mois de la fin de son mandat.
« (…) depuis quelques mois, notre pays est en proie à des convulsions sur le triple plan sécuritaire, politique et social. Cette situation a atteint son paroxysme les 21 et 22 mars 2012, lorsqu’une violente mutinerie de la garnison militaire de Kati m’a mis dans l’impossibilité d’exercer mes fonctions de président de la République. C’est pourquoi, dans l’intérêt supérieur de mon pays, j’ai l’honneur de demander qu’il vous plaise de recevoir ma démission ».
Sur fonds de dénonciation de l’inaction du pouvoir face aux rebelles et aux groupes terroristes dans le Nord, le Capitaine Amadou Haya Sanogo mène l’assaut sur le Palais de Koulouba à coup de lance-roquettes et mitrailleuses. En fin de journée, la forteresse cède. Le président est exfiltré à flanc de la colline qu’il dévalera à pied. Avec son aide de camp, il braque une voiture et se réfugie à l’ambassade du Sénégal. Après un ballet de négociations, ATT remet sa démission à Djibril Bassolé, le représentant de Blaise Compaoré pour la Cédeao. Dix jours plus tard, il s’engouffre dans l’avion de Macky Sall et se réfugie à Dakar.
Blaise Compaoré, l’ «Ivoirien » qui régnait sur Kosyam
Presque un discours d’adieu, Blaise Compaoré s’est voulu incisif en cette matinée du vendredi 31 octobre 2014. Au bout des 27 ans et quinze jours de ses quatre mandats à la tête du Burkina, le « frère » de Thomas Sankara a fait un discours très rapide pour acter sa chute. Un empressement avant que les militaires qui ont fini par se rebeller, ne le livrent aux lubies d’une rue déchaînée.
« Au regard […] de la persistance des troubles à l’ordre public, les pillages des biens publics et privés, les menaces de division de notre Armée nationale [..], je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place immédiate d’une transition devant aboutir à des élections libres et transparentes dans le délai légal maximal de 90 jours », annonce Blaise Compaoré dans son speech.
L’épopée de cette chute débute trois jours plus tôt. Pour s’offrir un cinquième bail au Palais, le président a dévoilé son projet de modifier la constitution par voie parlementaire. La colère gronde dans les rues, sous-tendue par les modifications de 1997 et de 2000 et l’oppression du régime. Les mouvements citoyens et la société civile prennent la tête d’une contestation que même la répression parfois à balle réelles ne parvient à calmer.
Dans les rues de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso, les plus grandes manifestations d’Afrique de l’Ouest et même du Continent, finissent par faire plier Blaise Compaoré. Le Burkina vient d’opérer sa révolution. Après avoir prévenu les partis d’opposition, le président s’engouffre dans un avion pour la Côte d’Ivoire dont il acquiert plus tard la nationalité. L’ex-locataire de Kosyam peut théoriquement être demain, le président de la Côte d’Ivoire. Une autre histoire !
Liamine Zéroual, l’homme qui refusait d’être le pantin des militaires
« Je refuse qu’on m’impose une réconciliation nationale qui offre l’amnistie à des criminels ». Cette réplique qu’il apporte à son successeur qui empruntait les escaliers de Mouradia, est celle qui résume peut-être le mieux, les raisons qui ont conduit le 6ème président de l’Algérie à quitter le pouvoir en convoquant une « présidentielle anticipée ». Lorsqu’il s’adresse aux Algériens à la télévision ce vendredi 11 septembre 1998, chaque mot de la démission de Liamine Zéroual, jugé « intègre » et « sage », est pesé au trébuchet.
En pleine décennie noire, Liamine Zéroual est tiré de sa retraite paisible à Batna pour devenir ministre de la Défense nationale dans le gouvernement du Haut Comité d’État (HCE), mis en place après la démission de Chadli Benjedid. Un tremplin pour la présidence à laquelle il accède par désignation avant d’être légitimé par les urnes lors des élections de novembre 1995. En nationaliste convaincu mais lucide, le général à la retraite durcit sa politique d’éradication du terrorisme après l’échec d’un rapprochement avec les islamistes modérés du Front islamique du Salut (FIS, dissous).
A huis-clos, une lutte intestine au plus au haut sommet de l’Etat fait rage. Ragaillardi par le soutien du Rassemblement national démocratique (RND), le président veut éradiquer les terroristes qui ne veulent pas céder à la reddition. Du côté de l’establishment militaire, on veut ruser avec les terroristes en leur offrant un semblant d’amnistie pour ensuite les neutraliser. A ce titre, les services de renseignement louvoient avec les terroristes et tentent d’arracher l’aval du président via une virulente campagne médiatique visant son homme-lige, Mohamed Betchine.
Excédé, le président qui menaçait de démissionner depuis des mois, s’exécute. Lui souhaite respecter la constitution qui laisse 40 jours de vacance pour tenir une nouvelle élection. Délai intenable pour ses conseillers qui lui demandent un délai de six mois. La passation de pouvoir entre lui et son successeur, un certain Abdelaziz Bouteflika, se fait en avril 1999.
Depuis l’ancien président s’est muré dans un silence qu’il ne brise que pour critiquer celui à qui il a passé le relais. En Algérie, son moindre geste est interprété comme un signe de retour à la Mouradia. Mais l’homme qui goûte peu le pouvoir, semble avoir définitivement laissé la main aux générations futures.
Source : www.cameroonweb.com