Au Togo où trouver un emploi est un parcours de combattant, le personnel des institutions bancaires et des sociétés d’assurances est souvent considéré dans l’opinion nationale comme faisant partie des employés nantis. Tel n’est pas, généralement, le cas. Et il suffit de se référer aux dernières sorties du Syndicat des employés et cadres des banques, des établissements financiers et des assurances du Togo pour s’en convaincre.
Dans le secteur de la banque et de l’assurance, la goutte d’eau qui fait déborder le vase n’est autre que cette affaire de trop : le licenciement abusif de 9 employés du Groupe NSIA. S’ajoute à ce grief, l’illégalité des deux directeurs généraux de cette boîte qui opèrent sans permis de travail.
Une grève de 72 heures en une journée
Lorsque ce feuilleton qui écorne davantage l’image de la société d’assurance NSIA a commencé, le SYNBANK, en collaboration avec le Syndicat des employés et cadres des compagnies d’assurance du Togo (SYNASSUR), a privilégié la voie amiable. Sans suite. Les deux syndicats menacent de lancer un appel au débrayage. Toujours sans réaction.
A l’issue d’une assemblée générale organisée le vendredi 14 juin, la grève est lancée pour débuter le 25 juin et durer 72 heures afin d’obtenir le départ de Chantal Bosso, Directrice Générale de NSIA-VIE et Constant Djeket, celui de NSIA-IARDT et la réintégration des 9 des leurs licenciés sans raison valable. « Si les doléances ne sont pas satisfaites, la grève sera reconduite », précisait à l’issue de cette assemblée générale Awoula Baba, le Secrétaire Général Adjoint du SYNBANK.
Se sentant à l’étroit, la société NSIA contre-attaque quelques jours après l’appel à la manifestation d’humeur à travers un communiqué distribué aux médias contre des espèces sonnantes et trébuchantes. La note explique que les « enjeux économiques » ont conduit le Conseil d’administration de NSIA Assurance au Togo à prendre des « mesures de restructuration comportant un plan initié dans le strict respect du Code du travail et de la convention collective en vigueur ».
Le même document précise que « Les Directeurs Généraux des sociétés d’assurances du Groupe NSIA travaillent dans l’illégalité au Togo », les autres motifs retenus par les grévistes sont « fallacieux » avant de finir : « Les Conseils d’Administration de NSIA Assurances et NSIA Vie Assurances rappellent que toutes les sociétés d’assurances opèrent dans un environnement strictement réglementé et qu’aucun dirigeant de NSIA ne saurait exercer un mandat social salarié sans avoir été dûment agréé par l’autorité de tutelle, le Ministère de l’Economie et des Finances, après avis conforme de la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA).
Les Directeurs Généraux des filiales NSIA au Togo exercent donc en toute légalité et travaillent en parfaite harmonie avec la tutelle et la profession. Leurs actes revêtent toute l’autorité que leur confèrent les dispositions de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique de l’OHADA. Ils disposent également du visa de travail exigé par la réglementation locale pour le personnel de nationalité étrangère ».
Cette opération de communication n’a pas pu réussir à retourner l’opinion contre le SYNBANK. Elle a, semble-t-il, décuplé sa détermination à maintenir la grève de trois jours. Elle débute effectivement le mardi 25 juin. Pour ce qui concerne ne serait-ce que la capitale, le mot d’ordre est respecté, le secteur financier est paralysé.
L’Exécutif s’en mêle
Le bilan de l’entame du débrayage inquiète les milieux financiers et les autorités politiques aux affaires. Alors qu’il entretenait jusque-là une neutralité suspecte dans ce dossier, le gouvernement, par l’entremise des ministres de la Fonction publique, du Travail, de la Réforme administrative et de la Protection sociale, initie une rencontre le même jour. Gilbert Bawara, après avoir rencontré les deux parties, se lance dans un exercice d’équilibrisme devant les caméras. « J’avais déjà reçu les principaux responsables du SYNBANK. J’avais également reçu le Directeur général de NSIA-Togo. J’avais souhaité que le dialogue permette de trouver des solutions à la situation qui prévaut au sein de la société. Les inspecteurs du travail et la Direction générale du travail ont eu à s’occuper de ce dossier comme il est de coutume ».
Tout en appelant à éviter que ce problème ne se transforme en une affaire entre les Togolais contre les étrangers, le ministre relève : « Notre code de travail prévoit à son article 47 des permis de travail avant que les personnes de nationalités étrangères ne puissent travailler dans notre pays. Mais en même temps, je tiens à souligner que le Togo est membre de l’UEMOA et de la CEDEAO et nous ne devons pas perdre de vue le rôle pionnier et particulier du Togo en matière d’intégration sous régionale. Les normes et la législation du travail doivent être respectées, mais nous ne devons pas transformer ce genre de situation en un conflit entre des responsables syndicaux et des étrangers qui travaillent dans notre pays ». Ce qu’il oublie d’ajouter est que ce problème aurait pu trouver une solution depuis si l’Exécutif avait pris ses responsabilités.
Toujours est-il qu’au sortir de cette rencontre, le SYNBANK et le SYNASSUR ont assuré que la grève doit se poursuivre, avant de se rétracter finalement, appeler leurs membres à aller travailler dans leurs structures respectives suite à une rencontre de dernière minute avec leur ministre de tutelle Sani Yaya dans la matinée du mercredi 26 juin. Un appel à la reprise du travail a été lancé dans la foulée.
Une victoire à 80%
« On espère que tout va aller au mieux, la situation promet d’être réglée », a lâché une source proche du dossier hier à L’Alternative. Chassés du Mali, les deux « tyrans noirs » sont visiblement sous la sellette au Togo aussi. En situation irrégulière, leur départ fait partie des points de revendication qui vont trouver une suite favorable.
La détermination de ces deux syndicats a contraint le gouvernement à lâcher du lest, et par ricochet le groupe NSIA.
Selon la Secrétaire Générale Joséphine Patassé du SYNBANK, ils ont obtenu la satisfaction de 80% de leurs revendications. Les 9 licenciés seront affectés dans d’autres institutions bancaires ou d’assurance de la place. Leur désormais ex-employeur leur payera leurs droits. Quant aux directeurs généraux devenus persona non grata, « la question a été abordée avec le ministre. Le groupe NSIA a été vraiment sonné et il lui appartient de tirer la conclusion de ce que les 2 responsables au Togo sont décriés. Et s’ils doivent partir, nous n’avons quand-même pas obtenu une date dans ce sens », répond-elle.
Cette affaire n’est pas encore totalement vidée. « Nous avons juste la certitude que nos doléances ont été prises en compte par notre ministre de tutelle et qu’il n’y a pas de raisons de continuer la grève. Toutefois, nous avons juste suspendu le mot d’ordre. Nous restons en alerte et nous suivons la suite », prévient Joséphine Patassé.
Source : L’Alternative – N°808 du 28 Juin 2019
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