Après avoir décrypté l’actualité sociopolitique nationale dans l’émission «L’autre Journal», diffusée sur la chaîne YouTube du journal L’Alternative, il était clair que les journalistes Joël Egah et Ferdinand Ayité sont rentrés dans l’œil du cyclone de deux ministres du gouvernement Victoire Tomegah-Dogbé. Convoqués par la Brigade de Recherches et d’investigations (Bri) de la Direction Générale de la Police Nationale, puis présentés au Procureur de la République, le Directeur de Publication de votre Journal FRATERNITE et celui du bi-hebdomadaire L’ALTERNATIVE sont accusés, entre autres d’outrage aux représentants de l’autorité publique.
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Ces deux bons esprits mal compris sont “détenus” depuis le 10 décembre dernier. Des condamnations très décriées au sein de l’opinion et qui sont susceptibles de constituer plus de problèmes que de solutions pour le régime cinquantenaire de Lomé.
Tout est parti de l’émission «L’autre Journal». Traditionnelle émission débat dans laquelle les journalistes invités analysent l’actualité sociopolitique au Togo. Lors du numéro incriminé, Ferdinand Ayité et Joël Egah décryptaient la décision d’imposition, par le gouvernement, du pass vaccinal aux lieux de culte au Togo. Des critiques qui n’ont pas plu à deux ministres du gouvernement actuel présentés comme ministres-pasteurs. S’en sont suivi des convocations, par la Brigade de recherches et d’investigation (Bri) de la Police nationale des deux journalistes, en plus de l’animateur Isidore Kouwonou. À l’arrivée, les trois compagnons s’en sortent avec de fortunes diverses. Mandat de dépôt contre Ferdinand Ayité et Joël Egah accusés d’outrage aux représentants de l’autorité publique, propagation de propos mensongers et diffamation et incitation à la haine de l’autorité. Pendant que Isidore Kouwonou est, lui, relaxé mais placé sous contrôle judiciaire.
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Valse de condamnations…
L’arrestation de ces deux journalistes, outre le Conseil national des patrons de presse (Conapp) et l’Office togolais des médias (Otm) qui se terrent jusqu’alors dans un silence sépulcral, n’a laissé indifférent personne. Des organisations de presse aux partis politiques en passant par des réactions individuelles, tous condamnent ces arrestations qui expriment le danger permanent qui risque de passer à la guillotine la Presse critique au Togo.
Pour le Patronat de la presse togolaise (Ppt), l’inculpation des trois journalistes et la détention de deux d’entre eux marquent une triste fin d’année pour la Presse togolaise. Puis, il condamne cet état de fait et demande la libération immédiate des deux journalistes qui se voient privés de leur liberté à la suite de l’expression de leur opinion. Outre Cojito qui y va du même ton, la section togolaise de l’Union internationale de la Presse francophone se dit consternée. L’Upf-Togo considère non seulement ces arrestations comme étant regrettables, mais comme un véritable recul en matière de liberté d’expression au Togo. La détention arbitraire de Joël Egah et Ferdinand Ayité, pour Amnesty International, confirme la volonté du gouvernement togolais de faire taire les voix dissonantes dans le pays.
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Parallèlement aux organisations de Presse, la Dynamique Monseigneur Kpodzro (Dmk) dénonce avec vigueur, ces arrestations de journalistes pour des opinions exprimées dans l’exercice de leur fonction. «Cet empressement du régime à embastiller tout auteur de pensées ou d’écrits critiques traduit sa volonté de faire peur afin de museler la vérité pour se maintenir au pouvoir », écrit Brigitte Kafui Adjamagbo, la Coordinatrice de cette coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile qui conteste, à ce jour, la victoire de Faure Gnassingbé à la présidentielle de Février 2020.
Dans une lettre ouverte adressée à Pius Agbetomey, Garde des sceaux, ministre de la Justice et de la législation et l’un des plaignants, Me Alexis Ihou, Me Kwasigan Adje-Woda Arnaud Agba et Me Raphaël Nyame Kpande -Adzare, respectivement avocats aux barreaux de Lille, Toulouse et Lomé relèvent ce qui paraît, à leurs yeux, une «curiosité « dans la démarche de dénonciation du ministre. Pour ces trois avocats, les journalistes mis en cause étaient en train de faire l’analyse de la situation sociopolitique au regard de l’actualité. Par conséquent, étaient dans l’exercice de leur fonction de journaliste. Ainsi, concluent ces trois avocats, les faits qu’on leur reproche ne sont pas détachables de cette fonction.
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Plus loin, Me Ihou, Agba et Kpande-Adzare disent voir en Pius Agbetomey, un «curieux dénonciateur», relevant notamment son silence sur l’affaire des miliciens dont il a été pourtant saisi par la Ligue togolaise des droits de l’homme (Ltdh) en 2017. De même qu’ils relèvent aussi l’inaction du ministre de la Justice sur les allégations de tortures et les traitements cruels, inhumains et dégradants commis sur ses concitoyens d’ailleurs en détention arbitraire, sa passivité dans la scandaleuse affaire de détournement de près de 500 milliards FCFA, révélée par enchantement par l’un des journalistes mis en cause, dans la Gestion et de la commande des produits pétroliers par le Comité de suivi de fluctuation des prix de produits pétroliers (Csppp), puis des cas de tueries de personnes, des petits enfants encore à la fleur de l’âge. Des dossiers d’une gravité insoupçonnable mais qui n’ont, malheureusement pas pu émouvoir le ministre de la Justice. Ce dernier qui, curieusement, s’ébranle sur une analyse de journaliste portant sur sa personne.
Deux esprits libres mal compris
Le sort que réserve le pouvoir public togolais à Joël Egah et Ferdinand Ayité ne surprend guère. En effet, les Directeurs de publication des journaux Fraternité et L’Alternative se sont toujours démarqués par leur combat contre l’injustice sociale, l’impunité, la mal gouvernance et le clientélisme, des tares qui sont érigés, au fil des années comme règle par le régime de Lomé. Une politique alambiquée et tétraplégique qui décrit deux Togo. L’un pour une minorité qui s’accapare indûment les ressources du pays, pour paraphraser Faure Gbassingbé qui reconnaît, lui-même, le fait. L’autre pour une majorité désœuvrée, croupissant dans la misère, privée de liberté individuelle et collective et étouffée de tout point de vue. Une situation de torpeur et de hantise permanente renvoyant au triste et affligeant mage d’un orphelin battu par son bourreau qui lui interdit de sangloter.
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Aujourd’hui, l’incarcération de ces deux journalistes pour un fait si banal vient corroborer la horde de persécution et d’injustices dont ils ont toujours été victimes dans leur lutte citoyenne. En effet, on se rappelle de la suspension de trois mois infligée par la Haute autorité de régulation et de la communication (Haac) au journal Fraternité courant (mars 2021). Ceci, à la suite de sa dénonciation de la condamnation préalable de quatre mois infligée au journal L’Alternative, sur plainte d’un diplomate occidental en poste au Togo, à l’époque. Par la suite, le confrère Ferdinand Ayité aura été victime, dans le cadre de l’exercice de son métier, d’une sorte d’harcèlement et de cabales des pontes du régime dont il n’hésite pas à dénoncer des inconduites.
C’est donc clair que pour avoir pris le parti des faibles et des voix sans voix, Joël Egah et Ferdinand se sont attirés injustement sur eux, la foudre des ennemis de la République. Ce qui explique au mieux leur embastillement qu’aucune raison ne pourrait expliquer. Ce qui justifie d’ailleurs «une incongruité judiciaire» que relève dans ce dossier, l’avocat de Ferdinand Ayité, Me Elom Kpade. Qu’à cela ne tienne, ces condamnations ne sauraient ébranler le courage et le moral de ces infatigables combattants de liberté plus que jamais libres dans leurs esprits.
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Une mauvaise publicité pour le Togo
Vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, renseigne le dicton. Prétendant taire deux voix dissonantes et encombrantes, le pouvoir de Lomé se tire, sans le savoir, une balle dans les pieds. En effet, cette détention que tous s’accordent à qualifier d’irrégulières intervient dans un contexte si particulier. Celui des préparatifs du Togo qui présentera, début 2022, dans quelques jours donc, son troisième cycle d’Examen Périodique universel (Epu) à Genève en Suisse. Une épreuve qui s’avère déjà complexe pour le gouvernement du Togo qui aura fort à faire pour convaincre le Comité des nations unies pour les droits de l’homme. Ceci, au regard des multiples violations des droits humains qui ont cours dans le pays. Lesquelles violations viennent d’être corsées ces derniers temps par les sanctions disproportionnées infligées au journal The Guardian et à son Directeur de publication, Ambroise Yawo Kpondzo. L’on ne passera pas sous silence le retrait de récépissé au journal Indépendant Express. Tout ceci ajouté aux restrictions des libertés individuelles et collectives donnent du fil à retordre au régime de Lomé plus que jamais dos au mur.
Dans la foulée, les trois journalistes mis en cause dans ce dossier ont été auditionnés durant des heures (…) par le Doyen des Juges d’Instruction. Isidore Kouwonou est toujours sous contrôle judiciaire. Par contre, Ferdinand Ayité et Joël Egah, placés sous mandat de dépôt, ont été déposés nuitamment à la prison civile de Lomé vendredi. Un procès probable est attendu la semaine prochaine…
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En somme, c’est une mauvaise publicité pour le Togo qui se voit ainsi de plus en plus loin du Millenium Challenge Corporation. Le jackpot du programme d’investissements du gouvernement américain que le Togo a du mal à décrocher ces quatre dernières années. Ceci, pour déficit de certains indicateurs clés dont celui ayant trait aux volets politiques, promotion de la démocratie et des libertés fondamentales. Lesquels sont véritablement en souffrance au pays de Faure Gnassingbé qui opère son grand retour à la méthode forte. Mieux, à la dictature.
Avec Fraternité
Source : Togoweb.net