Affaire Ferdinand Ayité : l’ex-directeur de la télé LCF monte au créneau

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L’Affaire Ferdinand Ayité n’a pas fini de faire couler de l’encre. Le confrère Luc Abaki, ex-directeur de la télé LCF (La Chaîne du Futur), y est lui aussi allé de sa vigoureuse intervention.

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C’est désormais établi, Ferdinand Ayité directeur de publication du journal L’Alternative et Joel Egah, patron du quotidien Fraternité sont sous le coup d’un mandat de dépôt pendant que Isidore Kouwonou, rédacteur en Chef de l’Alternative, est sous contrôle judiciaire. Les deux premiers ont été conduits mardi pour être écoutés au fond du dossier initié sur la base d’une procédure judiciaire en lien avec le code pénal, en lieu et place du code de la presse. Ceci fait la suite à une mystérieuse plainte d’au moins un membre du gouvernement en l’occurrence, le ministre de la justice, garde des sceaux, patron du parquet. Ce dernier aurait piqué une vive colère contre les confrères qui, au cours d’une émission de la chaîne numérique l’Autre Journal, ont tenu des propos que le plaignant considère comme outrageants et diffamatoires à son encontre.

L’homme est si énervé qu’il estime inadéquate l’utilisation du code de la presse pourtant voté et promulgué en début d’année 2020 pour régenter le monde journalistique togolais. Il est si courroucé qu’il trouve superflu et notamment aussi sans intérêt, la régulation que pourrait faire la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) dont la mission est pourtant de s’occuper des conditions d’exercice du métier de journaliste au Togo.

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Pour échapper à ces contraintes qui relèvent en réalité du bon sens et de la raison, il s’arc-boute sur le fait que les propos ont été tenus sur un réseau social qui, incongrument est dégagé de l’escarcelle du code de la presse voté en janvier 2020. Ainsi donc, dans l’entendement des officiels togolais, c’est le droit commun qui doit être mis en mouvement, naturellement au mépris de l’identité et de la profession des personnes mises en cause.

Ainsi, l’irrésistible envie de revanche de monsieur le Ministre l’a donc amené à instruire le parquet de prendre un réquisitoire recommandant clairement les mandats de dépôts contre les confrères mis en cause. Ce qui fut fait avec un remarquable empressement dans l’après-midi du vendredi le 10 décembre 2021 par le doyen des juges d’instruction.

Ainsi donc, le garde des sceau en personne, ministre de la justice dont la charge est de veiller à l’application rigoureuse des lois de la République, mais aussi à la préservation de la paix et de la cohésion sociale par un travail d’assainissement de la vie publique, outrepasse le code régulant la vie et le fonctionnement d’un secteur aussi vital dans la vie d’une République que celui des médias pour recourir à une arme plus ferme, plus dure et plus coercitive, l’enfermement qui prive ceux-ci de leur liberté de mouvement et d’action. Par voie de conséquence, leurs plumes sont tombées, leur voix éteinte et le silence acquis, très probablement pour longtemps si rien de déterminant n’est fait.

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Mais ce faisant, l’Etat togolais entre en contradiction frontale avec les principes démocratiques élémentaires consacrés partout dans le monde. Voilà pourquoi l’emprisonnement des deux journalistes a créé un tollé général sinon une vraie révolte au sein de l’opinion nationale et internationale. Reporter sans Frontières a appelé à la libération immédiate des confrères arbitrairement détenus, il en est de même d’Amnesty International qui y voit une volonté de faire taire des voix dissidentes dans le pays, pendant que les organisations de la société civile, de la défense des droits de l’homme au plan national ont eu, par un communiqué conjoint, à s’indigner de l’avalanche des arrestations arbitraires qui s’abattent désormais sur le peuple togolais. Le cocktail est ainsi fait, tous les journaux sérieux dans le pays ainsi que des organisations de presse s’en sont saisis pour exprimer leur ras-le-bol face aux incessants harcèlements dont les journalistes font l’objet au Togo.

Au-delà de tout ceci, la volonté de nuire à des citoyens pour leur opinion, qu’elles soient justes, erronées ou fausses, cause fondamentalement un problème de capacité de nos dirigeants à manager avec efficience leurs propres concitoyens dans le pays.

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Dans un premier temps, nos dirigeants ont un intérêt complet à comprendre que les lois à elles seules ne peuvent jamais permettre de réguler des individus dans un écosystème social. Pour que les citoyens parviennent à se soumettre volontairement à la loi, à se montrer discipliner et dynamiques afin de servir décemment la cause commune, il faut bien que ceux qui ont la charge de leur lead en donnent l’exemple par leur conduite irréprochable, par leur leadership et leur disponibilité à servir la cause de tout le monde à la fois sans tricher ni brimer, sans se compromettre par des actes qui affaissent les valeurs humaines et démocratiques.

En tout, ils doivent eux-mêmes, dans leur conduite des affaires de l’Etat, se positionner en modèles inspirants de sorte que rien que par leur service, et sans même que les citoyens n’aient connaissance des dispositions des lois en vigueur, les prennent en exemple et les imitent tout simplement. C’est cela qui gouverne le principe du Vivre Ensemble ; autrement, dès lors que les dirigeants ont déjà le pouvoir de décision, de manipulation à leur guise de la loi, s’ils y ont recours pour se faire justice face à n’importe quelle situation, ils auront naturellement tort au sein de l’opinion, car l’on y percevra forcément de l’abus d’autorité.

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Ensuite, les dispositions mêmes de l’actuel code de la presse comportent d’immenses aberrations qui indiquent clairement que dès le départ, le législateur avait bien l’intention de se montrer méchant à l’égard des journalistes. Ainsi par la ruse et la duperie, il a proclamé la dépénalisation des délits de presse en même temps qu’il a introduit des subtilités juridiques qui enlèvent à ce code, toute sa vitalité.

Lorsqu’il est par exemple dit à l’article 156 de l’actuel code que « tout journaliste, technicien ou auxiliaire des médias, qui a eu recours aux réseaux sociaux comme moyens de communication pour commettre toute infraction prévue dans le présent code, est puni conformément aux dispositions du droit commun », quel sens le législateur-dirigeant donne-t-il vraiment à une telle disposition ?

A supposer donc que les propos présentement incriminés avaient été écrits dans les journaux respectifs des deux journalistes, il n’y aurait donc pas eu infraction ou recours au code pénal ? Ou alors si ces propos avaient été tenus dans une chaîne de télévision régulière et par la suite leurs portions tombent sur les réseaux sociaux comme c’est bien le cas à tout moment et dans tous les pays du monde, qu’adviendrait-il ? Cette seule disposition suffit largement pour prouver que nos autorités ont un mal réel à vivre avec leur temps d’autant plus qu’il n’existe plus de média sérieux qui ne dispose pas d’identité sur les réseaux sociaux.

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Au regard de tous ces éléments qui heurtent de front le bon sens propre à l’espèce humaine, l’on perçoit évidemment une volonté funeste du dirigeant de faire mal, de nuire à tout prix aux journalistes sur qui il a toujours naturellement porté un regard particulièrement méfiant et ce, depuis des années.

Cette affirmation est si évidente qu’elle est élucidée et corroborée par les faits et gestes des dirigeants eux-mêmes. Voyons, en matière judiciaire, la détention est l’exception et la liberté reste la règle. Alors est-ce que c’est parce qu’un ministre s’est plaint d’avoir été diffamé que son sentiment à lui ou sa plainte à elle seule vaut un procès ? Il est clair que non!

La logique voudrait donc que si réellement les gens sont de bonne foi et veulent se soumettre aux exigences de cette loi, la procédure soit simplement initiée et conduite jusqu’au procès qui établisse clairement la culpabilité des journalistes mis en cause avant, éventuellement, de les envoyer en prison, au besoin.

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L’on nous retoquera certainement que le procureur ou le juge d’instruction a le droit d’ordonner la détention préventive. Oui mais la même loi aussi prévoit des alternatives crédibles à cette détention préventive. C’est sans doute parce que de façon systématique et aveugle, les autorités judiciaires recourent à la détention provisoire des citoyens que les prisons togolaises sont jusqu’à cette année 2021, surpeuplées à 170% dont justement, 56% des prisonniers sont en détention provisoire sans procès, en tout cas selon le constat établi récemment par Amnesty.

Qui objectivement, imagine Ferdinand Ayité ou Joël Egah en fuite à cause d’une procédure judiciaire ?

Du coup, l’on comprend volontiers que le but du gouvernant n’est pas tant d’élever les citoyens, de les orienter et de les inspirer par une forme de pédagogie et un travail inlassable qui vise le Vivre Ensemble et la préservation du Bien Commun que constitue le Togo et ses avoirs. Mais plutôt de les museler par des méthodes d’intimidations, par l’usage de la peur, par l’étouffement en vue de se faire un espace de silence même face à ses propres dérives. Ce faisant, il n’a donc pas de choix que de recourir à des méthodes peu honorables, sinon lâches pour conquérir son respect et sa crainte, plutôt que de chercher à les mériter par ses œuvres qui devraient rendre compte de sa noblesse et de sa grandeur d’âme.

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A cette allure, si rien de sérieux n’est fait par les dirigeants eux-mêmes pour rectifier le tir, en vue de viser de grandes et nobles choses, notre pays est bien parti pour sombrer dans la légèreté, le jonglage et la superficialité qui ne peuvent jamais construire une grande nation.

Le fait que ce petit pays pourtant garni d’inouïs atouts et compétences est encore à la traine et se voit contraint de recourir de façon régulière à des prêts, à des emprunts obligataires et à une assistance extérieure afin de continuer à vivoter, s’explique simplement par ces défaillances dont nous avons fait état tout au long de cette tribune.

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Ainsi donc, tant que nos dirigeants ne comprendront pas que pour bâtir un peuple grand qui permet de construire un pays prospère, ils doivent d’abord et avant tout renoncer à leur gloire personnelle, à leur dignité individuelle et à leurs intérêts singuliers en vue de travailler sans relâche sur l’honneur, la gloire et la dignité du pays lui-même, rien de significatif ne serait fait dans ce Togo et les choses, naturellement, iront de mal en pis, au grand désarroi des dirigeants eux-mêmes, mais aussi du peuple dans son ensemble.

Luc Abaki



Source : Togoweb.net