En février 2020, l’élection présidentielle au Togo ne s’est pas traduite par la vérité des urnes mais par celle des armes.
Faure Gnassingbé envoyait les militaires aux trousses de son premier opposant Agbéyomé Kodjo, lequel est aujourd’hui en exil.
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Togo, février 2021…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la voix de la France s’est faite discrète depuis le scrutin présidentiel togolais du 22 février 2020, il y a un an. Très discrète.
Enfin presque, puisque suite à une plainte déposée par l’ambassadeur de France au Togo en mars 2020, des journaux togolais ont vu leur rédaction sanctionnée, et leurs publications suspendues pendant 2 mois. L’ambassadeur de France au Togo Marc Vizy n’avait pas trouvé mieux que de commander au pouvoir togolais en place de sanctionner le quotidien “Liberté” et le bimensuel “L’alternative”. Un comble.
Pour mémoire, le discours de Ouagadougou sur l’Afrique du Président Macron en 2017, plein de verve et de splendeur ce jour-là, après quelques références à Mandela, Albert Londres et André Gide était très clair : “partout on encouragera celles et ceux en Afrique qui veulent prendre leurs responsabilités, veulent faire souffler le vent de la liberté et de l’émancipation”.
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Étrange plainte de l’ambassadeur de France au Togo après ces mots présidentiels, d’autant plus que le contenu des articles incriminés n’aurait pas pu souffrir l’ombre d’une mise en cause judiciaire en France dans un journal français !
Bien sûr, ça ne fait pas plaisir de voir quelques intrigues sorties des coulisses du pouvoir français dans la presse togolaise, mais cette plainte française auprès d’un pouvoir dictatorial aussi affermi que celui du Togo de la famille Gnassingbé, aux commandes depuis 1967, range la France dans le camp de la Russie en matière d’usages diplomatiques.
On pourrait également s’émerveiller des déclarations martelées, sur un ton presque martial, du ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian, la main sur le cœur, les accents de sincérité travaillés au plus près, sur le registre du journalisme “instrument de liberté”.
Pardon d’insister mais cette plainte déposée, et ses conséquences, plus qu’une démonstration supplémentaire de la vacuité du discours politique de l’exécutif français est une entaille (de plus) très profonde dans la promesse universelle de la France à la liberté et la démocratie.
Il faut préciser que la presse d’opposition s’est donc retrouvée muselée à cause de la France, au moment où le Président Gnassingbé assurait tranquillement sa réélection par les armes et non par les urnes. A cause de la France.
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Un scrutin s’est bien tenu le 22 février 2020. Mais les résultats n’ont pas été pris en compte ! Les procès-verbaux des résultats par bureau de vote n’ont pas été rendus publics… et pour cause, là où des résultats partiels avaient été collectés, ils ne convenaient pas au pouvoir togolais en place depuis des lustres.
Et puis, il y a cette pratique devenue quasi coutumière depuis les dernières élections au Gabon : envoyer l’armée chez le principal opposant. Ainsi donc, alors que la résidence d’Agbéyomé Kodjo était prise d’assaut par la dictature, que lui et sa femme – française – étaient menottés, le ministre des affaires étrangères de la France ne trouvait rien de mieux à faire que de demander à son ambassadeur de porter plainte contre les journaux d’opposition, parvenant jusqu’à faire interdire leur publication ! En revanche, la protection consulaire de l’épouse d’Agbeyomé Kodjo, celle que la France doit à tous ses ressortissants de par le monde : aux oubliettes. La honte diplomatique…
Faut-il préciser qu’en l’absence de l’archevêque de Lomé qui s’interposa à plusieurs reprises, Agbeyomé Kodjo aurait été tout simplement liquidé.
Faut-il préciser que – n’en déplaise au Premier ministre Jean Castex et ses propos sur le colonialisme – la France se joue du Togo comme d’une marionnette depuis la décolonisation et n’a de cesse de s’ingérer dans les affaires intérieures du pays.
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Il suffira de quelques recherches pour mettre au grand jour les intérêts économiques de court-terme que trouve la diplomatie française à son soutien sans vergogne et sans faille au tyran togolais. Contrat en téléphonie, financement de la guerre au Sahel etc… Le Togo met la main à sa poche pour les beaux yeux de Paris.
A la faveur de la pandémie mondiale, la France s’est contentée de jouer un mauvais jeu diplomatique en eau trouble, plus que jamais, au sujet de l’élection présidentielle du Togo de février 2020. Résultat consternant. Même sur le plan des affaires : la Russie a montré récemment sa nouvelle belle entente avec la dictature, bientôt prête à damer le pion aux acteurs français mal installés désormais au palais comme vis-à-vis d’une population chaque jour davantage consciente du rôle des puissances étrangères sur leurs difficultés quotidiennes.
Au moment du Mercato des ambassadeurs de l’été, on a quand même changé discrètement celui de France au Togo, vraiment trop à découvert, et aussi parce que même les plus françafricains des conseillers du ministre Le Drian trouvaient qu’on était allé un peu trop loin et cela qui plus est, sans la moindre discrétion.
Manifestement la diplomatie française a atteint son niveau record de basse besogne dans cette histoire togolaise en éconduisant la démocratie qui avait eu l’audace de frapper à la porte, probablement pour la première fois de l’histoire du pays.
Est-ce la raison pour laquelle on ne trouve aucune trace d’une reconnaissance officielle par la France de la réélection du dictateur Gnassingbé, ni coté Élysée, ni coté Quai d’Orsay ? C’est pourtant l’habitude en pareille situation.
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Est-ce la raison pour laquelle un document qui prend l’allure d’un faux, utilisant la signature du Président de la République Emmanuel Macron et félicitant F. Gnassingbé, n’a pas été démenti ? Le contenu de ce document a été relayé par RFI dans cet article : “Togo: un mois après le scrutin, le président français salue la victoire de Faure Gnassingbé”, sans qu’on puisse trouver d’autres sources que des officines obscures de com’ du dictateur Gnassingbé.
Honte à la rédaction de RFI si elle n’a pas décroché son téléphone pour vérifier de source sûre, c’est-à-dire auprès de l’Élysée, les propos qu’elle prêtait au Président de la république française. Coté officiels français, ne pas revenir dessus relève de la faute diplomatique grave !
Le zèle de l’ambassadeur de France au Togo à faire tomber la presse d’opposition togolaise se serait-il évanoui quand il s’agissait de dénoncer les mensonges de la dictature togolaise ? Le ministre des affaires étrangères ne trouve-t-il rien à redire quand la parole de la France est tournée en ridicule ? Ces silences sont plus que gênants…
L’utilisation frauduleuse de la signature du Président de la République française est un délit. Le silence des autorités françaises sur cette tentative de manipulation de l’opinion togolaise est coupable.
En Guinée, au Cameroun, en Cote d’Ivoire, au Mali, au Gabon, en Centrafrique et dans bien d’autres pays, la France s’avance tout doucement vers le banc des accusés, celui de ceux qui fragilisent, freinent ou dégradent les processus démocratiques si fragiles en Afrique.
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Au Togo, la France a très mal agi. Et maintenant, un an après la mascarade électorale dont il s’est fait complice, le pays des droits de l’homme doit payer sa dette à ces togolaises et togolais en si grande difficulté : la France doit par tous moyens aider la démocratie à gagner la partie au Togo. Il en va de la vie des togolais, il en va de l’honneur de la France.
Sébastien Nadot/Député français
Source : Togoweb.net