Les députés de la majorité présidentielle ont adopté vendredi 22 juin au nouveau siège de l’Assemblée Nationale à Lomé le projet de loi de finances rectificative gestion 2018. Au total, le projet de loi des finances rectificative s’équilibre à 1.310.934.862.000 FCFA contre un budget initial de 1.321.918.601.000 FCFA soit une baisse de 11 milliards FCFA.
Pour le ministre de l’Economie et des Finances Sani Yaya, l’adoption de cette loi de finances rectificative est rendue nécessaire par l’évolution de la conjoncture socio-économique et financière intervenue au cours de l’exécution de la loi initiale adoptée le 27 décembre 2017. Il évoque entre autres la crise socio-politique avec des manifestations violentes depuis le second semestre 2017 qui a affecté négativement l’activité économique, réduisant de ce fait le niveau de mobilisation des recettes fiscales et douanières. En 2017, la crise avait engendré un manque à gagner d’environ 50 milliards FCFA en recettes fiscales.
Au titre des dépenses, le gouvernement parle de la satisfaction de nouveaux besoins sociaux liés notamment aux revendications des agents des secteurs de l’éducation, l’organisation des sommets ACP- UE/CEDEAO-CEEAC et la prise en charge des besoins du nouveau ministère de l’Eau et de l’Hydraulique villageoise, l’augmentation des subventions aux Universités de Lomé et de Kara ainsi qu’aux enseignants confessionnels, la prise en compte de nouvelles demandes d’investissements financées su ressources propres, l’exonération de l’importation et la vente de matériels de production des énergies renouvelables effectuées par des entreprises agréées par le ministère chargé de l’Energie, de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et du Droit de Douane.
A cet égard, le gouvernement dit avoir commis un cabinet d’expertise spécialisé qui a travaillé sur l’efficacité de la dépense publique qui a abouti à des mesures d’économie à réaliser sur les différentes catégories de dépenses budgétaires. C’est ainsi qu’une économie d’environ 18,5 milliards FCFA est envisagée sur les dépenses de biens et services et sur certaines dépenses liées aux subventions et transferts ainsi qu’aux investissements. Ce qui suppose que sans ce cabinet, plus de 18 milliards partaient par pertes et profits. En clair, des magouilles tuées dans l’oeuf.
« Les principales conclusions du cabinet d’experts qui a travaillé sur l’efficacité de la dépense publique indiquent qu’il subsiste des possibilités d’améliorer l’efficience au niveau de l’Etat et que de ce fait des actions ciblées devraient être menées. Ces actions s’articulent autour des initiatives ci-après : la mise en place d’un comité de suivi et de contrôle des investissements dont la mission sera de s’assurer de la maturité des projets inscrits au budget de l’Etat. En effet, l’inscription de projets peu ou non matures est une source importante d’inefficience. Il s’agira aussi de s’assurer de la coordination des différents projets afin d’éviter les doublons ; le dégagement des emprises avant le début des travaux sur les projets routiers afin d’éviter les chantiers bloqués du fait du non dégagement des emprises, ce qui finit par coûter plus cher à l’Etat ; la réalisation des achats de biens et services de manière standardisée ; en effet on constate des disparités importantes entre les différentes administrations pour le même service ; la mise en place d’un comité d’audit des conventions d’exonération et d’un comité MEF-OTR d’approbation de nouvelles demandes d’exonérations ; l’établissement d’une procédure de mise à jour de la base de données de la masse salariale et la suppression des salaires indûment versés via un recensement général des fonctionnaires », révèle le cabinet.
De l’incohérence aux violations des directives de l’UEMOA
Face à ces exposés de motifs, certains députés notamment de l’opposition n’ont pas manqué de manifester leur désapprobation par rapport aux arguments tordus invoqués. D’abord, cette loi de finance tout comme les autres lois de finance depuis quatre ans, a été initiée en violation des articles 63 et 74 de la loi N°2014-013 du 27 juin 2014 relative aux lois de finances et qui est une directive de l’UEMOA.
Pour cause. Depuis 2014, aucune loi de règlement qui permet de contrôler l’exécution des budgets des années antérieures n’a été étudiée jusqu’à terme. L’article 74 de cette loi organique adoptée en 2014 prévoit qu’à chaque trimestre, les informations concernant l’exécution du budget de l’Etat devaient être communiquées aux députés et Adoption de la Loi de finance rectificative Incohérence, violations des directives et prodigalités de Faure Gnassingbé au menu. Un Cabinet d’expertise révèle des magouilles de plus de 18 milliards au public. Ceci n’a jamais été fait depuis que le gouvernement a initié la SCAPE remplacée aujourd’hui par le Plan National de Développement (PND). Cela montre clairement l’opacité qui caractérise la gestion du pays.
La réédition des comptes n’est pas dans l’agenda du gouvernement. S’agissant de l’impact de la crise qui traverse le pays, nombre de rapports du Fond Monétaire International (FMI) et des observations crédibles avaient prévenu le gouvernement que le taux de croissance considéré comme l’assiette de base par les projections et prévisions du budget initial était exagérée.
Même les prévisions les plus optimistes ne donnaient par un taux de croissance de 4,5% à la fin de l’année 2017. Mais le gouvernement ne les a pas intégrées et surfait sur un taux de croissance de 5%. Et c’est bien la preuve de l’insincérité des prévisions qu’avait dénoncées la présidente du Groupe parlementaire ANC Me Isabelle Ameganvi dans son explication de vote pour le rejet de ce budget imaginaire le 27 décembre 2017.
Plus grave, toutes les malversations, les faux diagnostics et les projets bidon depuis la SCAPE en 2013 au PND aujourd’hui dénoncés par les députés de l’opposition, il a fallu attendre les conclusions d’un cabinet d’expertise payé à coup de plusieurs millions pour penser à l’efficacité des dépenses publiques. Pourtant, le pays est surendetté sans que les responsabilités soient situées.
De la conclusion du fameux cabinet, on se demande où se trouve finalement l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP). De plus, quelle est l’opportunité de l’organisation des sommets ACP-UE et CEDEAO-CEEAC à Lomé à coup de milliards pendant que les enseignants occupaient les rues ? Aujourd’hui, pour des besoins d’environ 2 milliards, les enseignants-chercheurs de l’Université de Lomé entrent en grève illimitée à partir d’aujourd’hui lundi 25 juin.
Rien que pour ripoliner son image de dictateur, Faure Gnassingbé envisage regrouper les Etats de l’Afrique Centrale à Lomé en plus de ceux de la CEDEAO le 31 juillet prochain pour un budget que le gouvernement refuse de communiquer aux députés, représentants du peuple. Juste pour faire aussi faire plaisir à Ali Bongo, président de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), Faure décide de naviguer à contre-courant. Où sont les retombées du sommet sur la sécurité maritime ?
A coup des incohérences et de prodigalités, le chef de l’Etat très contesté au pays et ailleurs, décide de modifier le budget du pays.
Pauvre Togo, jusqu’à quand !
Source : Le Correcteur N’825 du 25 Juin 2018
Source : www.icilome.com