C’est à croire que Faure Gnassingbé qui préside aux destinées du Togo n’est vraiment pas préparé à assumer le Togo devant l’histoire. Ce Togo où « Nous avons laissé humilier l’intelligence des pères /Nous avons laissé la lumière du verbe s’avilir/Jusqu’à la honte et au mépris de soi dans nos frères ». Une fois encore, Faure Gnassingbé tourne en rond. Faure Gnassingbé qui déjà ne parle pas, tourne et tourne autour du Togo, s’arrête, vise et rate la cible de la démocratie en ce début d’année 2017. Et nous voilà repartis sur d’inutiles chemins de traverse.
En attente d’une allocution de fin d’année, des vœux a minima pour certains, un improbable état de la nation pour d’autres, les citoyens du Togo se sont retrouvés face à un curieux substitut : un décret présidentiel portant création d’une nouvelle « Commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles », un alliage de tout et de rien pour nourrir l’appel d’air créé par les pressions diverses que subies le Togo dans ses vices démocratiques. Une confusion, un amalgame, une togolaiserie, un dilatoire éhontés à la Faure Gnassingbé. Le chef de l’État togolais finira par se décider à servir un message de vœux, sans relief ni prise sur les préoccupations des citoyens…
L’astuce toute trouvée, est l’apocryphe Recommandation 8 du rapport de la Commission Vérité, Justice Réconciliation, la CVJR, qui renferme plus d’une soixantaine de recommandations, et des dizaines d’autres exhortations dissimulées tout le long du document. Évidemment, le Rapport final de la CVJR n’a jamais parlé de « Commission de réflexion » dans sa Recommandation 8, même si le terme « réflexion » s’y trouve.
Mais au Togo, l’on sait profiter des situations les plus floues et en jouir jusqu’à satiété : arrêter tout et décréter la réflexion entre un groupe de personnes dont la distance et l’autonomie resteront légitimement questionnables. La curieuse Recommandation 8 parle de « questions complexes (…) modèle occidental (…) ce modèle éprouve du mal à régir notre société nationale pluriethnique où les réflexes grégaires ou communautaristes continuent d’être prédominants ». En clair, la Recommandation 8 demeure la recommandation de l’invouloir politique, probablement introduite malicieusement par une main non innocente. Le terme réflexion y figure avec la prétention démesurée que les politiques togolais devraient réinventer la démocratie et l’adapter à leur réalité. Ridicule Recommandation 8 : tout le monde est en démocratie partout autour, et au Togo on décrète la réflexion pour la réinventer.
Toutes les dérives du dilatoire sont ainsi effectuées au nom de cette Recommandation 8 : le « Haut-commissariat à la réconciliation nationale et au renforcement de l’unité nationale », le fameux HCRRUN, et son « Atelier de réflexion et d’échanges sur les réformes politiques et institutionnelles » de juillet 2016 qui n’a rien trouvé d’autre que ce qui existait déjà dans la pensée des Togolaises et des Togolais : mettre en œuvre les réformes longtemps convenues. Puis, en janvier 2017, cette nouvelle « Commission de réflexion », sans horizon, sans échéance; une « Commission de réflexion » restée monocolore, pour être prise au sérieux dans sa capacité de refléter l’intérêt général.
Seule la Démocratie sauvera les Gnassingbé
Comme de nombreux Togolais, Gilchrist Olympio, partenaire du pouvoir présidentiel discrètement appelé au secours de la « Commission de réflexion » ne semble pas en être convaincu non plus : « cet intérêt général pour revêtir sa forme historique ne saurait être différent de ce que tous nos pays voisins ont réussi, et dont le Togo peine à trouver la voie. Je veux parler de l’alternance politique, une alternance dont l’esprit de dialogue au sein de la classe politique togolaise devrait partager la nécessité et les promesses à tous. » Manifestement, l’année 2017 ne commence pas sous des perspectives convergentes en matière d’alternance politique au Togo.
Nonobstant la valeur des personnes appelées à réfléchir dans cette fameuse « Commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles », il ne fait l’ombre d’aucun doute, au Togo et dans sa Diaspora, que l’essentiel a déjà été dit; l’essentiel a déjà été convenu entre tous les acteurs togolais quant aux conditions nécessaires à l’avènement de la démocratie et de l’alternance. Réformes, bonne foi, éthique républicaine.
La faiblesse d’Achille était son talon. Malgré toute la fougue de sa jeunesse, tous les actes de sa mère, tous les conseils de son père et tous les avis de ses conseillers, Achille périra par sa faiblesse. La faiblesse de Faure Gnassingbé est son invouloir, son indécision, son refus de la démocratie, son dilatoire, son obstination à croire qu’il peut tromper indéfiniment ses concitoyens et s’éterniser au pouvoir. Dans l’invouloir, Faure Gnassingbé n’a aucun avenir. Sans la démocratie, Faure Gnassingbé est en sursis politique; il est la première personne à le savoir. L’avenir même de Faure Gnassingbé est enchâssé dans la démocratie au Togo. La démocratie sauve!
Il est important de comprendre l’histoire, l‘intégrer efficacement pour mieux refléter l’avenir dans les décisions politiques. L’histoire du Togo n’est particulièrement pas élogieuse sur l’épopée des Gnassingbé. C’est essentiellement ce qui ressort de crucial et d’incontournable du Rapport final de la CVJR dont l’essentiel tient au devoir de justice et de réparation face aux « cas d’assassinats, d’exécutions sommaires, de tortures et de traitements inhumains, de disparitions forcées, même pour les faits couverts par l’amnistie ». Il faut donc passer aux actes de la démocratie.
Alternance politique, une incontournable solution
Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse à travers mille et une Commission, l’alternance démocratique est porteuse de réconciliations au Togo. Dans ce sens, elle est inévitable. Il n’y a donc pas une autre option pacifique et raisonnable au Togo : Faure Gnassingbé doit adhérer à la pleine démocratie, allez au-delà des attentes de ses compatriotes, se montrer généreux dans les réformes attendues de lui, et mériter l’indulgence de la République. Personne au Togo ni à travers le monde ne saurait oublier les conditions de captation du pouvoir par Faure Gnassingbé, sans un sauf-conduit délivré par le peuple togolais en situation de souveraineté démocratique. C’est cela la valeur protectrice de la démocratie.
La fracture ethnique et son corollaire militaire, tel qu’ils existent au Togo, ne forment aucune protection infinie ou un droit à la perpétuation de l’arbitraire. Le Togo bouge autant que l’Afrique et le monde. Rien d’autre ne sauvera Faure Gnassingbé que le peuple togolais lui-même; un peuple envers qui Faure Gnassingbé se serait montré humble, audacieux et respectueux. L’appartenance ethnique ou encore tous les discours de diabolisation de l’opposition togolaise ne sanctifieront pas Faure Gnassingbé. On a déjà vu s’écrouler les pires dictatures sur leur propre base de contradictions et de dénégations.
La démocratie sauve en plus d’ouvrir la voie à la réconciliation, au développement, à l’émergence, à la dignité humaine et à une République nouvelle. Cette réflexion ainsi que les preuves qui la supportent existent depuis longtemps. Le Togo n’est pas né sous Faure Gnassingbé, et Faure Gnassingbé seul ne peut définir la démocratie au Togo en compagnie de quelques adeptes retranchés dans le maquis de la complaisance, en dehors des valeurs universelles. La réflexion ne s’est jamais arrêtée au Togo : du Grand Pardon au Grad, le Groupe de Réflexion et d’Action pour le Dialogue, la Démocratie et le Développement, en passant par l’Appel des Patriotes, le Mouvement Panafricain Alaga, le Groupe de réflexion et d’action Femme Démocratie et Développement et autres organisations de la société civile, de la diaspora ou des partis politiques à vocation démocratique. Seules l’écoute et l’action manquent au Togo.
« Nous sommes d’hier », disait bien Job… Agissons en conséquence… Agissons, « nous qui avons laissé humilier l’intelligence des pères. Nous avons laissé la lumière du verbe s’avilir jusqu’à la honte et au mépris » partout au Togo, en Afrique et au-delà. Il y a dix ans, le 9 janvier 2007, naissait l’objet qui a le plus révolutionné le XXIe siècle : l’iPhone. Dix ans, que le Togo est resté à la même place de l’invouloir politique, même après un Accord politique global (APG). « Il y a bien une honte et une limite à se maintenir dans les ténèbres de la nuit » dit-on d’ailleurs au Togo. Vous n’avez pas inventé le bouton à trois trous et vous voulez inventer la démocratie? Demandez-vous d’abord, pourquoi les boutons à deux et à quatre trous seuls existent… À d’autres!
Fini le dilatoire! Que vienne le jour! Que vienne la démocratie au Togo! Maintenant.
Pierre S. Adjété
Québec, Canada
9 janvier 2017
27Avril.com