Le samedi 02 février dernier, la cérémonie de remise de prix aux meilleurs acteurs et organes de presse, de diverses catégories, a été marqué par un fait majeur. Le refus systématique du député Kossi Aboka de remettre le prix de la troisième personnalité politique de l’année au représentant de Tikpi Salifou Atchadam, le leader du Pnp. Cette ratée, au-delà du prisme d’un simple incident, illustre un malaise qui caractérise la vie politique au Togo.
Une belle soirée…mal teintée
Plusieurs catégories et nominés étaient à l’agenda des promoteurs de Top Togo Impact, un événement qui était à sa première édition. Non exempte de critiques objectives sur les nominés pour l’occasion, la soirée de récompenses a été, néanmoins bien agrémentée. Malheureusement, un fait aura retenu l’attention de toute l’assistance, et continue d’alimenter le débat sur les réseaux sociaux. Le refus du désormais Député Agbenyegan Kossi Aboka, de remettre le prix décerné à l’homme politique, Tikpi Atchadam, Président National du parti National panafricain (Pnp).
Un mal si profond
Cet incident paraît peut-être banal, mais il caricature à juste titre le vrai malaise qui couve, depuis des années déjà, le lanterneau politique togolais. En effet, plusieurs sont les dérives qui, l’une mise dans l’autre, contraingnent au surplace, le Togo politique. Et ce, depuis plus d’un quart de siècle déjà. D’une part, le refus de débats d’idées au profits des menaces et slogans. Et de l’autre, la crainte d’un lendemain incertain et l’instinct, voire l’obsession de conservation du pouvoir. À la base, l’inculture politique dans laquelle baigne la classe politique marquée par une génération très peu renouvellée.
Depuis les années 90, la lutte démocratique en faveur d’une alternance politique est restée vouée à l’échec. La faute à un pouvoir réfractaire au changement qui se maintient au pouvoir ad viternam par la force des armes et des élections truquées. En retour, les forces démocratiques n’ont cessé de multiplier des discours haineux et vent-en-guerre qui, finalement ont contribué à la radicalisation des positions. Et depuis près de 30 ans, ces acteurs ont du mal à se débarrasser de cette pratique qui contribue au maintien du statu quo.
Le prix de l’inculture politique
C’est dans le prolongement de cette inculture politique que s’inscrit la bourde de l’ancien Président de la Délégation spéciale du Golfe qui n’a visiblement pas compris que la politique reste un débat d’idées et qu’au-delà des appartenances politiques, l’amour de la patrie, de son prochain et surtout, l’acceptation de l’autre doivent être les maîtres mots de l’existence des togolais. Certes Tikpi Salifou Atchadam, le Président National du Parti National Panafricain (Pnp) a beau être l’instigateur principal de la contestation populaire du pouvoir de Faure Gnassingbé, le 19 août 2017. Mais cela ne doit guère pousser Kossi ABOKA, membre du parti au pouvoir à faire une fixation sur la personne du natif de Kparatao qui n’a mieux fait que porter tout haut, la voix des millions de togolais restés sans voix, face à des situations sociales qui frustrent unanimement dans le pays. Au contraire, il doit se souvenir de Awandjelo qui devrait marquer la fin du zèle politique au Togo. Le jour où, lors d’une cérémonie apolitique, un fonctionnaire mal inspiré a voulu faire le procès à l’opposition togolaise, avant d’être vite rappelé à l’ordre par Faure Gnassingbé.
Par ailleurs, loin d’être une particularité des personnalités du parti au pouvoir, l’intolérance politique se veut également la chose la mieux partagée entre les acteurs de l’opposition. On a encore en souvenance, la brouille ayant conduit à la scission politique entre Me Agboyibo et Me Dodzi Apevon, qui a quitté la barque CAR pour ensuite créer son propre parti, Les Fdr. Que dire également de la gueguerre interminable entre Gilchrist Olympion, président National de l’URC et ses anciens lieutenants qui sont partis créer leur propre parti, l’Anc? Les causes de la dislocation de différentes coalitions politiques (CST, Arc-en-ciel, Cap 2015…), par faute de divergences d’opinions des acteurs…Les exemples sont légions et la liste est longue.
Nécessité d’un changement de paradigme
Au demeurant de toutes ces incompréhensions, une très mauvaise appréhension de la politique au point de déteindre malheureusement sur les relations humaines. De toute analyse faite, cela repose fondamentalement la question du parcours qu’il faille mener avant d’embrasser la politique. En effet, tout comme le football, la politique est une science. Donc difficilement maîtrisable pour ceux qui ne sont pas prédisposés à la pratiquer. On ne devient pas accidentellement homme politique. Au contraire, on le devient, soit par passion, soit par études. Mais qu’il soit l’un ou l’autre, cela nécessite avant tout une grande ouverture d’esprit. Ce qui semble faire défaut à nombre de politiciens africains et spécialement togolais qui, au lieu de s’y engager pour l’intérêt supérieur de son peuple, en mènent plutôt une véritable carrière .
ABOKA, loin de lui jeter les pierres, est le produit d’un système politique bancale qui, en lieu de la compétence, promeut le zèle et le clientèlisme. Et ce système risque de durer encore si rien n’est fait pour changer de paradigme. Au contraire, des milliers de ABOKA, il y en a dans tous bords politiques. Malheureusement.
Source : Fraternité No.301 du 06 février 2019
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