« Où ira mon âme quand je ne serai plus sur terre ?», se demandait ll’attiste togolaise Elvire Bright dans l’une de ses chansons. A Tsévié, en attendant que l’âme trouve sa destination, la mairie prend des dispositions pour que le corps se décompose dans une bonne sépulture. Quant aux vivants, on s’occupera d’eux après. L’urgence est de mettre à l’aise les disparus !
Il n’est pas nécessaire de chercher les besoins prioritaires de la ville de Tsévié. La priorité, c’est être aux petits soins des cadavres ! Les premiers responsables de la ville ont décidé de se glisser sous le manteau de « thanatopracteurs ». Ils ont annoncé, le 26 décembre dernier, la construction d’un cimetière moderne dont le cout global est estimé à 120 millions FCFA. La « dernière demeure » que la municipalité veut mettre en place va s’étendre sur 3 hectares. Elle comprend un bloc administratif, une guérite, un parking visiteur, l’éclairage et un forage. C’est le paradoxe d’un cadeau de fin d’année que les autorités ont offert à leurs administrés.
Mourrez, on prendra bien soin de vous !
A l’annonce de la construction du cimetière que les autorités qualifient de moderne, il semble que la hiérarchisation des besoins est aux antipodes de la réalité dans cette ville. Le cimetière va disposer d’un forage, dit-on, dans l’énumération de ses caractéristiques. On dira que c’est indispensable pour les besoins éventuel en eau. Ce besoin en eau est aussi ressenti par les populations à la disposition desquelles on oublie de mettre des forages ou dr l’eau potable. Cette priorité dont on prive les populations les expose aux maladies diarrhéiques et aux contaminations dues à l’eau impropre à la consommation. Dans cette commune, l’échelle des besoins semble érigée selon l’humeur des autorités municipales au détriment des besoins primaires de leurs administrés. On meurt souvent par manque de soins appropriés.
Chef-lieu de la région maritime, Tsévié devrait disposer d’un centre de santé publique digne de ce nom. Mais le Centre hospitalier régional (CHR) de Tsévié manque de tout. « Nous voulons bien prendre soin des malades, mais nous n’avons pas le matériel adéquat pour ce faire. Vous pensez que c’est une joie pour nous de voir nos compatriotes souffrir devant nous ? Nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons pas aller chercher nous-mêmes ces matériels avec le maigre salaire que nous avons à la fin du mois. Nous sommes impuissants devant la souffrance de la population. Malheureusement, celle-ci pense que c’est nous les médecins qui refusons de les soigner et c’est regrettable », a confié un agent du CHR à nos confrères du site d’information icilome. « C’est gênant parfois de devoir dire aux gens qui nous sollicitent qu’il n’y a pas de carburant dans le véhicule. L’hôpital assure difficilement ce côté », renchérit un autre agent de l’hôpital qui s’est également confié au site d’information.
Ces réalités, la municipalité les a négligées pour s’occuper des morts. Et la population est laissée à son triste sort. Celui de ne pas être bien servie dans un hôpital public. A quoi servent donc les projets de développement si la population à qui ils sont destinées n’en profite à titre posthume ? Toutefois, si dans différentes traditions togolaises, on organise des funérailles pour les morts, les besoins élémentaires des populations sont des préoccupations majeures. On ne les néglige pas pour s’occuper de celles qui ne présentent pas des menaces immédiates comme la construction du cimetière moderne d’Allagbadja de Tsévié.
Tsévié comme les villes du Togo en miniature
C’est triste de constater l’état dans lequel se trouve cette ville. Seule la nationale N°1 la traverse. Les voies secondaires sont desservies par la latérite. Alors que les taxes sont prélevées sans que les administrés ne sachent à quoi elles servent. Plus grave, les populations font face à des surtaxes comme des représailles. Il y a quelques mois, les revendeurs et commerçants du marché de Tsévié criaient leur indignation à l’augmentation injustifiée des taxes. « C’est depuis que le nouveau directeur du marché a pris fonction que nous sommes confrontés à cette situation. Il convoque les réunions à 10 heures du matin et les absents sont sommés de payer des taxes journalières à 500 FCFA au lieu de 100 FCFA », avait confié un revendeur qui avait requis l’anonymat. Il avait même ajouté que « Le 1er juin 2017, lors de la journée mondiale de l’arbre à Tsévié avec la participation du groupe média Pyramide Fm, tous les commerçants qui n’étaient pas allés planter des arbres sont tous pénalisés d’un ticket de 500 FCFA ».
Aussi en janvier de cette année, Dodji Akama, le nouveau directeur du marché avait, selon la source citée plus haut, «infligé un ticket de 500 FCFA aux revendeurs qui n’ont pas formulé les vœux de nouvel an au président de la Délégation spéciale de Tsévié. La même punition est affligée à ceux qui n’ont pas participé au marché propre de chaque samedi du mois ». Ces surtaxes sur fond de zèle politique révèlent la gestion chaotique et approximative des villes de l’intérieur, des maires et des projets qu’ils initient sous le couvert d’un fallacieux plan de développement de leurs communes.
Le paradoxe auquel on assiste à Tsévié ne s’observe pas uniquement dans la construction du nouveau cimetière. Cela se voit aussi dans certaines infrastructures de base. La ville dispose de deux marchés. Le nouveau dont l’a dotée Victoire Tomegah-Dogbè, ministre du Développement à la base, est boudé par les revendeurs. C’est un fiasco et de l’argent jeté par les fenêtres puisque tout projet requiert la consultation des bénéficiaires avant sa réalisation. Or, dans bien des cas, on ne prend pas en compte l’avis des populations. Et les résultats sont là. L’état dans lequel se trouve le nouveau marché de Tsévié est à l’image de beaucoup d’autres à l’intérieur du pays. C’est dire que Tsévié permet d’appréhender les autres villes du Togo. Elles ont presque les mêmes caractéristiques.
Les villes du Togo manquent presque de tout en matière d’infrastructures de base. Et pourtant, les taxes y sont prélevées. Les maires datent de plusieurs années à leurs postes sans un réel plan de développement de leurs communes. Aussi ces localités regorgent-elles de cadres intellectuels ou des milliardaires qui peuvent financer même les projets de développement de leur milieu. Mais ils ne font que thésauriser l’argent public sur le dos de leurs populations.
On oublie peut-être de dire aussi que les cimetières ont une vie. C’est peut-être un nouveau business puisqu’à l’avenir, ceux qui l’ont initié reviendront des années plus tard avec le même projet. Car le nouveau dont on vante les caractéristiques sera tombé en désuétude. Pendant ce temps, les pauvres populations continueront à se chercher dans les projets prioritaires de leur municipalité.
Source : www.icilome.com