A quoi sert l’opposition parlementaire au Togo ?

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« On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps » – Abraham Lincoln

En scrutant la vie politique togolaise du mois écoulé, j’ai été gagné par l’écœurement face aux manœuvres piteuses de la dictature au pouvoir. Je dois néanmoins à la justice de dire que l’opposition officielle m’a rempli de tristesse et de perplexité.

A quoi sert l’opposition parlementaire au Togo ?

Ce 23 juin 2017, la représentation nationale togolaise vote un texte important pour la vie de la Nation. Il s’agit de la loi portant création des communes au Togo. La grossière manœuvre du pouvoir en place et l’iniquité intrinsèque du projet gouvernemental n’enlèvent rien à l’importance du texte et à la gravité du moment. Le pronostic vital de la nation est encore une fois engagé. Le pouvoir dictatorial semble, lui, avoir perçu l’importance du moment et la gravité de la situation. Pour preuve de son inquiétude, un cordon de force de l’ordre, lourdement armée, encercle l’Assemblée Nationale sous le prétexte fallacieux d’empêcher le peuple de manifester et de rejoindre ainsi ses propres représentants et mandataires.

La scène est saisissante. Inacceptable !

Le plus ahurissant reste néanmoins à venir. Que le pouvoir RPT/UNIR s’accommode d’un tel état de fait qui crée un double blocus et une prise en otage en règle des députés, sommés de voter sous la menace ? Passe encore. C’est dans la nature même d’une dictature aux abois. C’est presque de bonne guerre. Mais que ladite opposition togolaise accepte d’être ainsi prise en otage et de légiférer sous influence d’une armée déployée qui l’enserre de toute part est complètement incompréhensible. La scène est tout simplement surréaliste et indique au-delà de l’anecdotique la qualité de l’opposition togolaise et son niveau de collusion avec le pouvoir qu’elle prétend combattre. Il n’y avait qu’une seule chose à faire et cela tombe sous le sens : REFUSER.

La vie est une succession symboles et plus encore la vie politique où les messages implicites et subliminaux ont un poids décisif et mobilisateur. Refuser de siéger dans un parlement assiégé. Exiger et obtenir la levée du blocus avant tout vote de la loi c’est rendre sa dignité à une des plus illustres institutions de la Nation. Les députés ANC/ADDI/CAR devaient impérativement quitter la salle et faire face courageusement aux forces de l’ordre. Le signal aurait été doublement clair envers ce pouvoir autiste à qui on signifierait ainsi en toute responsabilité les limites à ne pas franchir dans l’humiliation de toute une Nation et, d’autre part, indiquer à la Nation, qu’on appelle à la prise en main de son destin, le chemin de la révolte et de la non acceptation des états et des voies de fait inconcevables dans un État de droit.

Las ! l’opposition togolaise, confite d’incompétence est encore passé lamentablement à côté d’une bonne occasion de faire œuvre constructive. Elle a voté la loi sous la contrainte d’une force armée pour se répandre ensuite en critiques de tous ordres contre l’iniquité d’une telle loi. Cela relève de l’amateurisme et de l’irresponsabilité et même de la schizophrénie. Messieurs les opposants togolais débarrassez le plancher de la contestation si vous ne pouvez pas faire mieux. Vous empêchez juste une véritable opposition responsable d’éclore.

Puis vint l’histrion Tchao Christophe

Monsieur Tchao Christophe, chef du groupe parlementaire RPT / UNIR a fini par fendre l’armure. Ce cacique du pouvoir dictatorial en place au Togo a confirmé ce que le peuple togolais savait depuis belle lurette : la dictature n’a pas l’intention de faire les réformes constitutionnelles ou institutionnelles nécessaires au Togo. Tout au plus accepterait-elle de les réaliser à ses conditions et à son seul bénéfice.

Les contorsions et affirmations de mauvaise foi de Monsieur Tchao demandant à « remettre les compteurs à zéro » et à éviter une personnalisation de législation demandée par l’opposition n’aurait servi qu’à rejeter la responsabilité de l’échec de la réforme sur l’opposition tout en plaidant pour la perpétuation de son champion politique au pouvoir. Ce sinistre thuriféraire fait exactement ce qu’il semble reprocher aux auteurs de la proposition de loi ANC / ADDI. Il personnalise la réforme et cristallise le débat autour de la seule personne de Monsieur Faure Gnassingbé. Circulez ! Il n’y a rien à voir.

Symétriquement l’opposition s’arc-boute sur la demande « légitime » d’un retour à l’Accord Politique Global de 2006 et à la constitution de 1992 c’est-à-dire une élection présidentielle à deux tours assortie d’une limitation du mandat présidentiel à deux. La demande est légitime. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’efficacité de sa formulation. Les positions semble figées. Le peuple tiraillé entre un pouvoir qui manie l’intimidation et la terreur pour le maintenir dans le statu quo tout en préparant les forfaitures à venir et l’opposition « accompagnatrice », subjuguée et incompétente, incapable de susciter la franche adhésion du peuple appelé à « arracher » le pouvoir au tyran.

L’histoire semble repasser les plats. Le statu quo profite toujours au pouvoir en place. L’opposition togolaise le sait. L’exemple de 2015 est éclairant. Le refus de la présentation pour la troisième fois aux élections de M. Faure GNASSINGBE comme préalable à la réforme a débouché.. sur son  troisième mandant en cours. La situation actuelle est en train de nous préparer à nouveau une perpétuation ad vitam du tyranneau au pouvoir. Les commission diverses et variées créent un dilatoire et le saucissonnage nécessaire à la dictature pour asseoir au nez et à la barbe du peuple et de l’opposition bavarde et incapable le pouvoir à vie du président actuel.

La vraie question aujourd’hui est de savoir ce que veut l’opposition au Togo et au-delà ce qu’elle vaut en réalité. La grossièreté des erreurs commises comme celle relevées supra ; la tendance à s’enferrer dans des voies sans issue face à un pouvoir violent et autiste ; le mantra des deux tours et de la limitation des mandats présidentiels qui transparaît dans la rédaction controversée du projet tendant à affirmer « qu’en « aucun cas » nul ne peut effectuer plus de deux mandats présidentiels » au lieu de s’en tenir à la formulation de « nul ne peut effectuer plus de deux mandats présidentiels » nous indiquent la vraie nature de cette opposition qui se dessine clairement et distinctement. Nous sommes dans le schéma d’un soutien « objectif » à la dictature en place.

Une opposition véritable serait plus ambitieuse et réclamerait et imposerait dans le débat national et international la convocation d’une véritable assemblée constituante. Le pouvoir pratique le saucissonnage des réformes. C’est la seule réponse crédible. Le bon sens le commande. Le socle électoral du pouvoir en place ne dépasse guère les 20 % au Togo. L’accent doit donc se porter sur les conditions objectives d’une élection « véritablement » transparente : (toilettage des listes électorales ; composition du CENI ; équité des règles d’accès aux moyens de communication ; financement équitable et limitation des dépenses électorales…) voilà les points d’attention qui conduiraient à coup sûr à l’alternance au Togo. Elle n’accepterait pas plus de siéger et d’accompagner les élections dans des conditions d’organisations sous-optimales qui conduisent inévitablement à la fraude et à leur déroute tout en légitimant le fraudeur.

Une opposition véritablement responsable tendrait à se rassembler dans un effort centripète continu et présenterait un front uni contre l’une des dictatures les plus féroces au monde. Une opposition franche et déterminée serait plus véloce et plus prompte à élargir l’horizon et à ouvrir le focal de la négociation pied à pied avec des objectifs clairs et atteignables. Une opposition digne mesurerait plus exactement les enjeux pour emporter l’adhésion du peuple. Et les enjeux sont de taille. Il s’agit de l’avenir d’une Nation et de la vie de millions de togolais. L’amateurisme qui prend aussi régulièrement les traits de principes indépassable est une faute lourde et les compromissions un crime. N’oublions pas la formule désabusée d’Edouard Herriot : « appuyons-nous fermement sur nos principes. Ils finiront toujours par céder »

Jean-Baptiste K.

27Avril.com