Les Togolais ne savent plus à quel saint se vouer… C’est vrai, ils sont dans un très grand embarras, ils ne savent plus que faire, c’est ce que signifie l’expression mais, aujourd’hui l’expression elle-même semble plus indiquée que ses significations.
En effet d’où vient cette expression ? De la tradition chrétienne évidemment. Au milieu du 3ème siècle, après Jésus Christ, le théologien Origène diffuse l’idée que les saints (modèles de vie, amis, confidents) se soucient de ceux qui sont encore sur terre et plaident leur cause auprès de Dieu. Avec les siècles, à partir de ce qu’on savait de la vie des saints, s’est développée la conviction que les saints intercèdent pour les fidèles selon leur spécialité : Saint Antoine pour les objets perdus, Saint Fiacre pour les jardiniers, Sainte Cécile pour les chorales, etc. Ainsi donc pour chaque problème, on pouvait trouver un intercesseur spécialisé, mais voilà il arrivait que l’on rencontre un problème inédit, on ne savait plus alors à quel saint se vouer…
Il semble bien que tel est le cas des citoyens togolais ces temps-ci. Vers qui nous tourner ? Quels oracles encore consulter ? Où est, en effet, la solution de nos difficultés ?
Pour les plus âgés, elle devait sortir de la Conférence Nationale Souveraine et de ses suites, du multipartisme, du Gouvernement de transition, de la Constitution de 1992… Hélas, l’organisation des élections depuis 1993, au lieu d’apporter un changement notable dans la société togolaise, a permis au système autocratique de se consolider, de conforter sa main mise sur le pays, avec en plus un toilettage sous des dehors de démocratie, des parodies d’élections devenues des sources de légitimité contestable car enrobée dans une légalité problématique.
Pendant ce temps, le quotidien des Togolais n’a guère connu d’amélioration : la prospérité collective et individuelle a connu plusieurs protecteurs, de la Révolution Verte à l’autosuffisance alimentaire, des initiatives Banque Mondiale (PMA : Pays les Moins Avancés, PPTE : Pays Pauvres Très Endettés) à l’émergence à l’horizon 2030, de la monnaie unique de la CEDEAO à la place du CFA au PND (Plan National pour le Développement, nouveau mythe togolais) qui aidera le citoyen à faire face à toutes ses charges, à bien se nourrir, à bien se soigner, à scolariser correctement ses enfants.
Opinion internationale, voilà encore un nom d’intercesseur…. Hélas, des accords de Colmar, aux compromis acceptés sur initiative des chefs d’Etat africains, jusqu’à la feuille de route de la CEDEAO, quelle déception ! Quel alignement de sigles et de slogans qui ont brillé par leur inefficacité et dont l’unique apparente force réside dans une présentation formelle avec des thuriféraires de l’ordre établi !
Et que dire des noms que la solution a pris à l’intérieur du pays même depuis tant d’années ? Point n’est besoin de les citer, il y en a tant ! Jusqu’au dernier qui devait revenir d’au-delà des océans, il y a quelques jours ! Et aucun d’entre eux n’a obtenu auprès de Dieu l’intervention que les croyants Togolais sollicitent dans les cris et les larmes depuis tant d’années …
Non les Togolais ne savent plus à quel saint se vouer ! Mais y a-t-il un problème sans solution ? Certainement pas ! Il faudrait peut-être prendre le problème sous un autre angle. Car apparemment lorsque le problème est clairement décelé on trouve toujours un saint spécialiste.
Première tentative : devrions-nous penser comme ceux qui ont tout intérêt à ce que rien ne change sur la terre de nos aïeux et qui aiment à répéter, qu’il n’y aurait aucun problème : «tout va bien », disent-ils, « tout est pour le mieux, la preuve nous avons fait bitumer tant de kilomètres de voies !» ? Non, ça ne va pas, nos souffrances nous disent le contraire.
Deuxième tentative : et si nous localisions ce problème ailleurs, c’est-à-dire, pas en dehors de nous-mêmes. Cela vaut la peine d’examiner cette alternative étant donné ce que nous connaissons de nous-mêmes. En effet, nous avons l’habitude de chercher la source de nos maux en dehors de nous-mêmes ; ainsi nous intégrons difficilement la notion de maladie chronique qui évolue toute seule à l’intérieur de l’individu, nous aimons croire que c’est un envoûtement voulu par une personne extérieure à nous. Nous croyons difficilement à la mort naturelle, on cherche encore souvent un responsable de toute mort…
De la même façon, nombreux sont les citoyens qui se disent qu’il y a sûrement quelqu’un d’autre, en dehors d’eux-mêmes ou de leur groupe social qui doit s’y mettre pour que le Togo s’en sorte. C’est ainsi que les jeunes disent qu’eux manquent de moyens, de pouvoir : « Ce sont les aînés qui ne font rien ».
Ceux qui n’ont pas été très longtemps scolarisés disent « Vous qui êtes allés à l’école, nous vous attendons, avec tout ce que vous avez appris à l’école, vous avez sûrement la solution… ».
Et la fameuse question souvent posée : « Dites-nous ce qu’il y a à faire, donnez-nous des conseils ! » Même lorsqu’on interpelle directement quelqu’un il vous répond : « Oui mais que dois-je faire ? »…
Cette attitude fait qu’on s’accuse mutuellement, attitude stérile puisque personne ne reconnait finalement que la solution se trouve en lui et d’abord dans une saine autocritique.
Bref, à quel saint les Togolais vont-ils se vouer ? Peut-être à eux-mêmes, individuellement et collectivement. Ainsi :
Imaginons, dans ces quartiers de la capitale, où on se plaint à juste titre, de l’incurie du pouvoir pour s’occuper de la voirie, des citoyens capables de se mettre ensemble pour ne pas déverser les ordures dans les caniveaux, pour mieux gérer leurs ordures, pour ne pas jeter systématiquement par terre les sacs en plastiques…
Imaginons des citoyens, pourvus de moyens qui leur permettent de s’acheter une voiture, qui organisent le co-voiturage avec leurs voisins, cela ne dédouane guère l’Etat qui ne s’occupe pas assez du développement des transports en commun mais, le quotidien de certains seraient allégés. Et d’ailleurs ces citoyens « débrouillards » n’en seraient que plus forts pour réclamer leurs droits !
Et imaginons le temps que nous aurions gagné dans notre pays si chaque citoyen n’attendait pas un homme providentiel qui d’un coup de sa baguette viendrait changer la vie des Togolais… Et le temps, l’énergie que nous aurions gagné si nous n’attendions pas toutes les solutions des politiques. Nous aurions sans doute aussi gagné bien des mois et des années d’emprisonnement pour certains, des blessures pour d’autres, des vies humaines même…
Les Togolais ne savent pas à quel saint se vouer ! Et si ce saint vivait en eux, et si ce saint c’était eux-mêmes ? Cela ne vaut-il pas la peine qu’on essaie tous d’examiner cette alternative, d’essayer cette solution, chacun à notre niveau ? C’est une alternative proposée par la rubrique « Cité au Quotidien » du Journal L’ALTERNATIVE.
Nous espérons, vous avoir convaincus ; sinon nous nous en remettons à Saint François de Sales, patron des journalistes. Et si notre solution n’est pas la bonne alors, il ne nous restera plus qu’à nous adresser à Sainte Rita, qui s’occupe des causes désespérées !
Source : www.icilome.com