Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis, sommé d’adresser une demande de permission au ministre de l’administration territoriale, dans l’espoir que celui-ci me l’en donne afin de me rendre dans la région des Savanes, une région qui fait partie intégrante du même Togo d’où je détiens le droit de nationalité et de citoyenneté.
Il me plaît, à la suite de cette triste réalité enfermée dans un conseil que m’a prodigué le préfet de Tône, après qu’il ait choisi d’envoyer une cohorte d’hommes armés me chercher pour subir dans son bureau, plus de deux heures d’interrogatoires, de plonger ma plume dans le sang esclavagiste tributaire de la volonté néocolonialiste de « dieu », de coucher ces quelques lignes pour exprimer la perplexité des sentiments qui m’animent, face à ce qui est mis dans « indépendance du Togo ».
Il y a quelques années, je publie dans un numéro du Journal Togonyigba, un article titré «Togo, es-tu réellement indépendant?». Ce fut à la suite de moultes interrogations.
Indépendance quand sous un régime dit de déclaration, des autorisations décidées selon les humeurs de qui veut montrer le petit pouvoir incarné par sa petite personne sur les lois, toutes aussi liberticides, prennent le pas sur ce qui est écrit noir sur blanc?
Indépendance quand ceux qui sont censés appliquer les lois, affichent leur méconnaissance en la matière, violant éperdument ce qu’ils ont prêté le serment de respecter, défendre, protéger et promouvoir ?
Indépendance quand les pauvres citoyens au cœur meurtri suite à la conjugaison en temps réel de l’injustice sociale, sont empêchés de manifester leur désarroi ?
Indépendance face à l’incapacité de s’assurer et assurer à sa famille, un plat par jour?
Indépendance quand les pauvres commerçants voient leurs petits commerces en lambeaux parce que « dieu » et ses disciples en ont ainsi décidé ?
Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
Indépendance quand la minorité riche qui tire malheureusement ses richesses du service rendu à l’État, devient de plus en plus riche et la majorité pauvre au service duquel est la minorité s’appauvrit davantage, incapable de s’offrir un comprimé de paracétamol pour soulagé un simple mal de tête ?
Indépendance quand l’enseignant qui réclame de meilleures conditions de travail et de vie est empêché de manifester son droit de grève ?
Indépendance quand un médecin, incapable de sauver des vies à cause de l’inexistence d’un plateau Médical adéquat et d’un cadre de travail descent est considéré comme un ennemi à abattre?
Indépendance quand pour avoir dit ce qui ne va pas, les portes des prisons sont ouvertes pour accueillir des leaders d’opinion, au moment même où ceux qui commettent des crimes économiques sont libres de tout mouvement, narguent les victimes et font la loi?
Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
Indépendance quand bientôt, à l’allure où vont les choses, certains comme nous serions obligés de demander l’autorisation avant de donner à manger à notre chien?
Indépendance quand la loi du plus fort prévaut sur le droit et la justice ?
Indépendance quand la justice devient une source d’insécurité pour le justiciable ?
Indépendance quand certains ne peuvent pas jouir du même droit que les autres?
Indépendance quand des organisations de la société civile sont obligées de quémander la permission avant de construire de simples latrines aux populations qui par manque de ces infrastructures, défèquent à l’air libre et exposent leur vie à toutes les vulnérabilités ?
Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
Indépendance quand ma vie privée est violée avec l’utilisation de Pegasus ?
Indépendance quand, à la moindre pluie, des habitations sont inondées à cause des insuffisances des infrastructures routières ?
Indépendance quand certains peuvent circuler librement et d’autres, non?
Indépendance quand des personnes admises à la retraite refusent de libérer la place aux plus jeunes et frais d’esprit ?
Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
Indépendance dans une administration politisée où seuls les alignés sont promus, et ceux qui refusent de laisser compromettre leur esprit sont traités comme des ennemis ?
Indépendance quand lors des élections, les résultats sont en déphasage total avec l’expression des citoyens dans les urnes ?
Indépendance quand le choix du peuple n’est jamais accepté par les détenteurs de la force brute ?
Indépendance vous dites?
Vis-à-vis de qui et de quoi le sommes-nous?
Vis-à-vis du maître blanc qui prétend nous affranchir?
L’indépendance dont il est question, est-ce vis-à-vis du néocolonialiste qui ne nous affranchira peut-être jamais?
Je m’en interroge, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
De quelle indépendance parle-t-on et laquelle célébrons-nous?
Admettons que le colon blanc nous ait offert l’indépendance, en jouissons nous? Entre le colon blanc et le néo colon, lequel nous confère cette fameuse indépendance dont la prononciation devient redondante et la célébration nous divise plutôt que de nous unir comme fils et fille d’une même nation?
Je continue de m’en interroger, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis.
Pour finir, je vous propose, ce que la Conférence des Évêques du Togo en pense, à travers la lettre publiée à l’occasion du 63ème anniversaire du Togo.
Pour ceux qui pensent, après tout, que nous avons une indépendance à célébrer, je vous souhaite BONNE FÊTE. Quant à moi, plongé dans l’esprit esclavagiste auquel se résume la vie du pauvre citoyen que je suis, je continue de m’interroger sur la notion d’indépendance dans la dépendance.
Rodrigue AHEGO
Source : Togo actualité
Source : Togoweb.net