Par Tino Kossi, Journal Liberté du Mercredi 26 Avril 2017
Jeudi 27 avril 2017. Demain donc, le Togo (officiel) va célébrer le 57e anniversaire de l’indépendance du pays. Un programme est concocté à cet effet, et le gouvernement veut donner un cachet particulier à l’événement. Pour l’une des rares fois depuis l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale, le « Père de l’Indépendance », sera à l’honneur (sic). Une exposition de photos est même prévue sur lui. Du moins le temps de cette journée, Sylvanus Olympio sera à l’honneur. Avant de retourner dans l’oubli une fois la page de ce 57e anniversaire tournée…
Sylvanus Olympio à l’honneur
Ce jeudi, cela fera exactement 57 ans que le Togo aura arraché son indépendance, par le sacrifice d’un groupe de valeureux combattants. Mais la célébration de cette année parait particulière. En tout cas, le pouvoir veut lui donner un cachet spécial et a concocté tout un programme riche à ce
propos qui a commencé à être déroulé depuis une semaine pratiquement. Le thème retenu pour cette célébration est : « Tous ensemble maintenons le cap vers un développement inclusif ». La particularité, c’est qu’elle est dite dédiée au Père de l’Indépendance, feu Sylvanus Olympio. Ainsi, le pouvoir Faure Gnassingbé entend rendre les hommages mérités ( ?) à celui par le sacrifice duquel le Togo s’est défait de l’emprise du colonisateur français. Un homme malheureusement oublié volontairement depuis 57 ans par le clan Gnassingbé qui l’a voulu ainsi.
Alors que sous d’autres cieux, la fête de l’indépendance est célébrée avec faste, au Togo les 27 avril étaient souvent mis sous éteignoir par le régime du père Eyadema. En lieu et place, c’est le 13 janvier rappelant en 1963, l’assassinat du Père de l’Indépendance qui était célébré avec faste. Et même lorsque la donne a quelque peu évolué avec le fils, les 27 avril n’étaient pas consacrés à Sylvanus Olympio et aux combattants de la liberté seuls. Tout est fait pour tailler une place à Eyadema et aux autres chefs d’Etat connus par le Togo, alors que l’Histoire des indépendances ne rapporte aucune trace d’eux dans cette lutte. C’est ainsi que des photos d’Eyadema, l’assassin officiel de Sylvanus Olympio, sont placardées sur les affiches à la Fontaine Lumineuse, de même que celles de Nicolas Grunitzky, Kleber Dadjo, Faure Gnassingbé…
On ne peut que se féliciter que pour une fois, le pouvoir reconnaisse -humles sacrifices du Père de l’Indépendance et choisisse de lui rendre hommage. Mais…
Le pouvoir ou bien les USA ?
Dans le cadre de cet hommage annoncé à Sylvanus Olympio, il se tient dès ce mercredi, sur l’esplanade du Palais des congrès de Lomé, une exposition sur Sylvanus Olympio. Elle a lieu du 26 avril au 26 mai 2017. Il s’agit d’une exposition des photos de sa visite officielle aux Etats-Unis d’Amérique le 22 mars 1962. Mais il est permis de s’interroger sur la paternité de l’initiative.
A première vue, elle est du Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN). A en croire un communiqué rendu public à cet effet, cette exposition se situe dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de réparations, et conformément à la recommandation 46 de la CVJR qui stipule que « la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) recommande qu’un hommage soit rendu à certaines personnalités disparues qui ont occupé des postes de responsabilité importants et rendu service à la nation togolaise …». Mais là où la confusion règne, c’est de savoir que cette activité sera rendue possible, sinon quasiment faite par les Etats-Unis d’Amérique. Une rencontre a été tenue le 20 avril dernier entre les responsables du HCRRUN et ceux de l’Ambassade des USA à cette fin. « Cette exposition va montrer les liens historiques qui existent entre nos deux pays et va contribuer à l’effort de réhabilitation de l’image de certaines personnalités par le HCRRUN. Pour nous, c’est un soutien au HCRRUN, et nous sommes très fiers de participer à la mission de cette institution », a glosé le diplomate américain David Gilmour.
La coopération, elle existe dans plusieurs domaines. Mais la curiosité dans cette histoire, c’est de savoir que pour un hommage national et une exposition sur le Père de l’Indépendance et premier président du Togo, ce soit un autre pays, les USA notamment, qui soit sollicité pour son effectivité. Quel est donc le rôle des Etats-Unis dans cette histoire ? Ou bien au niveau du Togo, on n’a pas à disposition ces photos de Sylvanus Olympio et on est obligé de faire la courbette aux Américains afin qu’ils nous les
fournissent? Sans doute qu’au nom de cette politique du père reprise par le fils ayant consisté à enterrer le Père de l’Indépendance dans la caverne de l’histoire et l’effacer complètement de la mémoire collective, on a fait disparaitre même ses photos… Voilà autant d’interrogations légitimes qui triturent les méninges.
Une journée, puis retour dans l’oubli
Rendre hommage au Père de l’Indépendance et aux combattants de la lutte relève d’un devoir républicain des gouvernants. Pour l’Histoire, ces meneurs de la lutte ont leur place au panthéon. Dans d’autres pays, cela se fait de façon totale. Un tour au Ghana voisin, et l’on est bien servi. Le sacrifice de Kwame Nkrumah est
reconnu et l’homme est dignement honoré lors des célébrations de l’indépendance… Mais au Togo, il se fait que c’est cinquante-sept (57) ans après l’accession à la souveraineté nationale et
internationale que l’on veuille rendre hommage au Père de cette libération. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit-on. Mais cet hommage est-il synonyme de reconnaissance de la valeur de
l’acte de Sylvanus Olympio ?
Rien n’est moins sûr. Tout a l’air d’un simple geste du pouvoir pour paraitre bon. Mieux, Faure Gnassingbé a sauté sur une pportunité, la dynamique de réparation des violences enclenchée par le HCRRUN pour ce faire. En clair, ce sera une journée d’hommage officiel, puis Sylvanus Olympio retournera à sa place (sic), dans l’oubli, là où le clan Gnassingbé au pouvoir depuis 50 ans veut qu’il reste. Que valent d’ailleurs des hommages au Père de l’Indépendance lorsqu’on maintient le black-out sur sa disparition, mieux, son assassinat ? Tout ce que l’on sait sur cette page sombre, c’est que l’homme avait été froidement assassiné le 13 janvier 1963, par Eyadema – c’est en tout cas lui-même qui a réclamé le Ballon d’or de ce meurtre -, et pour un argument à faire dormir debout : « Il ne voulait pas avancer, j’ai tiré ». Et c’est tout !
Cet hommage dit rendu à Sylvanus Olympio est visiblement « FAURcé », en tout cas loin d’être naturel. Après cette journée officielle de folklore, le Père de l’Indépendance sera remis à sa place par le régime, dans la caverne de l’histoire. « En 57 ans, c’est l’une des rares fois que le 27 avril sera fêté comme jadis le 13 janvier, jour de l’assassinat de Sylvanus par Gnassingbé Eyadéma qui revendiqua l’assassinat à la télé en ces termes, je cite : il ne voulait pas avancer, j’ai tiré. Pour rappel, Sylvanus était un homme âgé, seul, les mains vides face à 5 ou 6 militaires puissamment armés. Par ailleurs, la seule chose qu’il faut corriger pour l’union des Togolais, est le nom Gnassingbé Eyadéma donné à l’aéroport de Lomé. Sylvanus est le 1er président du Togo, le nom de l’aéroport de Lomé lui revient de droit après son décès. Surtout qu’il est celui qui a construit cet aéroport et le port de Lomé dans les années 60. Vous imaginez pendant vos vacances, lire sur tous les afficheurs de vols des aéroports du monde: destination aéroport Sylvanus Olympio de Lomé ???? Ma parole, mon coeur pardonne déjà à moitié », réagit un compatriote.
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