​Togo: quand pouvoir et opposition se déchirent sur la décentralisation 

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Payadowa Boukpessi ministre en charge de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Photo: afreepress.info

Vingt-cinq ans après l’avoir inscrit dans sa Constitution, le Togo s’engage enfin vers la décentralisation. Le 23 juin, l’Assemblée nationale a adopté la loi portant création de 116 communes, à partir de laquelle vont se mettre en place un nouveau découpage du territoire et une nouvelle organisation administrative, mais aussi politique du pays.

La création de ces communes, premier échelon de collectivités territoriales, est censée accélérer le processus de décentralisation et permettre l’organisation d’élections municipales, que le gouvernement envisage d’organiser dès 2018 : un scrutin d’autant plus attendu que le dernier du genre remonte à… 1987 !

Le mandat des conseillers municipaux qui avaient été élus cette année-là ayant expiré en 1992, les villes togolaises étaient, depuis lors, dirigées par le corps préfectoral, ou par des délégations spéciales mises en place en 2002, y compris la capitale, Lomé – laquelle était d’ailleurs la seule du pays à avoir le statut de « commune ».

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Une réforme de la décentralisation

Inscrite dans la Constitution de 1992, dotée d’un cadre juridique en février 1998 et confirmée par une autre loi, en mars 2007, relative aux libertés locales, la décentralisation n’avait pourtant jusqu’à présent aucune existence concrète. Il était donc temps.

Pourtant, cette réforme a suscité des tollés et contribué à faire monter la tension jusqu’à ce que, conjuguée au début des travaux de la commission chargée de proposer un projet de réformes institutionnelles et constitutionnelles, le 31 juillet, le climat ne dégénère… Pourquoi l’opposition qui, depuis des années, avait fait de la décentralisation et de l’organisation d’élections locales l’un de ses objectifs est-elle aussi hostile à cette loi du 23 juin ?

Le texte a été adopté à 59 voix « pour », soit la quasi-totalité des élus du groupe de l’Union pour la République (Unir, majorité présidentielle), ceux de l’Union des forces de changement (UFC) et de Sursaut-Togo, malgré les protestations de l’opposition parlementaire (21 voix « contre »), qui, sachant que les prochaines législatives sont prévues mi-2018, y a tout de suite vu « une manœuvre électorale ».

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Diviser le territoire

Pour le groupe de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), le projet de loi et son adoption sont un « coup de force » de l’exécutif, qu’il accuse d’avoir établi « un découpage inique » fondé sur des calculs politiques dans le but de contrôler le maximum de communes, dans des circonscriptions qu’il estime lui être favorables, au détriment d’autres territoires, qui risquent d’être sous-représentés.

« Le gouvernement impose une fois encore le règne de la division et du tribalisme sous prétexte de mener une politique de décentralisation dans la perspective d’élections locales, au demeurant hypothétiques », a déclaré Isabelle Ameganvi, présidente du groupe parlementaire ANC. Une position relayée avec virulence par le leader du Parti national panafricain (PNP), Tikpi Atchadam. « Cette loi amorce la désintégration du territoire national, prévient-il. Avec ce texte, la stratégie du “diviser pour mieux régner” vient d’être portée à ses limites les plus extrêmes. »

Rejetant ces accusations, Payadowa Boukpessi, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, s’est évertué à expliquer que ces communes ont été créées « en tenant compte de la situation géographique, des aspects sociologiques et historiques, des potentialités économiques locales et des aspects démographiques des préfectures concernées ».

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Consulter tous les partis politiques

En décembre 2016, un atelier national sur la décentralisation avait été organisé avec l’appui financier du PNUD, auquel ont pris part plus de 200 représentants de partis politiques, du secteur privé, des partenaires techniques et financiers, de la chefferie traditionnelle, des préfets, des délégations spéciales, d’universitaires, de la société civile, etc.

L’ex-Premier ministre Agbéyomé Kodjo, président de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts, opposition), reconnaît pour sa part que cette réforme constitue « une étape importante du processus de décentralisation auquel aspire le pays », mais regrette que le texte ait été adopté sans que la majorité cherche un consensus avec l’opposition parlementaire, compte tenu de l’importance du sujet et de l’aspiration de toutes les parties à faire avancer la décentralisation.

Il déplore également « le nombre surabondant de communes créées », car cet « empilement des structures communales pourrait, en cette première phase, constituer un millefeuille administratif budgétivore dans la conduite de la politique de décentralisation engagée par le gouvernement ».

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Un challenge

Il va en effet falloir donner à ces communes et à leurs municipalités, au moins dans un premier temps, les ressources nécessaires pour assurer les compétences dont elles vont avoir la charge sur leur territoire. Sans parler de leur budget de fonctionnement.

Or, plus elles sont nombreuses, plus cela sera ardu… D’autant qu’aux 116 conseils municipaux que les Togolais devraient élire dès l’an prochain s’ajouteront ensuite les 39 conseils de préfectures (équivalents des conseils départementaux) et les conseils régionaux.

Un énorme défi d’ordre financier à relever, sur lequel le Premier ministre Selom Komi Klassou avait d’ailleurs insisté lors de la première réunion, en mai, du Conseil national de suivi de la décentralisation (CNSD). Pour le moment, un Programme de décentralisation et de gouvernance locale (Prodegol) a été mis en place.

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Créer un fonds d’appui aux collectivités territoriales

Il est doté d’un montant de 12,35 milliards de F CFA (près de 18,83 millions d’euros) financé, sur la période 2017-2021, par plusieurs bailleurs de fonds, dont l’Union européenne (à hauteur de 14 millions d’euros) et la coopération allemande (5,5 millions d’euros).

S’y ajoute la création du Fonds d’appui aux collectivités territoriales (Fact), déjà prévu par la loi de mars 2007, qui sera chargé de reverser aux collectivités locales les ressources financières nécessaires pour assurer les compétences qui doivent leur être transférées.

Car au-delà des débats relatifs au nouveau découpage territorial et aux futurs scrutins locaux, l’autonomie et le réel pouvoir de ces conseils municipaux, préfectoraux et régionaux dépendra évidemment des budgets dont ils disposeront et, dans un premier temps au moins, des transferts de moyens que l’État leur allouera… ou pas.

Source : www.togoweb.net